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24/06/2022 | FRANCE | N°21NT03122

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 juin 2022, 21NT03122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2004168 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 novembre 2021 et 8 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2004168 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 novembre 2021 et 8 février 2022 M. G..., représenté par Me Pronost, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2019 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire ; le jugement est entaché d'irrégularité ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2022 le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés et s'en rapporte, pour l'essentiel, à ses écritures de première instance.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... G..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1993, déclare être entré en France le 11 septembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du 27 septembre 2017 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 28 septembre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Par la suite, il a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Sa demande a été rejetée par un arrêté du

6 décembre 2019 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour écarter le moyen tiré de la violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges se sont notamment fondés sur le fait que " le préfet de la Loire-Atlantique fait valoir, sans être contredit, que le requérant peut effectuer un bilan immunologique au sein du laboratoire d'analyses médicales de la clinique Ambroise Paré à Conakry. ". Cette allégation du préfet était contenue dans un mémoire du 13 novembre 2020 qui n'a pas été communiqué à la partie adverse. Les premiers juges ne pouvaient, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur cette mention pour écarter ce moyen. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu M. G... conteste la régularité de la procédure ayant permis au collège des médecins de l'OFII de rendre l'avis au regard duquel le préfet s'est prononcé pour rejeter sa demande de titre de séjour. Il conteste, d'une part, la lisibilité des signatures apposées sur l'avis du 11 avril 2019, qu'il produit au soutien de sa requête, et d'autre part leur fiabilité au regard de l'article 1367 du code civil et du décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 11 avril 2019 par le collège des médecins de l'OFII est revêtu de la signature des trois médecins composant ce collège, dont le nom est lisiblement indiqué : Dr C..., Dr A... et Dr F..., et dont les tampons apposés comportent des mentions lisibles : " OFII direction territoriale de Rennes ", " médecin coordinateur de zone " et " service médical OFII ". Ces signatures présentent ainsi l'ensemble des mentions permettant d'en identifier les signataires. En outre, le requérant n'apporte aucun élément de nature à faire douter de ce que cet avis, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, aurait bien été rendu par ses auteurs apparents.

6. En deuxième lieu le requérant soutient que le préfet n'a pas démontré qu'un rapport médical sur son état de santé avait été élaboré et transmis au collège des médecins de l'OFII avant que celui-ci ne rende son avis. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du bordereau de transmission de l'avis et d'une attestation de la direction territoriale de l'OFII de Nantes en date du 2 octobre 2020, que le rapport médical sur l'état de santé de M. G..., au demeurant versé aux débats par l'intéressé, a été établi par le Dr H..., médecin du service médical de l'OFII, le 14 janvier 2019, et qu'il a été transmis au collège des médecins de l'OFII deux jours plus tard, soit antérieurement à l'émission de son avis du 11 avril 2019.

7. Enfin le requérant conteste le caractère collégial de l'avis rendu par collège des médecins de l'OFII qui selon lui ne peut être attesté par la simple mention " après en avoir délibéré " mentionné sur ce dernier. Pour étayer son propos, il verse aux débats des copies d'écran de l'application THEMIS retraçant les différentes phases de l'instruction de demandes d'avis concernant l'état de santé de ressortissants étrangers ayant sollicité un titre de séjour sur le même fondement. Si le requérant soutient que cette pièce atteste de ce que les médecins ne rendent pas leur décision à l'issue d'une délibération, mais chacun individuellement, à des dates distinctes, les éléments tirés du logiciel THEMIS, compte tenu de leur caractère équivoque, ne sauraient constituer une preuve de l'absence de caractère collégial de l'avis. En tout état de cause, il n'y a pas lieu de solliciter du préfet la communication, invoquée par le requérant, de documents extraits de cette application informatique, qui est un document de travail interne à l'Office et dont les extraits ne sauraient remettre en cause la mention portée sur l'avis. Par suite M. G... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie liée au débat collégial du collège de médecins de l'OFII. Ainsi, le moyen tiré d'un vice de procédure sera écarté en ses diverses branches.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Pour refuser la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé notamment sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 11 avril 2019, indiquant que si l'état de santé de M. G... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à destination duquel il peut voyager sans risque.

9. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour en application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

10. Pour remettre en cause le sens de cet avis, M. G... se borne à produire des rapports de l'Organisation mondiale de la santé à caractère général, une fiche pays, au demeurant illisible, ainsi qu'un compte rendu de consultation. Aucun de ces éléments ne permet de remettre en cause la disponibilité effective d'un traitement en Guinée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, l'arrêté a été signé par Mme D..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Loire-Atlantique. Par un arrêté du 17 septembre 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique lui a donné délégation à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.

12. En second lieu, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision, que M. G... invoque à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.

14. En second lieu l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions, que M. G... invoque à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède M. G... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 6 décembre 2019. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004168 du 22 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2022.

Le rapporteur

H. B...La présidente

I. PerrotLa greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT03122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03122
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-24;21nt03122 ?
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