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17/06/2022 | FRANCE | N°22NT00397

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 juin 2022, 22NT00397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office.

Par un jugement n° 2102026 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, M. C... D..., re

présenté par Me Balouka, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office.

Par un jugement n° 2102026 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, M. C... D..., représenté par Me Balouka, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 13 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 du préfet du Calvados refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 ou L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ou, à défaut, mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation familiale ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant eu égard à la situation de ses deux enfants nés en France de sa relation avec une personne établie régulièrement en France depuis plus de dix ans ;

- elle est intervenue en violation des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas suffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation familiale ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant eu égard à la situation de ses deux enfants nés en France de sa relation avec une personne établie régulièrement en France depuis plus de dix ans

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale ;

en ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire :

- elle n'est pas suffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation familiale ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant eu égard à la situation de ses deux enfants nés en France de sa relation avec une personne établie régulièrement en France depuis plus de dix ans ;

- un délai de départ volontaire supérieur s'imposait eu égard à sa situation familiale ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

en ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :

- elle n'est pas suffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation familiale ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant eu égard à la situation de ses deux enfants nés en France de sa relation avec une personne établie régulièrement en France depuis plus de dix ans

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant nigérian né le 23 avril 1980, est entré en France, selon ses déclarations, le 25 octobre 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 août 2018 et par la Cour nationale du droit d'asile le 2 mai 2019. Par une décision du 15 mai 2019, le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. D... a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Calvados a, par un arrêté du 19 août 2021, rejeté la demande de titre de séjour présentée le 6 janvier 2021 par M. D..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 13 janvier 2022, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que, venant d'Italie où il séjournait régulièrement, M. D... s'est installé sur le territoire français en octobre 2017. Il y a rejoint Mme A..., une compatriote installée en France, mère de ses enfants nés les 28 octobre 2017 et 25 juin 2020, et avec laquelle il s'est marié le 6 juillet 2019. Celle-ci bénéficie en France d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée le 5 septembre 2019 valable jusqu'au 5 septembre 2023, et est titulaire depuis le 8 juillet 2019 d'un contrat à durée indéterminée en qualité de cueilleuse de champignons. M. D... justifie par ailleurs de sa propre inscription à des cours d'apprentissage du français en septembre 2019 et du fait qu'il accompagne ses enfants à l'école maternelle et à la crèche. Il s'ensuit, alors même que l'intéressé a été destinataire d'une décision du préfet du Calvados du 15 mai 2019 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, qu'eu égard à la situation familiale de M. D..., la décision de refus de titre de séjour est intervenue en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 août 2021 du préfet du Calvados lui refusant le titre de séjour sollicité, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Calvados délivre à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les frais d'instance :

6. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Balouka dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2102026 du 13 janvier 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet du Calvados a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité par M. D..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 4 : L'Etat versera à Me Balouka la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. C... D..., à Me Blache et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

C. Rivas

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00397
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET SARAH BALOUKA - AARPI CONCORDANCE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-17;22nt00397 ?
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