Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 19 avril 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique présenté par la SAS Transports A..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 26 juillet 2018 refusant de lui accorder l'autorisation de le licencier et a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.
Par un jugement n° 1903134 du 16 août 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Lehoux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 août 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 19 avril 2019 ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la SAS Transports A... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;
- les membres du comité d'entreprise n'ont pas été informés de l'intégralité de ses mandats ;
- la société ne justifie d'aucun manquement de sa part entre le 18 décembre 2017 et le 10 janvier 2018 ;
- les griefs formulés à son encontre sont insuffisants pour justifier son licenciement pour motif disciplinaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, la société par actions simplifiée Transports A..., représentée par Me Mary-Cantin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 14 avril 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête en se référant à ses observations exposées devant le tribunal administratif, dont elle joint une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique ;
- les observations de Me Lehoux, représentant M. C... ;
.et les observations de Me Peuchant, substituant Me Mary-Cantin, représentant la société Transports A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été recruté par la société Transports A... dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée pour assurer les fonctions de conducteur routier national et international. Par une décision du 26 juillet 2018, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation sollicitée par son employeur de licencier ce salarié protégé pour motif disciplinaire. Cependant par une décision du 19 avril 2019, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique présenté par la société Transports A..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 26 juillet 2018 et a autorisé le licenciement de ce salarié. M. C... relève appel du jugement du 16 août 2021, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :
En ce qui concerne la procédure préalable à la décision de la ministre :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen invoqué par M. C..., tiré de ce que la décision contestée aurait été prise par une autorité incompétente, moyen que l'intéressé réitère en appel, sans apporter aucune précision nouvelle.
3. En deuxième lieu, le caractère contradictoire de l'enquête impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, puis au ministre saisi d'un recours hiérarchique, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.
4. M. C... reconnaît avoir reçu le recours hiérarchique et ses annexes, présenté le 26 septembre 2016 par la société Transports A..., et communiqué par un courrier du 15 octobre 2018. Dans le cadre de l'enquête contradictoire diligentée par l'inspecteur du travail chargé d'étudier le recours de son employeur, il a été invité à un entretien fixé au 13 novembre 2018, auquel il s'est rendu. Par un courrier du 9 avril 2019, il a enfin été informé que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion envisageait de procéder au retrait de sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de la société, à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et à l'autorisation de son licenciement pour motif disciplinaire. A cette occasion, l'intéressé a été invité à présenter ses observations dans un délai de 10 jours. Le requérant soutient qu'il était en arrêt maladie et n'a ainsi pas disposé d'un temps suffisant pour répondre à ce courrier. Il est toutefois constant que M. C... a fait valoir sa défense par un courriel adressé aux services ministériels dès le 12 avril 2019 et n'a pas demandé de délai supplémentaire pour produire d'autres éléments. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les observations ainsi formulées par l'intéressé n'aurait pas été examinées par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui les a expressément visées dans sa décision du 19 avril 2019. En outre, il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en mesure, s'il le souhaitait, de compléter son argumentation, dans le délai de 10 jours qui lui était imparti. Par suite, le moyen tiré la méconnaissance du principe du contradictoire manque en fait et ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, en vertu de l'article L 2421-3 du code du travail, seul le licenciement d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique (ou antérieurement d'un membre du comité d'entreprise) titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au même comité ou d'un représentant de proximité est soumis à l'avis du comité social et économique.
6. Il ressort de la décision contestée que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a pris en considération l'ensemble des mandats exercés par M. C..., lesquels avaient été mentionnés par la société Transports A... dans sa demande d'autorisation de licenciement, et qu'ils ont été visés dans la décision contestée. Par suite, la circonstance que ses mandats extérieurs n'étaient pas mentionnés dans la convocation adressée aux membres du comité social et économique est sans incidence sur la légalité de la décision du 19 avril 2019. Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité social et économique manque en fait et ne peut dès lors qu'être écarté.
En ce qui concerne l'appréciation de fond portée par la ministre :
7. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Le délai de prescription de deux mois ne commence à courir que lorsque l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié protégé et s'interrompt à la date de l'engagement des poursuites disciplinaires par l'envoi au salarié concerné de la lettre le convoquant à l'entretien préalable.
9. M. C... a été convoqué, par un courrier du 13 novembre 2017, à un entretien fixé au 27 novembre suivant, auquel il ne s'est pas rendu. Par un courrier du 18 décembre 2017, la société Transports A... lui a notifié sa mise à pied d'une durée de 3 jours à compter du 8 janvier 2018. L'intéressé a refusé cette sanction en se présentant sur son lieu de travail à cette date. Le 10 janvier 2018, il a été convoqué à un nouvel entretien préalable. Il ressort des pièces du dossier que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a considéré que les faits compris entre le 6 septembre et le 7 novembre 2017 ayant motivé la sanction du 18 décembre 2017 ne pouvaient justifier une nouvelle sanction et que par ailleurs, les absences non justifiées de M. C... en date des 4 et 11 septembre 2017, les lettres de voiture du mois d'août retrouvées le 7 septembre 2017 dans son camion, les dégradations de son ensemble routier constatées le même jour, le défaut de nettoyage de la benne et le démontage d'un arceau sans en avertir le personnel d'atelier le 8 novembre 2017, étaient prescrits. En revanche, contrairement à ce que soutient le requérant, les faits postérieurs au 13 novembre 2017, qui n'étaient pas pris en compte pour le prononcé de sa mise à pied, pouvaient être retenus pour justifier son licenciement. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les griefs qui lui sont reprochés étaient prescrits ou ne pouvaient plus justifier la sanction litigieuse.
10. En deuxième lieu, la décision contestée repose sur trois motifs distincts, qui constituent autant de griefs justifiant le licenciement. Il est tout d'abord reproché à M. C... un défaut de transmission à son employeur des lettres de voiture du mois de novembre 2017, malgré les relances des 4, 11, 18, 26 décembre 2017 et 10 janvier 2018. Il ressort sur ce point des pièces du dossier que les chauffeurs de la société Transports A... ont pour consigne de transmettre les lettres de voiture, nécessaires pour établir la facturation adressée aux clients, tous les 15 jours et en fin de mois. Des enveloppes timbrées sont mises à leur disposition dans l'hypothèse où ils ne peuvent les déposer au siège de l'établissement situé à Fougères (Ille-et-Vilaine). Le requérant soutient, sans apporter aucun justificatif, qu'il a systématiquement posté les documents demandés, qu'il habite loin, qu'il ne disposait pas d'enveloppe préaffranchies et que la société ne justifie d'aucun préjudice. L'intéressé, qui avait déjà fait l'objet de rappels à l'ordre pour des motifs identiques les 20 juin, 21 juillet et 6 septembre 16 et 20 juillet 2018, souligne que, selon l'inspecteur du travail, une carence de cette ampleur a cessé en janvier 2018. Ces circonstances ne sont toutefois pas de nature à minimiser les manquements répétés de l'intéressé. Il est ensuite reproché à M. C..., qui a reconnu les faits au cours de l'enquête contradictoire, un défaut de nettoyage de son ensemble routier le 4 janvier 2018. Le requérant se borne à indiquer en appel que les autres chauffeurs ne s'en sont pas plaints. Enfin, il est reproché à M. C... de ne pas avoir signalé à son employeur la détérioration de son véhicule, constatée le 4 janvier 2018 par le responsable du parc des véhicules de la société. Le requérant affirme qu'en l'absence de celui-ci, il n'a pu prévenir qu'un collègue, sans indiquer ni le nom de ce dernier, ni apporter son témoignage. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le requérant n'est pas fondé à remettre en cause la matérialité des faits justifiant la décision contestée.
11. En troisième lieu, il est constant que les griefs formulés à l'encontre de M. C... contreviennent au règlement intérieur de l'entreprise et qu'ils sont répétés en dépit des nombreux rappels qui lui sont régulièrement adressés. Contrairement à ce que soutient le requérant, ces faits sont préjudiciables à l'entreprise, qui ne peut facturer les prestations réalisées à ses clients sans les lettres de voiture des chauffeurs. Celle-ci est d'ailleurs amenée à vérifier l'effectivité des livraisons en s'adressant directement à leurs destinataires. Ainsi que la société Transports A... le soutient, ces dysfonctionnements internes portent atteinte à sa crédibilité et aux relations qu'elle entretient avec ses partenaires. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la propreté des camions constitue un élément pris en compte dans le cadre de la certification " qualimat-transport " dont la société a obtenu l'agrément. Celle-ci soutient sans être contredite que la perte de cette certification entraînerait la suppression des activités " bennes et fonds mouvants ", impliquant 150 véhicules sur 250, et mettrait en cause sa pérennité. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les faits incriminés ne seraient pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement pour motif disciplinaire.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la sociétés Transports A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... le versement à la société Transports A... d'une somme de 800 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la sociétés Transports A... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la société Transports A... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2022.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02910