La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2022 | FRANCE | N°21NT03510

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 14 juin 2022, 21NT03510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 27 novembre 2019 par laquelle la présidente du Parc naturel régional de D... l'a licencié pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 2000163 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2021 et un mémoire enregistré le 28 avril 2022, le Parc naturel régional de D..., représenté par M

e Schlosser, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 27 novembre 2019 par laquelle la présidente du Parc naturel régional de D... l'a licencié pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 2000163 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2021 et un mémoire enregistré le 28 avril 2022, le Parc naturel régional de D..., représenté par Me Schlosser, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 15 octobre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne mentionne pas la présence à l'audience de son conseil, est irrégulier ;

- le jugement est également irrégulier en ce que la note en délibéré présentée par M. C... ne lui a pas été communiquée alors qu'elle contenait des éléments nouveaux ;

- les difficultés d'organisation de M. C... et son manque de priorisation de ses tâches, en dépit de l'accompagnement mis en place dès 2016, ont entraîné un manque de confiance de sa hiérarchie; ces carences révèlent une insuffisance professionnelle de nature à justifier son licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2022, M. C..., représenté par Me Vève, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Parc naturel régional de D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Parc naturel régional de D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique ;

- les observations de Me Daumont, substituant Me Schlosser, représentant le Parc naturel régional de D... ;

- et les observations de Me Diard, substituant Me Vève, représentant M. C....

Une note en délibéré, enregistrée le 1er juin 2022, a été produite par Me Vève représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été recruté par le parc naturel régional (PNR) de D... en qualité d'ingénieur en géomatique contractuel. Le 22 octobre 2019, M. C... a été informé de ce qu'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle serait engagée à son encontre. Il a contesté la décision du 27 novembre 2019 prononçant son licenciement avec effet au 28 janvier 2020. Le PNR relève appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président (...) ont été entendus ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche de présence à l'audience établie par le greffe du tribunal administratif de Caen, que l'avocat du PNR de D..., était présent à l'audience du 30 septembre 2021 à laquelle était inscrite l'affaire enregistrée sous le n° 2000163. Le jugement attaqué ne fait pas mention de la prise de parole de cet avocat à l'audience. Dans ces conditions, le PNR est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier, faute de mentionner les observations présentées par son conseil à l'audience, en méconnaissance de l'article R. 741-2 précité du code de justice administrative.

4. En conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen se rapportant à sa régularité, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur la légalité de la décision du 27 novembre 2019 prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. C... :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...). " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

6. M. C... admet que la décision contestée comporte une motivation en fait. Il souligne cependant qu'elle ne vise aucun texte. Si cette décision rappelle le courrier qui lui a été adressé le 22 octobre 2019 en vue de sa convocation à son entretien préalable, lequel vise l'article 39-2 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 sur le fondement duquel son licenciement était envisagé, ce courrier, auquel la décision en cause ne se réfère d'ailleurs pas, n'était pas annexé à la décision du 27 novembre 2019. Par suite, l'intéressé est fondé à soutenir qu'elle est insuffisamment motivée en droit.

7. En second lieu, aux termes de l'article 39-2 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle (...) ".

8. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

9. Selon le PNR, les carences de M. C... ont entraîné un manque de confiance de sa hiérarchie à l'égard de cet agent. Les très nombreux courriels échangés entre l'intéressé et sa direction attestent de leurs relations difficiles, notamment depuis 2016, lors de l'arrivée de la nouvelle directrice du PNR. Il lui est reproché le non-respect des délais impartis et une mauvaise gestion de ses priorités. Ses fiches d'évaluation confirment que, depuis au moins 2010, il lui est demandé d'améliorer ces deux points. Toutefois, ces documents montrent également que ses connaissances techniques et générales étaient satisfaisantes, voire très satisfaisantes. A titre d'exemple, il est admis que l'interface bocage, créé par l'intéressé, constitue " un bel outil au service du territoire ". A l'occasion de son entretien individuel de l'année 2018, il lui a été reproché d'avoir du mal à évaluer sa charge de travail et à assurer ses missions, en dépit de l'accompagnement mis en place. Au cours de cet entretien M. C... a fait part à sa direction d'un sentiment de mal-être professionnel reposant à la fois sur un manque de reconnaissance, notamment en terme de rémunération, et une surcharge de travail. La directrice du PNR reconnait que le référentiel SIG mis en ligne, s'il n'a selon elle pas été compris, a le mérite d'exister et s'agissant du développement de l'application " mission nature " en cours de finalisation, elle admet que la charge de travail de l'agent n'a pas permis sa mise en œuvre. A cet égard, si le PNR souligne qu'il a été procédé à un réajustement des fonctions de cet agent à plusieurs reprises, il ne ressort pas des pièces du dossier que la réorganisation structurelle des services du PNR entreprise entre 2008 et 2018 soit liée aux carences de l'intéressé dans sa manière de servir alors que le PNR rappelle dans le même temps qu'il regroupe désormais 138 communes et concerne un territoire de plus de 257 000 hectares. Dans le rapport du 3 septembre 2019, préparatoire à la saisine de la commission consultative paritaire de catégorie A, les compétences techniques " pointues " de l'intéressé ne sont d'ailleurs pas remises en cause. De plus, M. C... a produit l'attestation de nombreux collègues et d'un ancien directeur du PNR, qui font tous état de son implication dans son travail, de son sérieux, de ses qualités professionnelles et de leur étonnement quant aux manquements qui lui sont reprochés. A cet égard, le contrat de travail de l'intéressé conclu pour une durée de trois ans a été renouvelé une fois avant d'être transformé en CDI, après évaluation. Par suite, si les difficultés relationnelles de cet agent avec sa hiérarchie ne sont pas contestées, elles ne sont pas de nature à justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle. Dans sa séance du 26 novembre 2019, la commission consultative paritaire a d'ailleurs émis un avis défavorable à cette mesure par 5 voix contre. Par suite, en prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, alors que seuls des manquements ponctuels concernant une partie seulement de son travail, peuvent être reprochés à M. C..., qui présente par ailleurs des qualités techniques reconnues, la présidente du PNR a entaché sa décision du 27 novembre 2019 d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... est fondé à solliciter l'annulation de cette décision.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au Parc naturel régional de D... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du Parc naturel régional de D... le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000163 du tribunal administratif de Caen en date du 15 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : La décision du 27 novembre 2019 par laquelle la présidente du PNR de D... a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. C... est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du Parc naturel régional de D... est rejeté.

Article 4 : Le Parc naturel régional de D... versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées devant le tribunal administratif de Caen et en appel par M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au Parc naturel régional de D... et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 30 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2022.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de transformation et de la fonction publiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03510
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : SCHLOSSER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-14;21nt03510 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award