La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2022 | FRANCE | N°20NT02727

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 juin 2022, 20NT02727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1801864 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance, a déchargé les intéressées de la majoration de 10% appliquée sur le fondement de l'arti

cle 1758-A du code général des impôts et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1801864 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance, a déchargé les intéressées de la majoration de 10% appliquée sur le fondement de l'article 1758-A du code général des impôts et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre 2020 et 8 avril 2021

M. et Mme B..., représentés par Me Laisné, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge totale des impositions demeurant à leur charge ou, à titre subsidiaire, une décharge à hauteur de 87 802 euros en base avant application du système du quotient ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le service a procédé à une compensation illégale en ne prononçant pas la décharge de l'intégralité de la majoration de 10%, soit la somme de 18 253 euros ;

- le réinvestissement de 80% du montant de la plus-value réalisée dans la souscription au capital ou dans l'augmentation de capital était impossible avant l'expiration du délai de 3 ans ; M. B... a été contraint, pour tenter de sauver la société, de réaliser des apports en compte-courant d'associé au fur-et-à-mesure des besoins de la société ; ces circonstances imprévisibles et irrésistibles constituent un cas de force majeure ayant empêché le contribuable de respecter les conditions prévues à l'article 150-0 D bis du code général des impôts ;

- le service a fait une application erronée de la réserve d'interprétation posée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 ; le coefficient d'érosion monétaire doit être appliqué sur l'assiette de l'imposition, et non sur le prix de revient des titres.

Par des mémoires enregistrés les 8 mars 2021 et 18 mai 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il a été accordé aux requérants le 4 mai 2021 un dégrèvement complémentaire de 5 841 euros relatif à la majoration de 10% ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a cédé, le 28 mars 2012, 634 parts sociales de la SARL F... pour un prix de global de 750 000 euros et a réalisé à cette occasion une plus-value d'un montant de 645 391 euros qu'il a déclarée au titre de l'année 2012 en demandant le bénéfice du report d'imposition prévu à l'article 150-0 D bis du code général des impôts, alors applicable. L'administration, estimant que M. B... n'avait pas respecté la condition prévue par cet article et relative au réinvestissement partiel de la plus-value, a remis en cause le report de son imposition dans une proposition de rectification du

7 février 2017 et a soumis cette plus-value à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015. Après un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, le service a admis de faire application d'un coefficient d'érosion monétaire au prix de revient des titres cédés, ramenant la plus-value imposable à 627 068 euros. Après mise en recouvrement et rejet de leur réclamation, M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de l'année 2015. Par un jugement du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance, a accordé la décharge de la majoration de 10% appliquée sur le fondement de l'article 1758-A du code général des impôts et a rejeté le surplus de la demande. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 4 mai 2021, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé en faveur de M. et Mme B... un dégrèvement d'un montant de 5 841 euros. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

3. Compte tenu de ce dégrèvement, des dégrèvements intervenus en cours d'instance devant le tribunal administratif de Rennes, et du dégrèvement prononcé en application du jugement attaqué, seule demeure en litige la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 hors pénalités.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2012 et pour la détermination de l'imposition en litige : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. / (...) 2. Le prix d'acquisition des titres ou droits à retenir par le cessionnaire pour la détermination du gain net de cession des titres ou droits concernés est, le cas échéant, augmenté du complément de prix mentionné au 2 du I de l'article 150-0 A. / (...) ".

5. Aux termes de l'article 150-0 D bis du code général des impôts en vigueur en 2012 et applicable pour la détermination de l'imposition en litige : " I. - 1. L'imposition de la plus-value retirée de la cession à titre onéreux d'actions ou de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts peut être reportée si les conditions prévues au II sont remplies. / Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. / (...) / II. - Le bénéfice du report d'imposition prévu au 1 du I est subordonné au respect des conditions suivantes : / (...) / a) Le produit de la cession des titres ou droits doit être investi, dans un délai de trente-six mois et à hauteur de 80 % du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux, dans la souscription en numéraire au capital initial ou dans l'augmentation de capital en numéraire d'une société ; / (...) / III. - (...) / Le non-respect de l'une des conditions prévues au II entraîne l'exigibilité immédiate de l'impôt sur la plus-value, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date à laquelle cet impôt aurait dû être acquitté (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que M. B... a créé le 17 décembre 2012 la société holding EURL C..., avec un capital de 10 000 euros. L'EURL C... a par la suite acquis la société G....

Si M. B... a réalisé d'importants apports en compte courant dans la comptabilité de cette dernière société, il est néanmoins constant que seule cette somme de 10 000 euros a été investie dans le capital social de l'EURL C... et que la condition prévue au a) du II de l'article 150-0 D bis du code général des impôts imposant que 80% du montant de la plus-value de cession soit réinvestie dans le capital social d'une société n'a pas été remplie.

7. M. B... fait cependant valoir que, compte tenu de la situation financière de la société A... et de ses besoins en trésorerie, il lui a été impossible de réaliser une souscription au capital ou une augmentation de capital, et que cette situation constitue un cas de force majeure. Toutefois, le dispositif prévu à l'article 150-0 D bis du code général des impôts, qui aboutit, en cas de détention pendant 5 ans des titres souscrits en réinvestissement, à une exonération définitive de la plus-value à l'impôt sur le revenu, constitue un avantage fiscal dont les conditions d'application doivent être appréciées strictement. En outre et en tout état de cause, la situation financière difficile de la société A... et ses besoins en trésorerie ne sauraient caractériser un cas de force majeure ayant empêché M. B... de respecter la condition fixée par le a) du II de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, une telle situation ne présentant ni un caractère imprévisible, ni irrésistible. Par suite, c'est à bon droit que le service a remis en cause le bénéfice du report d'imposition prévu par les dispositions de l'article 150-0 D bis du code général des impôts.

8. Enfin, le moyen tiré de ce que le service aurait fait une application erronée de la réserve d'interprétation posée par le conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016, que M. et Mme B... reprennent sans apporter d'élément de droit ou de fait nouveau, doit être écarté pour les motifs adoptés à bon droit par les premiers juges.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de leur demande. Par conséquent, leur requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... à concurrence du montant dégrevé de 5 841 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Giraud, premier conseiller,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2022.

Le rapporteur

H. D...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 20NT027272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02727
Date de la décision : 03/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-03;20nt02727 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award