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24/06/2022 | FRANCE | N°22NT00109

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 juin 2022, 22NT00109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme G... D... née F... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté n° PC0500165 20 J0038 du 19 octobre 2020 par lequel le maire de Donville-les-Bains a accordé à la SCI Donville un permis de construire un bâtiment de douze logements, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours administratif.

Par une ordonnance no 2100852 du 10 novembre 2021, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier et 7 mai 2022, M. et Mme D...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme G... D... née F... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté n° PC0500165 20 J0038 du 19 octobre 2020 par lequel le maire de Donville-les-Bains a accordé à la SCI Donville un permis de construire un bâtiment de douze logements, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours administratif.

Par une ordonnance no 2100852 du 10 novembre 2021, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier et 7 mai 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Helloco, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le maire de Donville-les-Bains a accordé à la SCI Donville un permis de construire un bâtiment de douze logements, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Donville-les-Bains une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'ils avaient produit leur titre de propriété à l'appui de leur demande de première instance ;

- ils justifient, en tant que voisins immédiat du projet, d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté de permis de construire contesté ;

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 431-2 et R. 431-8 et suivants du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme et de l'article U3 du plan local d'urbanisme de la commune de Donville-les-Bains en raison du risque pour la sécurité publique créé par l'accès autorisé et de l'obstacle à la circulation des engins de lutte contre l'incendie ;

- il méconnaît les dispositions de l'article U 10 du plan local d'urbanisme relatives à la hauteur des constructions ;

- il méconnaît les dispositions de l'article U 11 du plan local d'urbanisme relatives à l'aspect extérieur des constructions et à l'aménagement de leurs abords ;

- il méconnaît le plan de prévention des risques naturels.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 avril et 23 mai 2022, la SCI Donville-les-Bains, représentée par la SELARL 444 Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme D... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative ;

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que M. et Mme D... sont dépourvus d'intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté contesté ;

- les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril et 30 mai 2022, la commune de Donville-les-Bains, représentée par la SCP Souron, Solassol, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par un courrier du 24 mai 2022, la cour a informé les parties, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, qu'elle était susceptible de surseoir à statuer sur la requête de M. et Mme D... afin de permettre la régularisation de deux vices susceptibles d'être retenus affectant la légalité du permis de construire contesté.

Des observations en réponse à ce courrier, enregistrées le 24 mai 2022, ont été présentées pour M. et Mme D....

Des observations en réponse à ce courrier, enregistrées le 30 mai 2022, ont été présentées pour la commune de Donville-les-Bains.

Des observations en réponse à ce courrier, enregistrées le 31 mai 2022, ont été présentées pour la SCI Donville-les-Bains.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Solassol-Archambau, représentant la commune de Donville-les-Bains, et les observations de Me Peltier, substituant Me Prod'homme Soltner, représentant la SCI Donville.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 janvier 2020, la SCI Donville a déposé en mairie de Donville-les-Bains une demande de permis de construire un immeuble de douze logements sur un terrain, cadastré section AL no 67, situé 16 route de Coutances. Par un arrêté en date du 19 octobre 2020, le maire de Donville-les-Bains a accordé le permis de construire sollicité. M. et Mme D..., voisins immédiats du projet, en ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Caen. Ils relèvent appel de l'ordonnance par laquelle le président de ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI Donville-les-Bains :

2. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. / L'inventaire détaillé présente, de manière exhaustive, les pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. "

3. Il ressort de ces dispositions que le non-respect des obligations qu'elles prescrivent aux parties n'entraîne pas le rejet de leurs écritures comme irrecevables, mais implique seulement d'écarter des débats les pièces qui ne satisfont pas à leurs exigences. Au demeurant, si l'inventaire détaillé des pièces jointes à la requête de M. et Mme D... comportait des erreurs, dès lors que certaines pièces ne correspondaient pas au libellé et au numéro d'ordre de l'inventaire détaillé, M. et Mme D... ont régularisé cette non-conformité aux dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative par leur mémoire en réplique enregistré au greffe de la cour le 7 mai 2022. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la SCI Donville-les-Bains ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) ".

5. Il appartient à l'auteur d'un recours contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol, autre que le pétitionnaire, de produire la ou les pièces requises par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, notamment, s'agissant d'un requérant autre que l'État, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou une association, le titre ou l'acte correspondant au bien dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance seraient selon lui directement affectées par le projet litigieux. Dans le cas où, à la suite d'une fin de non-recevoir opposée sur ce point par le défendeur ou, à défaut, d'une invitation à régulariser qu'il appartient alors au tribunal administratif de lui adresser, la ou les pièces requises par ces dispositions n'ont pas été produites, la requête doit être rejetée comme irrecevable.

6. Le président du tribunal administratif de Caen a rejeté comme irrecevable la demande présentée par M. et Mme D... au motif qu'en dépit de la demande de régularisation qui leur avait été adressée par le greffe du tribunal le 22 avril 2021, M. et Mme D... n'avaient pas produit leur titre de propriété ou tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de leur bien tel qu'exigé par les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme. Il ressort pourtant du dossier de première instance que, par un mémoire enregistré le 5 novembre 2021 au greffe du tribunal, M. et Mme D... ont produit à l'appui de leur recours contre le permis de construire contesté, conformément aux dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, le titre de propriété de leur maison d'habitation, sous la forme d'une attestation établie par un notaire, laquelle, contrairement à ce que soutiennent la commune de Donville-les-Bains et la SCI Donville-les-Bains, était datée, signée et comportait la référence cadastrale des biens acquis par les requérants. Si les défendeurs font valoir que M. et Mme D... n'ont pas respecté le délai imparti par le tribunal dans sa demande de régularisation adressée sur le fondement de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité de la demande de première instance dès lors que la régularisation est intervenue avant l'édiction de l'ordonnance attaquée et sans qu'une clôture de l'instruction ait été prononcée. Par suite, c'est à tort que le président du tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son ordonnance du 10 novembre 2021 doit, dès lors, être annulée.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur la recevabilité de la demande présentée par M. et Mme D... :

8. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

10. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire litigieux autorise la construction d'un immeuble de douze logements en collectif d'une hauteur de plus de dix mètres, entraînant la création de 844,43 mètres carrés de surface de plancher. Cet immeuble est prévu pour prendre place au centre d'un terrain rectangulaire, comportant un premier immeuble bâti au nord, mais libre de toute construction sur le surplus. La façade de l'immeuble projetée, implantée à proximité de la limite parcellaire, comprendra plusieurs fenêtres qui donneront directement sur la maison d'habitation et le jardin de M. et Mme D..., voisins immédiats du terrain d'assiette du projet litigieux. Dans ces conditions, eu égard à l'emplacement, au gabarit et aux caractéristiques de l'immeuble projeté, M. et Mme D... sont fondés à soutenir que la construction autorisée par le permis de construire litigieux est de nature à porter atteinte à la vue, à l'intimité et au cadre de vie dont ils profitaient jusqu'alors, ainsi qu'à entraîner le cas échéant une baisse de la valeur vénale de leur bien, et donc à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien. Ils justifient donc d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté contesté.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 octobre 2020 du maire de Donville-les-Bains et du rejet du recours gracieux formé par M. et Mme D... :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales : " En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau. " Aux termes de l'article L. 2122-18 du même code : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal. / (...) ".

12. Il ressort de l'arrêté contesté qu'il a été signé, " par délégation " du maire de Donville-les-Bains, par M. A... B..., premier adjoint au maire. Si ce dernier a reçu, par un arrêté du 26 mai 2020, délégation de fonctions et de signature du maire de Donville-les-Bains " pour suivre les affaires concernant : / - l'administration générale ; / - les finances communales, notamment les titres de recettes, mandats de paiement, bordereaux / - les délégations de service public et des contrats de partenariats, / - les travaux communaux et la propreté, / - le cimetière, / - la prévention et la sécurité, / - le personnel, / - la police municipale et plus particulièrement les arrêtés concernant la réglementation de la circulation et du stationnement, / - les affaires économiques et signer tous les courriers qui y sont relatifs en cas d'absence ou d'empêchement de Madame le Maire, conformément à l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, ainsi que pour suivre et signer tous les courriers et actes d'administration courante et actes de chaque service de la mairie ", cette délégation, qui ne saurait légalement être interprétée comme déléguant au premier adjoint l'intégralité des fonctions du maire, n'incluait pas les décisions prises en matière d'autorisation d'occupation du sol. Par ailleurs, si la SCI Donville-les-Bains et la commune de Donville-les-Bains font valoir que M. B... a signé l'arrêté contesté en raison de l'absence et donc de l'empêchement du maire de Donville-les-Bains, il ressort de l'arrêté contesté, qui ne mentionne pas l'absence ou l'empêchement du maire, qu'il n'a pas été signé sur le fondement de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales, à la suite d'un empêchement du maire, mais par délégation du maire en application de l'article L. 2122-18 du même code. Par suite, M. B... n'était pas compétent pour signer l'arrêté du 19 octobre 2020 accordant à la SCI Donville le permis de construire litigieux.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords ". Aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Sont joints à la demande de permis de construire : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ". L'article R. 431-8 du même code dispose que : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". L'article R. 431-9 du même code dispose que : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / (...) "

14. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

15. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire incluait une notice architecturale et différents plans qui faisaient apparaître l'implantation, sur le terrain d'assiette du projet, d'une première construction située au droit de la route de Coutances, et qui comportaient notamment des éléments sur l'implantation des bâtiments et leur insertion dans l'environnement. Par ailleurs, le plan de masse versé au dossier de permis de construire fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions. Si les requérants soutiennent que les plantations supprimées n'y figurent pas, alors que le dossier de permis de construire déposé en 2016 pour la construction du premier immeuble sur la parcelle " indiquait que l'ensemble des espaces non bâtis de celle-ci resteraient aménagés en jardin d'agrément parsemé de plantations ", il ne ressort pas des pièces versées au dossier que, à la date du dépôt du permis de construire litigieux, des plantations auraient été maintenues sur la partie de la parcelle située au sud du premier immeuble bâti. Dès lors, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que le dossier de permis de construire était incomplet.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Aux termes de l'article R. 111-5 du même code : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. " Aux termes de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Donville-les-Bains, relatif aux " conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public " : " Accès / - Terrains enclavés : Tout terrain enclavé, ne disposant pas d'accès sur une voie publique ou privée, est inconstructible sauf si le propriétaire produit une servitude de passage suffisante (...). / - Desserte : / La réalisation d'un projet est subordonnée à la desserte du terrain par une voie (publique ou privée) dont les caractéristiques répondent à sa destination et à l'importance du trafic généré par le projet. Ces caractéristiques doivent permettre la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. "

17. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la route de Coutances, voie à double sens de circulation avec un terre-plein central, qui constitue la principale voie publique traversant la commune et sur laquelle la vitesse de circulation est limitée à 30 km/h, ne permettrait pas de desservir, dans des conditions de sécurité satisfaisante, le terrain d'assiette du projet, y compris pour la circulation et l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie.

18. D'autre part, il ressort des plans et photographies versés au dossier que les véhicules de l'immeuble projeté, comportant dix-sept places de stationnement, accèderont à la route de Coutances depuis le terrain d'assiette du projet par un accès d'une largeur de 3 mètres, depuis lequel ils emprunteront, sur une longueur d'environ 35 mètres et sans possibilité de croisement, la rampe d'accès de l'immeuble déjà bâti en front de rue, lequel comporte lui-même dix-neuf places de stationnement. Si les requérants soutiennent que, du fait de l'étroitesse et de la longueur de cette voie interne, un véhicule souhaitant accéder à l'immeuble devra, avant de s'engager dans l'accès, patienter sur la voie publique le temps qu'un véhicule sortant ait achevé sa manœuvre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les ralentissements de la circulation sur la route de Coutances générés par le projet présenteront, eu égard à l'intensité du trafic sur cette voie, un risque pour la sécurité des usagers de celle-ci ou pour celle des personnes utilisant cet accès. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le terrain d'assiette du projet ne peut être regardé comme enclavé au seul motif que l'immeuble litigieux empruntera la voie d'accès de l'autre immeuble déjà bâti en front de rue sur ce terrain.

19. Enfin, les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions du règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie adopté par un arrêté du préfet de la Manche du 22 février 2017, qui ne sont pas applicables aux permis de construire, ni utilement soutenir que la rampe d'accès à l'immeuble déjà bâti et à celui autorisé par l'arrêté contesté, qui ne sera pas ouverte à la circulation publique, ne permettra pas la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie.

20. Dès lors, le maire de Donville-les-Bains n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en accordant le permis de construire litigieux au regard des dispositions du code de l'urbanisme citées au point 16 ni méconnu les dispositions de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme.

21. En quatrième lieu, l'article U 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Donville-les-Bains, relatif à la hauteur maximale des constructions, prévoit que celle-ci ne pourra, en secteur Ua, " excéder 14 mètres pour les bâtiments collectifs et 11 mètres pour les maisons individuelles, sauf route de Coutances où il sera autorisé R+2+C ", et précise que " ces hauteurs seront mesurées au point le plus bas de l'emprise de la construction par rapport au terrain naturel avant travaux ". Le lexique du même règlement définit la " hauteur d'une construction " comme la " hauteur maximale mesurée en tous points de la construction (par rapport au niveau du terrain naturel avant travaux) ". Ces dispositions doivent être interprétées comme autorisant, pour les bâtiments collectifs situés en secteur Ua de la route de Coutances, des constructions présentant soit une hauteur maximale de 14 mètres, soit une hauteur supérieure s'il s'agit d'un immeuble en R+2+C, c'est-à-dire en trois niveaux surmonté de combles.

22. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet litigieux est situé en secteur Ua de la route de Coutances. Il ressort du dossier de permis de construire, notamment de ses plans de coupe, que l'immeuble projeté, présenté comme ayant une hauteur de " R+2+C ", sera composé d'un " sous-sol ", d'un rez-de-chaussée, de deux étages et d'un toit terrasse devant accueillir un jardin. Cependant, le prétendu " sous-sol ", d'une hauteur de 4 mètres, ne sera pour l'essentiel pas enterré et prendra place au niveau du terrain naturel après travaux, lequel sera inférieur de 60 cm en moyenne par rapport au niveau du terrain naturel avant travaux, caractérisé par une légère déclivité d'ouest en est. Les circonstances que ce premier niveau s'implantera, dans sa partie nord-est, à une profondeur d'un mètre par rapport au niveau du sol de la parcelle voisine, qu'il sera destiné au stationnement des véhicules et des vélos ainsi qu'à des caves, et qu'il ne comportera pas d'autres ouvertures que celles permettant d'accéder au bâtiment d'un côté et à la cour en gravier de l'autre, ne sont pas de nature à permettre de le qualifier autrement que comme un rez-de-chaussée au sens des dispositions de l'article U 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Donville-les-Bains. Ainsi, le permis de construire litigieux autorise la construction d'un bâtiment en R+3 surmonté d'un toit terrasse. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que la construction présentera une hauteur de 13,60 mètres par rapport au terrain naturel avant travaux, inférieure à la hauteur maximale de 14 mètres fixée par l'article U 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Donville-les-Bains. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

23. En cinquième lieu, aux termes de l'article U 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Donville-les-Bains, relatif à " l'aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords " : " Le permis de construire sera refusé si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentale. / Les clôtures / Les clôtures doivent être traitées avec soin et en harmonie avec les clôtures environnantes. (...) Sont interdits : / - les panneaux de béton préfabriqués, pleins ou évidés ; / - les murs de parpaings ou de briques creuses non revêtus d'un enduit. "

24. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies, que la route de Coutances, à proximité du projet litigieux, se caractérise par une certaine hétérogénéité des constructions, composées de maisons individuelles de faible hauteur et d'aspects variés, mais aussi d'immeubles collectifs et de bureaux de facture moderne ou contemporaine de trois à quatre niveaux ou plus. Le bâtiment litigieux prendra place en retrait d'un premier immeuble bâti de gabarit et d'aspect similaires.

25. D'autre part, il ressort du dossier de permis de construire que les clôtures existantes dans la partie sud-est du terrain seront conservées, tandis que la clôture située au droit de la rue de Coutances sera formée d'un grillage de 1,80 mètre de hauteur, en harmonie avec les clôtures environnantes dont il est constant qu'elles sont de faible hauteur et grillagées ou maçonnées et recouverte d'enduit de ton pierre. Si les requérants soutiennent que le projet litigieux prévoit la création de clôtures de très grande hauteur intégralement recouvertes de ton gris, il ressort des pièces du dossier de permis de construire et des photographies versées par les parties que ces murs de bétons préfabriqués d'une hauteur d'au moins 3 mètres, surmontés d'une claustra, ne sont pas des clôtures mais la façade du premier niveau de la construction.

26. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article U11 du règlement du plan local d'urbanisme de Donville-les-Bains doit être écarté.

27. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, si l'extrémité sud du terrain d'assiette du projet est classée en " zone orange ", c'est-à-dire en zone à risque de mouvement de terrain, par le plan de prévention des risques de mouvements de terrain de Granville et Donville-les-Bains, tel n'est pas le cas de la portion centrale du même terrain sur laquelle sera édifiée l'immeuble autorisé par le permis de construire litigieux. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaît ce plan de prévention des risques doit être écarté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

28. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. "

29. Le vice mentionné au point 12 du présent arrêt, tiré de ce que l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente, est susceptible d'être régularisé par l'obtention d'une mesure de régularisation. L'éventuelle mesure de régularisation devra être communiquée à la cour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 10 novembre 2021 du président du tribunal administratif de Caen est annulée.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de M. et Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2020 du maire de Donville-les-Bains jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois, courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la SCI Donville-les-Bains et à la commune de Donville-les-Bains pour produire devant la cour une mesure de régularisation.

Article 3 : Tous droits et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et Mme G... D... née F..., à la commune de Donville-les-Bains et à la SCI Donville-les-Bains.

Copie en sera adressée au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2022.

Le rapporteur,

F.-X. E...Le président,

A. Pérez

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00109
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP SOURON HAUPAIS SOLASSOL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-24;22nt00109 ?
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