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10/06/2022 | FRANCE | N°21NT02867

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 juin 2022, 21NT02867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour " parent d'enfant français ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être reconduite.

Par un jugement n° 2004404 du 19 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2021 Mme E..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour " parent d'enfant français ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être reconduite.

Par un jugement n° 2004404 du 19 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2021 Mme E..., représentée par Me Bourgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur de droit quant au rejet du lien de filiation ; cette décision méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ; cette décision est entachée d'un défaut de motivation ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2022 le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- et les observations de Me Thuillier, substituant Me Bourgeois, représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante camerounaise, allègue être entrée sur le territoire français le 7 mai 2016 via l'Algérie et la Libye et a déposé une demande de statut de réfugié qui a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 avril 2018. Elle a par la suite déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 mars 2020, le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Mme E... relève appel du jugement du 19 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a saisi le procureur de la République, par un courrier du 25 février 2020, d'une suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité par M. D.... Cette saisine a été motivée par le fait que, l'enfant étant né le 14 octobre 2016, celui-ci a été conçu avant l'arrivée en France de sa mère le 7 mai 2016. Si Mme E... fait valoir qu'elle connaît M. D... de longue date, qu'ils ont eu un enfant ensemble en 2005 et qu'il voyageait fréquemment au Cameroun, pays dans lequel l'enfant aurait été conçu, elle ne produit aucune pièce au soutien de ces allégations, à l'exception d'un document du centre d'action social de Pontivy faisant état d'un enfant né en 2005 et vivant au Cameroun, dépourvu de valeur probante. Par ailleurs, les allégations de Mme E... sont contredites par le fait qu'à la période à laquelle l'enfant a été conçu, elle ne se trouvait pas au Cameroun, mais en Algérie ou en Lybie. Enfin, si Mme E... fait valoir qu'elle a saisi, en accord avec le père, le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer une convention d'accord parental, cette circonstance, au demeurant postérieure à la décision contestée, ne saurait permettre, à elle seule, de remettre en cause l'existence d'une fraude. L'appelante ne produit en outre aucune pièce permettant d'établir que cette homologation aurait bien été effectuée. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de l'enfant de la requérante par un ressortissant français a été souscrite dans le seul but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour et qu'elle avait ainsi un caractère frauduleux. Par suite, il a pu sans commettre d'erreur de droit, pour ce seul motif, refuser de délivrer à l'intéressée le titre sollicité sur le fondement du 6° de 1'article L. 313-1l du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 4, Mme E... ne peut fait valoir que le jeune C... a besoin de la présence de son père à ses côtés. En outre, si l'appelante fait valoir que son autre fils a vécu des épisodes traumatisants en raison d'actes commis par des terroristes lybiens, ces évènements, à les supposer établis, n'ont pas été vécus au Cameroun, et ne sauraient dès lors justifier la délivrance d'un titre de séjour. Enfin, la circonstance que cet enfant bénéficie en France de l'aide d'une auxiliaire de vie scolaire ne saurait justifier la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

6. En dernier lieu, Mme E... reprend en appel les moyens, qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux, de ce qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Mme E... reprend en appel les moyens qu'elle a invoqués en première instance et tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence, de ce qu'elle est entachée d'un défaut de motivation, de ce qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de ce qu'elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2022.

Le rapporteur

H. B...La présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT02867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02867
Date de la décision : 10/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-10;21nt02867 ?
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