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24/06/2022 | FRANCE | N°20NT01346

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 juin 2022, 20NT01346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2010, 2011 et 2012.

La SARL Aequatio a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et

des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2010 à 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2010, 2011 et 2012.

La SARL Aequatio a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2010 à 2012.

Par un jugement n° 1800363, 1802561 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et Mme B..., a prononcé, pour un montant en droits et pénalités de 63 987 euros, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Aequatio afférents à la compensation opérée par le vérificateur, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Aequatio.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 avril 2020 et 13 avril 2021 sous le n° 20NT01346 la SARL Aequatio, représentée par Me Lefeuvre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 février 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions demeurant à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée en ce qui concerne l'insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les encaissements reçus de clients au cours des exercices clos en 2011 et 2012 ;

- c'est à tort que le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur les loyers de l'immeuble de Nantes ;

- c'est à tort que le service a déterminé un montant de rappel de taxe sur la valeur ajoutée après rapprochement entre le chiffre d'affaires imposables à l'impôt sur les sociétés et celui imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- c'est à tort que le service a remis en cause le caractère déductible de la taxe déduite par anticipation ;

- c'est à tort que le service a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée sur les frais de mission ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rennes a prononcé la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Aequatio afférents à la compensation opérée par le vérificateur ;

- c'est à tort que le service a remis en cause la déduction à l'impôt sur les sociétés des frais de déplacements et des frais de réception ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 50 de l'instruction administrative référencée BIC-CHG-10-20-20 du 12 septembre 2012 ;

- c'est à tort que le service a procédé à des rectifications relatives aux créances irrécouvrables ;

- c'est à tort que le service a procédé à des rectifications relatives aux dettes de taxe sur la valeur ajoutée prescrite au passif de l'exercice clos en 2012 ;

- la majoration pour manquement délibéré relative à la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas justifiée.

Par des mémoires enregistrés les 15 octobre 2020 et 18 mai 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut :

1°) au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a accordé une décharge de taxe sur la valeur ajoutée à la société Aequatio et à ce que soit remise à la charge de cette dernière la somme de 63 987 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle la société a été assujettie pour les années 2010 à 2012.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société Aequatio ne sont pas fondés ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé que le service ne pouvait pas procéder à une compensation entre les factures impayées adressées à la société OAA (Ouest Atlantique Audit) et les sommes inscrites sur le compte fournisseur et le compte courant d'associé de cette société.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 avril 2020 et 13 avril 2021 sous le n° 20NT01347 M. et Mme B..., représentés par Me Lefeuvre, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 février 2020 en tant qu'il a rejeté leur demande ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- la base légale est inexacte ; l'exercice 2010 étant resté déficitaire, le 1° de l'article 109-1 du code général des impôts n'était pas applicable ;

- c'est à tort que le service a estimé que la prise en charge des frais kilométriques et des frais de réception par la société constituait pour eux des revenus distribués ;

- ils sont fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 50 de l'instruction administrative référencée BIC-CHG-10-20-20 du 12 septembre 2012 ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires enregistrés les 20 octobre 2020 et 18 mai 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lefeuvre, pour la société Aequatio et M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. La société Aequatio, qui exploite un cabinet d'expertise-comptable, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices 2010 à 2012. Cette société a été destinataire le 19 décembre 2013 d'une première proposition de rectification portant sur l'exercice 2010 puis le 11 avril 2014 d'une seconde proposition de rectification portant sur les exercices 2011 et 2012. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Morbihan a émis le 5 février 2016 un avis partiellement favorable à la société Aequatio. Par une décision du 27 mars 2018, le service a partiellement fait droit aux réclamations formées par la société les 19 et 20 septembre 2017. A l'issue des vérifications de comptabilité des sociétés Aequatio et OAA, dont M. B... est le gérant, M. et Mme B... ont fait l'objet de rehaussements de leur base imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison des sommes réputées distribuées au sens des 1° et 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. M. et Mme B... ont formé une réclamation concernant les rehaussements supplémentaires d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux, qui a été partiellement rejetée le 29 novembre 2017. Ils ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012. La SARL Aequatio a également demandé au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant à ces années. Par un jugement commun n° 1800363, 1802561 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et Mme B..., a prononcé, pour un montant en droits et pénalités de 63 987 euros, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Aequatio afférents à la compensation opérée par le vérificateur et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de cette société. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande. La SARL Aequatio relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Enfin, le ministre relève appel, par la voie de l'appel incident, de ce jugement en tant qu'il a accordé à la société Aequatio une décharge partielle de taxe sur la valeur ajoutée.

2. Les requêtes n°20NT01346 et 20NT01347 de la SARL Aequatio et de M. et Mme B... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel principal de la société Aequatio :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

3. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 26 mai 2020, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé en faveur de la SARL Aequatio un dégrèvement d'un montant de 5 399 euros correspondant aux pénalités de 40% appliquées aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés contestées par la société. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. La société Aequatio reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Rennes.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

Quant à la remise en cause de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée sur les loyers de l'immeuble situé à Nantes :

5. D'une part, contrairement à ce que soutient la société et ainsi que cela ressort des mentions figurant à la page 8 de ce courrier et relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, le service n'a pas, dans la réponse aux observations du contribuable, abandonné ce chef de rectification. D'autre part, si la rectification du montant du loyer hors taxe a quant à elle été abandonnée, le service a maintenu les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe figurant sur ces factures au motif que la société a refacturé les loyers à la société OAA par le biais d'une provision enregistrée " en frais à refacturer " dans les livres de la société sans taxe sur la valeur ajoutée. En outre, aucune facture relative à l'exercice clos en 2010 mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée n'a été produite par la société appelante. Enfin, les locaux en cause n'étant pas occupés par la société Aequatio, cette dépense ne fait pas partie des éléments constitutif du prix des opérations taxées en aval. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a procédé à ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Quant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée découlant des rapprochements des chiffre d'affaires concernant la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt sur les sociétés :

6. Le moyen soulevé à l'encontre de ce chef de rectification n'étant pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Quant à la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation :

7. La SARL Aequatio conteste le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible autre que celle se rapportant aux loyers, à savoir la somme de

32 393,72 euros en 2011 et 40 738,17 euros en 2012. Pour procéder à ces rappels, l'administration fiscale a relevé que le solde du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les achats et frais généraux était nul à la clôture de l'exercice 2010 mais présentait un solde créditeur au titre de l'exercice clos en 2011, ce qui traduisait une imputation de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites excédant celle correspondante à la taxe sur la valeur ajoutée facturée par les fournisseurs sur des factures de charges de l'exercice, par ailleurs correctement enregistrée au débit de ce compte. Ainsi, les rapprochements de la taxe sur la valeur ajoutée déductible présentés par la société au cours du contrôle ont permis de constater que la taxe sur la valeur ajoutée comptabilisée sur les charges de l'exercice s'élève à 53 351,28 euros alors que la taxe sur la valeur ajoutée effectivement déduite sur les déclarations CA3 de taxe sur la valeur ajoutée pour la même période s'élève à 85 745 euros, soit une différence de 32 393,72 euros. L'administration fiscale a relevé que ce solde ne correspond pas aux factures des fournisseurs présentées et comptabilisées par la SARL Aequatio au cours de la période vérifiée et que la société a d'ailleurs estimé elle-même qu'il s'agissait de taxe sur la valeur ajoutée déductible à régulariser dans les documents de rapprochements de taxe sur la valeur ajoutée fournis au service. La SARL Aequatio n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause ce montant. Dans ces conditions, c'est sans méconnaitre les dispositions du 1 du I de l'article 271 et du a du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts que ce solde créditeur a fait l'objet d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée. Le moyen doit, par suite, être écarté.

Quant à la taxe sur la valeur ajoutée relatives à des frais de réception :

8. La déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative à des frais de restauration de M. B... a été remise en cause par le vérificateur au motif que les pièces justificatives fournies (facturettes, notes de frais) ne comportaient aucune information concernant l'identité des personnes invitée ou l'objet de la dépense, et qu'aucun agenda n'avait été fourni. Si la société produit désormais un tableau récapitulatif reprenant l'intégralité des frais de restaurant et de réception, ce tableau n'est toujours accompagné d'aucune pièce justificative probante. Enfin, certains clients mentionnés sur ce tableau ne sont pas des clients de la société Aequatio, mais des clients de la société OAA. Il suit de là que c'est à bon droit que le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces frais.

S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

Quant aux frais kilométriques :

9. En premier lieu, si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

10. En l'espèce, le service a remis en cause le caractère déductible de frais kilométriques pris en charge par la société, et correspondant à des déplacements de M. B... avec son véhicule personnel. Pour justifier du caractère professionnel de ces déplacements, la société se borne à faire état d'un calcul se fondant sur la base d'un déplacement annuel chez chaque client. Toutefois, le service a constaté, au cours du contrôle, que les états de frais ne faisaient pas mention du véhicule personnel de M. B..., et que la société disposait de deux véhicules destinés aux déplacements des salariés ou du gérant. Le service a également constaté que M. B... avait à sa disposition les deux véhicules de la société OAA, dont il est également le gérant. Enfin, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, le service a constaté que le kilométrage parcouru par les véhicules personnels de M. B... était largement inférieur aux kilomètres pris en charge par la société. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a remis en cause le caractère déductible de cette charge.

11. En second lieu, la société n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 50 de l'instruction administrative référencée BIC-CHG-10-20-20 du 12 septembre 2012, dont les prévisions ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application.

Quant aux frais de réception :

12. Ainsi qu'il a été exposé au point 8, la seule production d'un tableau récapitulatif des clients rencontrés, en l'absence de toute autre pièce justificative, ne permet pas de justifier que les frais de restauration exposés par M. B... l'auraient été dans un cadre professionnel. Par suite, c'est à bon droit que le service a remis en cause le caractère déductible de cette charge.

Quant aux créances irrécouvrables :

13. Le moyen soulevé à l'encontre de ce chef de rectification n'étant pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Quant aux dettes de taxe sur la valeur ajoutée prescrite au passif de l'exercice clos en 2012 :

14. La société Aequatio reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que c'est à tort que le service a procédé à des rectifications relatives aux dettes de taxe sur la valeur ajoutée prescrite au passif de l'exercice clos en 2012. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Rennes.

S'agissant de la majoration pour manquement délibéré restant en litige :

15. Eu égard à la nature de l'activité exercée par la société Aequation, au caractère répété du manquement, et au montant des insuffisances relevées, c'est à bon droit que le service a appliqué aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

Sur l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la relance :

16. La société Aequatio, spécialisée dans l'expertise comptable et basée à Baud dans le Morbihan, est une filiale à 99,99% de la société OAA, société spécialisée dans le commissariat aux comptes et basée à Nantes. La société OAA est elle-même détenue par M. B..., gérant des deux sociétés. La société Aequatio a mis à disposition de la société OAA des salariés et a émis des factures qui sont demeurées, au cours des années en litige, impayées par la société OAA. Au cours des mêmes années, la société OAA a quant à elle facturé à la société Aequatio des frais correspondant à des prestations effectuées par M. B....

17. Au cours du contrôle, le service vérificateur a constaté que la société Aequatio n'avait pas réglé, au cours de ces mêmes années, l'intégralité des factures émises par la société OAA, si bien que le compte fournisseur OAA présentait un solde créditeur. Surtout, le vérificateur a constaté que la société Aequatio avait bénéficié d'avances de trésorerie importantes de la part de la société OAA, par le biais d'inscriptions au crédit du compte courant d'associé, alors même que parallélement elle n'avait pas eu paiement des montants facturés par elle à cette société. Eu égard au fait que la société Aequatio était détenue par la société OAA et par M. B..., que M. B... était le gérant des deux sociétés ainsi que l'unique associé de la société OAA, la société Aequatio, prestataire de la société OAA, doit être regardée comme ayant eu la disposition du compte fournisseur et du compte courant d'associé de la société OAA. Par suite, c'est à bon droit que le service vérificateur a estimé que les sommes inscrites au crédit du compte fournisseur OAA et au crédit du compte courant d'associé devaient être regardées pour la société Aequatio comme des encaissements au sens de l'article 269 du code général des impôts. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces opérations n'était pas exigible au cours de la période en litige.

Sur l'appel de M. et Mme B... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

18. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

19. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les deux propositions de rectification adressées à M. et Mme B... indiquent le montant des rectifications, le fondement légal et la catégorie d'imposition concernée. S'agissant des motifs des rectifications, l'administration a repris, dans ces deux propositions de rectification, des extraits des propositions de rectification adressées aux sociétés Aequatio et OAA. Dans ces conditions, les deux propositions de rectification adressées à M. et Mme B... sont suffisamment motivées. Au demeurant, ces propositions de rectification font expressément référence aux propositions de rectification adressées aux deux sociétés Aequatio et OAA, dont il n'est pas contesté que M. B..., en sa qualité de gérant et d'associé unique de la société OAA, dont Aequatio est la filiale à 99,99%, a eu connaissance. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

20. En premier lieu, si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution de base légale ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi compte tenu de la base légale substituée.

21. En l'espèce, par une décision du 30 mai 2016, le service a décidé de minorer, pour la société Aequatio, les impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2010, à la suite de la décision de la commission des impôts. En conséquence, le service a, dans la décision d'admission partielle du 29 novembre 2017 faisant suite à la réclamation de M. et Mme B..., d'une part maintenu le fondement légal initial des rectifications, soit le 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts à hauteur des bénéfices rectifiés maintenus, à savoir 11 945 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et 16 600 euros pour l'exercice clos en 2011 et, d'autre part, proposé de substituer le c de l'article 111 du code général des impôts comme fondement légal pour le surplus des revenus distribués. M. et Mme B... ne précisent pas en quoi cette substitution de base légale les aurait privés d'une quelconque garantie. Enfin, s'ils semblent faire valoir que le service ne pouvait pas faire usage du c de l'article 111 du code général des impôts, il résulte de l'instruction, d'une part, que M. B... était le bénéficiaire de remboursements de frais kilométriques ainsi que de frais de restaurant et de réception injustifiés, d'autre part, que ces avantages avaient bien un caractère occulte. Par suite, le service a pu à bon droit invoquer ce nouveau fondement légal.

22. En deuxième lieu, pour qualifier de revenus distribués les frais kilométriques remboursés par les sociétés Aequatio et OAA, le service s'est fondé sur la circonstance que les deux sociétés disposaient chacune de deux véhicules dédiés aux déplacements professionnels. Le service a également constaté que M. B... n'a produit aucun justificatif du kilométrage parcouru par ses véhicules personnels, et que l'exercice du droit de communication avait permis de constater que les deux véhicules personnels de M. B..., à savoir un véhicule de marque Porsche et un véhicule de marque Jeep, n'avaient parcouru que 39 909 km entre février 2010 et juin 2013, alors que M. B... a bénéficié de remboursements sur la base d'une distance globale de 116 720 km pour 2011 et 2012, distance qui ne tient pas compte des kilomètres ayant fait l'objet d'une prise en charge en 2010 pour un montant d'environ 30 000 euros. Enfin, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que les états de frais présentés par la société Aequatio mentionnaient les véhicules de la société OAA et que les états de frais présentés par la société OAA mentionnent un véhicule de 13 chevaux fiscaux, alors que le véhicule de marque Jeep en avait 12 et que le véhicule de marque Porsche en avait 22. Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le service a regardé l'ensemble des sommes concernées comme des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et du c de l'article 111 du même code.

23. En troisième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 8 et 12, s'agissant des frais de réception et de restauration pris en charge par la société Aequatio, M. B... se borne à produire un tableau récapitulatif des clients rencontrés. Toutefois, le service a estimé que ces frais n'avaient pas été pris en charge dans un cadre professionnel au motif que M. B... n'avait pas pu produire ni agenda, ni justificatifs de dépenses telles que des notes de frais, des facturettes mentionnant les clients invités ou l'objet de la dépense. Enfin, si M. B... produit quelques tickets ayant fait l'objet d'une refacturation aux clients, cette refacturation a été réalisée par la société OAA, alors que les frais en litige concernent ceux pris en charge par la société Aequatio. Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le service a regardé ces sommes comme des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et du c de l'article 111 du même code.

24. En dernier lieu, les contribuables ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 50 de l'instruction administrative référencée BIC-CHG-10-20-20 du 12 septembre 2012, dont les prévisions ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application.

S'agissant de la majoration pour manquement délibéré :

25. Eu égard à la profession d'expert-comptable de M. B..., au caractère répété des manquements et au montant des insuffisances relevées c'est à bon droit que le service a appliqué la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aequatio n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

27. Il résulte également de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et la relance, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la réduction, à hauteur de 63 987 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Aequatio.

28. Il résulte enfin de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par conséquent, leur requête, y compris en ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Aequatio à concurrence de la somme de 5 399 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1800363, 1802561 du 12 février 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 3 : La somme de 63 987 euros, pénalités incluses, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle la société a été assujettie au titre des années 2010 à 2012, est remise à la charge de la SARL Aequatio.

Article 4 : La requête n°20NT01346 de la SARL Aequatio et la requête n°20NT01347 de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Aequatio, à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.

Le rapporteur

H. A...La présidente

I. PerrotLa greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 20NT01346, 20NT013472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01346
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LEFEUVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-24;20nt01346 ?
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