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24/06/2022 | FRANCE | N°20NT03654

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 juin 2022, 20NT03654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Rochereau a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 5 juillet 2016 par le directeur départemental des territoires de Maine-et-Loire pour un montant de 2 122 euros et de prononcer la réduction partielle de la redevance d'archéologie préventive à laquelle elle a été assujettie à raison de la reconstruction d'un bâtiment, autorisée par le permis de construire délivré le 10 juin 2015 par la commune de Miré

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Par un jugement n° 1705911 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Nan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Rochereau a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 5 juillet 2016 par le directeur départemental des territoires de Maine-et-Loire pour un montant de 2 122 euros et de prononcer la réduction partielle de la redevance d'archéologie préventive à laquelle elle a été assujettie à raison de la reconstruction d'un bâtiment, autorisée par le permis de construire délivré le 10 juin 2015 par la commune de Miré.

Par un jugement n° 1705911 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020, la SCI Rochereau, représentée par son gérant en exercice M. C... B... et par Me Buffet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 octobre 2020 ;

2°) d'annuler le titre de perception émis le 5 juillet 2016 par le directeur départemental des territoires de Maine-et-Loire au titre de la redevance d'archéologie préventive à hauteur de la somme correspondant à la redevance due sur la base de la surface correspondant à l'extension du bâtiment ;

3°) de prononcer à due proportion la réduction de la redevance d'archéologie préventive ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis des erreurs de droit et insuffisamment motivé leur jugement ;

- le signataire de la décision en date du 18 mai 2017 rejetant la réclamation préalable ne justifie pas de sa compétence ;

- le refus d'exonération méconnaît la circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l'aménagement, laquelle prévoit qu'un bâtiment détruit du fait d'un incendie depuis moins de dix ans est exonéré de la redevance d'archéologie préventive ; le point 1.3.1.8 de cette circulaire prévoit l'hypothèse de l'exonération de la redevance pour une reconstruction différente de la construction initiale ; de même, le guide sur la redevance d'archéologie préventive diffusé par la préfecture de la Corrèze indique que sont exonérées de la redevance d'archéologie préventive les reconstructions à l'identique ainsi que les reconstructions suite à sinistre sous réserve que l'existence du sinistre soit démontrée et que la reconstruction soit de même nature que les bâtiments sinistrés, sans que soit exigée une reconstruction identique ;

- la redevance d'archéologie préventive doit être calculée selon les dispositions des articles L. 524-4, L. 524-3 et L. 524-7 du code du patrimoine, appliquées aux seules surfaces ajoutées à celle du volume construit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2022, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Rochereau ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Cavelier, substituant Me Buffet, représentant la SCI Rochereau.

Considérant ce qui suit :

1. Un incendie, survenu le 9 février 2015, a détruit le bâtiment d'une superficie de 830 m² dans lequel la SCI Rochereau exerçait son activité à Miré (Maine-et-Loire). La SCI Rochereau a, le 10 juin 2015, obtenu un permis de construire afin de reconstruire un ensemble immobilier composé de bureaux et de hangars de stockage sur le même terrain pour une surface de 1 178 m². Le 5 juillet 2016, le directeur départemental des territoires de Maine-et-Loire a procédé, en sa qualité d'ordonnateur, à l'établissement et à la liquidation de la taxe d'aménagement et de la redevance d'archéologie préventive afférente à l'opération de construction autorisée. Il a émis deux titres de perception à l'encontre de la SCI Rochereau lui réclamant à ce titre le paiement des sommes de 10 812 euros et de 2 122 euros. Par une réclamation du 8 septembre 2016, la SCI a contesté ces titres de perception en exposant que la reconstruction de ce bâtiment devait être exonérée à hauteur de la surface initiale et que seule l'extension de 348 m² pouvait faire l'objet d'une taxation. Le directeur départemental des territoires a rejeté la réclamation par une décision expresse du 18 mai 2017. La SCI Rochereau a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les titres de perception émis le 5 juillet 2016 et de prononcer la réduction de la taxe d'aménagement et de la redevance d'archéologie préventive auxquelles elle a été assujettie à hauteur de la seule partie de la construction d'une superficie de 348 m². Elle relève appel du jugement n° 1705911 du 6 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception au titre de la redevance d'archéologie préventive et à la réduction partielle du montant dû au titre de cette redevance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Les premiers juges ont jugé, au point 8 de leur jugement, que les dispositions des articles L. 524-3, L. 524-4 et L. 524-7 du code du patrimoine ne permettent pas, s'agissant d'un projet excédant la seule reconstruction à l'identique d'un bâtiment sinistré, de déterminer l'assiette de la redevance d'archéologie préventive en tenant compte des seules surfaces ajoutées à celles du volume reconstruit. La société requérante ne saurait invoquer une insuffisance de motivation en ce que le jugement a déduit, de manière prétorienne, que les dispositions du code du patrimoine impliquaient nécessairement, pour établir l'assiette de la redevance d'archéologie préventive, de tenir compte de l'ensemble de la surface reconstruite.

4. En second lieu, la régularité d'un jugement ne dépendant pas de son bien-fondé, les requérants ne peuvent utilement soutenir, pour établir l'irrégularité du jugement attaqué, que les premiers juges ont commis des erreurs de droit.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué:

5. En premier lieu, les vices propres qui pourraient entacher la décision prise par l'administration sur la réclamation d'un contribuable sont dépourvus de toute influence sur la régularité de la procédure ou le bien-fondé de l'imposition. Par suite, la société ne peut utilement soutenir que la décision rejetant sa réclamation a été signée par une autorité incompétente. Ce moyen inopérant ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 524-3 du code du patrimoine : " Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive :1° Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés au a de l'article L. 524-2, les constructions et aménagements mentionnés aux 1° à 3° et 7° à 9° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme ;/ 2° Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés aux b et c de l'article L. 524-2 du présent code, les affouillements rendus nécessaires pour la réalisation de travaux agricoles, forestiers ou pour la prévention des risques naturels ; / 3° Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés aux a à cde l'article L. 524-2, les aménagements liés à la pose et à l'exploitation de câbles sous-marins de transport d'information. ". Aux termes de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Sont exonérés de la part communale ou intercommunale de la taxe [d'aménagement]: (...) / 8° La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 111-3, sous réserve des dispositions du 4° de l'article L. 331-30, ainsi que la reconstruction sur d'autres terrains de la même commune ou des communes limitrophes des bâtiments de même nature que les locaux sinistrés dont le terrain d'implantation a été reconnu comme extrêmement dangereux et classé inconstructible, pourvu que le contribuable justifie que les indemnités versées en réparation des dommages occasionnés à l'immeuble ne comprennent pas le montant de la taxe d'aménagement normalement exigible sur les reconstructions ; / (...) Conformément à l'article 43 III de l'ordonnance n° 2014-1335 du 6 novembre 2014 les présentes dispositions s'appliquent à compter des impositions dues au titre de 2015. "

7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'incendie qui a détruit le bâtiment situé zone artisanale du Rochereau à Miré le 9 février 2015, la SCI Rochereau a obtenu, le 10 juin 2015, un permis de construire un ensemble immobilier composé de bureaux et de hangars de stockage sur le même terrain pour une surface de plancher de 1 178 m² tandis que le bâtiment sinistré présentait une surface de 830 m², soit une augmentation de la surface de 41 %. Le bâtiment ainsi autorisé ne peut être regardé comme une reconstruction à l'identique par rapport au bâtiment détruit. Par suite, c'est à bon droit que le directeur départemental des territoires du Maine-et-Loire a assujetti la SCI Rochereau à la redevance d'archéologie préventive.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 80 A du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80.A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) "

9. Les contribuables ne sont en droit de contester, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ou de l'article L. 80 B du même livre, lequel renvoie au premier alinéa de l'article L. 80 A, que les rehaussements d'impositions antérieures. Par suite et dès lors que le litige porte sur la réduction d'une imposition primitive et non sur le rehaussement d'une imposition antérieure, la SCI Rochereau ne peut invoquer les énonciations du point 1.3.1.8 de la circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l'aménagement. En outre et au surplus, alors que les dispositions de l'article L. 80 A ne permettent aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, qu'à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine résultant de ces énonciations, appliquée littéralement, le point 1.3.1.8 de la circulaire du 18 juin 2013, qui prévoit que, dans le cas d'un bâtiment sinistré et reconstruit avec une extension sur un autre terrain, l'excédent doit être soumis à la taxe mais non la superficie correspondant à celle du bâtiment initial, est d'interprétation stricte et n'implique pas que, dans le cas d'une reconstruction non identique à la précédente sur le même terrain, seul l'excédent de surface serait soumis à la redevance d'archéologie préventive.

10. En quatrième lieu, la société requérante ne peut utilement invoquer " le guide sur la redevance d'archéologie préventive ", qui est dépourvu de caractère règlementaire.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Rochereau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SCI Rochereau demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Rochereau est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Rochereau et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire et au directeur départemental des finances publiques du Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.

La rapporteure,

H. A...

Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

A. LEMEE

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT03654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03654
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-08-02 Contributions et taxes. - Parafiscalité, redevances et taxes diverses. - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP AVOCATS CONSEILS REUNIS - ACR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-24;20nt03654 ?
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