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05/07/2022 | FRANCE | N°21NT02458

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 05 juillet 2022, 21NT02458


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil métropolitain de Rennes Métropole a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) de Rennes Métropole ainsi que la décision du 27 mai 2020 du président de Rennes Métropole portant rejet de son recours tendant à l'annulation de cette délibération et au versement d'une somme de 700 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité fautive du clas

sement en zone UP de sa parcelle cadastrée AH 21, à titre subsidiaire, d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil métropolitain de Rennes Métropole a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) de Rennes Métropole ainsi que la décision du 27 mai 2020 du président de Rennes Métropole portant rejet de son recours tendant à l'annulation de cette délibération et au versement d'une somme de 700 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité fautive du classement en zone UP de sa parcelle cadastrée AH 21, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe sa parcelle en zone UP et l'immeuble édifié sur cette parcelle en patrimoine bâti d'intérêt local 2 étoiles, et de surseoir à statuer en enjoignant à Rennes Métropole de modifier le plan local d'urbanisme intercommunal.

Par un jugement n° 2003024 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2021, Mme B..., représentée par Me Paul, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 du conseil métropolitain de Rennes Métropole ainsi que la décision du 27 mai 2020 du président de Rennes Métropole, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe la parcelle AH 21 en zone UP et l'immeuble qui y est édifié en patrimoine bâti d'intérêt local 2 étoiles ;

3°) de sursoir à statuer et d'enjoindre à la Rennes Métropole de modifier le plan local d'urbanisme intercommunal en procédant au classement de la parcelle AH 21 en zone UB1a et à l'identification de cet immeuble en patrimoine bâti d'intérêt local 1 étoile ;

4°) de condamner Rennes Métropole à lui verser une indemnité de 700 000 euros en réparation du préjudice subi résultant de ce classement illégal ;

5°) de mettre à la charge de Rennes Métropole le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'est pas établi qu'il comporterait l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le classement de la parcelle cadastrée AH 21 à Rennes en zone UP est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; la commission d'enquête a préconisé de la retirer de la zone UP ; la parcelle présente les caractéristiques de la zone UB1a ;

- l'immeuble édifié sur cette parcelle, qui a été identifié comme faisant partie du patrimoine bâti d'intérêt local " deux étoiles " ne présente pas de valeur historique ou culturelle ; il n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, ni répertorié dans un site patrimonial remarquable dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public ;

- l'illégalité de ce classement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de Rennes Métropole.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2021, Rennes Métropole, représentée par Mes Mialot et Poulard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Franc substituant Me Paul, pour Mme B... et de Me Poulard, pour Rennes Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la délibération du 19 décembre 2019 du conseil métropolitain de Rennes Métropole approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) de Rennes Métropole et de la décision du 27 mai 2020 portant rejet de son recours gracieux, à titre subsidiaire, à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle classe en zone UP la parcelle cadastrée AH 21 dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Rennes et en tant qu'elle identifie en patrimoine bâti d'intérêt local 2 étoiles l'immeuble édifié sur cette parcelle. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". Aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger./ Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire./ Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". L'article L. 151-19 de ce code dispose que : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation, leur conservation ou leur restauration (...) ". Aux termes de l'article R. 151-18 du même code : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ".

4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à modifier le zonage ou les activités autorisées dans une zone déterminée, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment, de l'orientation 6 du projet d'aménagement et de développement durables, que les auteurs du plan local d'urbanisme ont souhaité " promouvoir, en renouvellement et en extension, des formes urbaines variées, économes novatrices et désirables qui contribuent à la qualité du cadre de vie " en prenant en compte " le patrimoine bâti et naturel des sites ". Ils ont, dans ce but, ainsi que cela ressort du rapport de présentation, définit des zones UP, lesquelles sont constituées d'ensembles patrimoniaux d'intérêt local " qu'il convient de préserver en raison de leur valeur culturelle et historique ", " ensembles à dominante résidentielle caractérisés par un tissu urbain aéré ", composés de " typologies bâties spécifiques (hôtels particuliers et villas de qualité du XIXème siècle) et d'ensembles urbains assez homogènes " dans lesquels il s'agit " d'éviter toute mutation profonde du tissu urbain, (...) de permettre l'évolution de ces secteurs, la réhabilitation et l'adaptation du bâti existant, sans destruction ni dénaturation de celui-ci ", de préserver leur caractère patrimonial et de maintenir " la qualité de la composition urbaine et paysagère " et notamment " le caractère arboré de certaines parcelles ".

6. Il ressort également des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AH 21 dont Mme B... est propriétaire sur le territoire de la commune de Rennes est classée dans une zone UP constituée de deux parcelles sur lesquelles ont été édifiés deux immeubles entourés d'un parc. Il ressort de l'annexe " E-10-2 Patrimoine bâti d'intérêt local " du plan litigieux que l'immeuble qui est la propriété de la requérante est une " maison bourgeoise de style Néo-Louis XIII, caractéristique de la fin du 19ème et début 20ème siècles. (...) Témoin de l'implantation de riches industriels et des entrepreneurs rennais, très friands de polychromie, dans ce nouveau quartier au début du 20ème siècle ". La fiche de renseignement indique qu'il s'agit d'une " Vaste propriété délimitée par un mur d'enceinte en moellons de schiste, briques et pierres de calcaire " et décrit les caractéristiques architecturales de cet édifice, " composé d'un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et un étage de comble ", de " Style ternaire ", représentant une " Élévation en briques avec encadrements et chaînage d'angles en pierre de calcaire ", dotée de " corniches en pierres de tailles soulignant l'étage de comble ", de " souches de cheminées monumentales en briques sur les pignons. " et comprenant une " lucarne avec fronton triangulaire, sur la travée centrale, en étage de comble ". La fiche de renseignements concernant la propriété voisine de celle de la requérante, appartenant à la même zone UP, implantée sur la parcelle AH 19, indique " villa construite en 1914, sur les plans de l'architecte Georges Nitsch. Implantation en cœur de parcelle, dans un nouveau quartier résidentiel de la ville. Vaste propriété délimitée par un mur d'enceinte en moellons de schiste et de grès, surmonté d'une clôture en fer forgé. Portail en fer forgé. Plan asymétrique : façade sur deux plans décalés avec une travée en avancée. (...) Toiture à deux pans avec un retour en tourelle à trois pans avec coyau recouverts d'ardoises. Porte d'entrée excentrée côté droit de la façade, surmontée d'une marquise en ardoise. ".

7. Il n'est pas contesté que les deux parcelles ainsi décrites se distinguent des parcelles voisines, notamment de celles situées au sud, classées en zone UB 1A caractérisées par un habitat essentiellement collectif sans intérêt culturel, historique et architectural particulier. Par suite, et alors même que l'immeuble de Mme B... n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, ni répertorié dans un site patrimonial remarquable, ces parcelles doivent être regardées comme formant un ensemble patrimonial d'intérêt local qu'il convient de préserver en raison de sa valeur culturelle et historique.

8. Il résulte des développements qui précèdent, qu'eu égard au parti d'urbanisme retenu, le classement en zone UP de la parcelle AH 21 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, et que les auteurs du plan ont pu identifier, sans davantage commettre une telle erreur, l'immeuble qui y est édifié au titre des " édifices significatifs de qualité patrimoniale " doté de deux étoiles en vue d'édicter, en application de l'article L. 151-19 précité du code de l'urbanisme, des dispositions visant, compte tenu de l'intérêt patrimonial qu'il présente, à le protéger et à le mettre en valeur.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à la mise en œuvre de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :

10. La délibération du 19 décembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal n'étant pas entachée des illégalités alléguées, les conclusions de Mme B... tendant à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

11. Eu égard à ce qui précède, et en l'absence d'illégalité fautive, les conclusions de Mme B... tendant au versement d'une somme de 700 000 euros en réparation du préjudice résultant pour elle du classement de sa parcelle en zone UP ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Rennes Métropole, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à Rennes Métropole d'une somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à Rennes Métropole une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à Rennes Métropole.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

C. A...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02458
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CAMILLE MIALOT AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-05;21nt02458 ?
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