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20/05/2022 | FRANCE | N°21NT02336

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 mai 2022, 21NT02336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... et autres ont, notamment, demandé au tribunal administratif de Nantes, de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes et la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à lui verser la somme de 990 539,75 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1805935 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à la demande de Mme G... en lui accordant une indemnité d'un montant de 146 008,56 euros ainsi qu'une

rente versée à terme échu d'un montant annuel de 1 684 euros.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... et autres ont, notamment, demandé au tribunal administratif de Nantes, de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes et la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à lui verser la somme de 990 539,75 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1805935 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à la demande de Mme G... en lui accordant une indemnité d'un montant de 146 008,56 euros ainsi qu'une rente versée à terme échu d'un montant annuel de 1 684 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 août et 23 décembre 2021 et

4 février 2022, Mme G..., représentée par Me Chambolle, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement du 30 juin 2021 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;

2°) de condamner solidairement le CHU de Nantes et la SHAM à lui verser la somme totale de 769 031,33 euros en réparation des préjudices liés à la perte de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle, à l'assistance par tierce personne et au préjudice d'agrément.

3°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par le CHU de Nantes et la SHAM.

4°) de mettre à la charge du CHU de Nantes et de la SHAM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle subit compte tenu des restrictions physiques et posturales une perte de gains professionnels dès lors qu'elle ne peut plus exercer dans les mêmes conditions son métier d'aide-soignante et doit envisager un travail de nuit ; ce chef de préjudice actualisé doit être estimé à 501 441,33 euros ;

- l'incidence professionnelle doit être réparé par le versement de la somme de

80 000 euros ;

- son besoin d'assistance par une tierce personne, de caractère permanent, devra être réparé par le versement, sous forme de capital, de la somme de 137 590 euros ;

- son préjudice d'agrément doit être réparé par la somme de 50 000 euros.

- les conclusions du CHU de Nantes tendant à ce que les sommes destinées à réparer les souffrances endurées et le déficit fonctionnel permanent soient ramenées, respectivement, de 14 000 à 10 000 euros et de 40 000 à 33 000 euros doivent être rejetées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 novembre 2021 et 27 janvier 2022,

le centre hospitalier universitaire de Nantes, représenté par Me Le Prado, conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident à ce que les sommes allouées par le tribunal en réparation des préjudices subis par Mme G... soient ramenées à de plus justes proportions.

Il soutient que le préjudice lié à la perte de gains professionnels n'est pas établi, l'incidence professionnelle peut être réparée par le versement d'une somme de 10 000 euros ; le besoin d'assistance par tierce personne a été surestimé par le tribunal et doit être liquidé sur la base d'un taux horaire de 14,67 euros ; le préjudice d'agrément doit être rejeté ; le préjudice lié aux souffrances endurées pourra être réparé par le versement d'une somme d'au plus

10 000 euros et le déficit fonctionnel permanent pourra être réparé par une somme de

33 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Chambolle, représentant Mme G... et de Me De Raismes représentant le CHU de Nantes et la SHAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... G..., son époux M. D... B... et sa mère, Mme E... C..., ont recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes et de la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), son assureur, afin d'obtenir réparation des conséquences dommageables découlant des conditions dans lesquelles Mme G... a été prise en charge dans cet établissement consécutivement à l'ostéotomie réalisée le 13 octobre 2014 en raison de la luxation invétérée de la rotule gauche qu'elle présentait. Eu égard à l'importance des complications présentées par Mme G..., les intéressés, après avoir saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux des Pays-de-la-Loire, ont saisi le CHU de Nantes et son assureur aux fins de versement de la somme totale de 1 035 140,85 euros en réparation des préjudices subis du fait des conditions de la prise en charge de l'intéressée. Aux termes du jugement rendu le 30 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes et la SHAM à verser solidairement en premier lieu, à Mme G... la somme totale de 146 008,56 euros ainsi qu'une rente, versée à terme échu, d'un montant annuel de 1 684 euros, en second lieu, à M. B... la somme de 10 995,20 euros et enfin, à Mme C... la somme de 1 286 euros. Mme G... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui pas donné entière satisfaction s'agissant de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle, de l'assistance par tierce personne, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées et du préjudice d'agrément. Par la voie de l'appel incident, le CHU de Nantes et la SHAM demandent que les sommes allouées à Mme G... au titre de ces chefs de préjudice soient ramenées à de plus justes proportions.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant de la perte de gains professionnels futurs :

2. Alors même que le rapport d'expertise du 16 avril 2017 indique que " le métier d'aide-soignante est demandeur physiquement et ne peut pas être repris avec une flexion du genou aussi limitée ", il ne résulte pas de l'instruction que la requérante ne serait plus en capacité d'exercer son emploi d'aide-soignante, fonctions qu'elle continue d'ailleurs de remplir. En effet, Mme G..., après avoir bénéficié d'un congé maternité puis d'un congé parental, a, au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 30 novembre 2019, exercé ses fonctions lors des contrats à durée déterminée qu'elle a pu conclure pour remplacer des agents absents, selon des quotités horaires variables (temps partiel ou plein temps).

3. La requérante se prévaut certes des recommandations émises par le médecin du travail qui, dans son avis du 11 janvier 2022, a indiqué que les tâches nécessitant une position accroupie sont contre-indiquées et que la situation de handicap de Mme G... nécessite un poste d'aide-soignant de nuit et à temps partiel dans la mesure où la charge physique est moins lourde qu'un poste de jour.

4. Toutefois, ni la circonstance que Mme G... a pu, postérieurement à la date de consolidation de son état de santé, être amenée à exercer ses fonctions à temps partiel ni les préconisations du médecin du travail ne sauraient, en l'espèce, suffire à établir le caractère direct et certain du lien de causalité entre le dommage subi et la perte alléguée de gains professionnels postérieurs à la consolidation de son état de santé et, par suite, d'un préjudice tenant à la perception d'un moindre salaire ou à des perspectives suffisamment certaines d'évolution, susceptibles de lui ouvrir droit à réparation.

5. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à demander la condamnation du CHU de Nantes et de la SHAM à l'indemniser du préjudice lié à la perte de gains professionnels futurs qu'elle invoque.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

6. Il est constant qu'en raison des séquelles que conserve l'intéressée, dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue par la MDPH le 14 novembre 2016, le métier d'aide-soignante, en raison en particulier de la mobilité et des mouvements qu'il implique, lui est devenu plus difficile et fatigant. Si la requérante allègue avoir choisi ce métier, cette circonstance ne fait pas, en elle-même, obstacle, le cas échéant et au besoin après une formation complémentaire, à une reconversion professionnelle. Dans ces conditions et alors qu'il n'est pas démontré que ses attributions professionnelles ne pourraient pas être adaptées afin de lui permettre de poursuivre sa carrière d'aide-soignante ou qu'elle ne pourrait, compte tenu en particulier de son jeune âge, envisager une nouvelle orientation professionnelle, il y a lieu d'évaluer à 20 000 euros ce chef de préjudice.

S'agissant de l'assistance par tierce personne :

7. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, postérieurement à la date de consolidation de son état de santé constatée le 31 décembre 2016, Mme G... a besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée, à raison de 2 heures hebdomadaires pour effectuer en particulier les tâches ménagères. Au cours de la période s'étendant de la consolidation au jour de la présente décision, compte tenu du salaire moyen de référence observé au cours de cette période, augmenté des cotisations sociales dues par l'employeur et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés (soit un coefficient de 1,128), ce préjudice s'élève à la somme de 9 200 euros. Il appartiendra à Mme G..., si elle perçoit des sommes au titre de la compensation du handicap qu'elle présente et qui doivent être déduites de la somme précitée, d'en informer le CHU de Nantes.

9. Pour l'avenir, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de versement d'un capital, Mme G... a droit, sur les mêmes bases, à une rente viagère d'un montant annuel de

1 713 euros. Le montant de cette rente sera revalorisé par application des dispositions de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Elle sera versée sous déduction des allocations ou prestations ayant le même objet perçues le cas échéant par Mme G... qu'il lui reviendra de déclarer et de justifier ainsi que le prévoient les dispositions des articles L. 245-1 et

L. 245-3 du code de l'action sociale et de la famille.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

10. En raison de la raideur persistante du genou dont les capacités fonctionnelles sont désormais réduites, le déficit fonctionnel permanent que présente l'intéressée, âgée de 23 ans à la date de la consolidation de son état de santé, estimé par l'expert à 20 %, a été réparé par le tribunal par le versement d'une somme de 40 000 euros. Ainsi il a été fait, en l'espèce, une juste appréciation de ce chef de préjudice.

S'agissant des souffrances endurées :

11. Les souffrances physiques et morales endurées par la requérante ont été évaluées par l'expert à 4,5/7. Il en sera, en l'espèce, fait une équitable évaluation en ramenant le montant de la somme destinée à réparer ce chef de préjudice à celle de 11 000 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

12. En se bornant à fournir le diplôme " galop 1 " qui lui a été délivré en 2005 alors qu'elle n'avait que 12 ans, Mme G... ne peut être regardée comme justifiant exercer les diverses activités de loisirs qu'elle invoque. Par suite, le préjudice d'agrément, qui n'est pas davantage avéré devant la cour que devant le tribunal, ne peut être regardé comme étant établi.

13. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'une part, de ramener de 28 000 à

20 000 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer l'incidence professionnelle subie par Mme G... et de 14 000 à 11 000 euros le montant de celle destinée à réparer les souffrances endurées, d'autre part, de porter à 9 200 [SD1]euros au lieu de 8 900 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice lié au besoin d'assistance par tierce personne jusqu'au jour de la présente décision et de 1 684 à 1 713 euros celui de la rente annuelle versée à Mme G... à ce même titre et enfin, de rejeter le surplus des conclusions présentées par la requérante et l'intimé.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparait pas inéquitable de laisser à la charge de Mme G... les frais d'instance qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 8 980 euros que le CHU de Nantes et la SHAM ont été condamnés à payer à Mme G... en réparation du besoin d'assistance par tierce personne jusqu'au 30 juin 2020 est fixée, s'agissant de la période s'étendant jusqu'au 20 mai 2022, à 9 200 euros.

Article 2 : La rente annuelle que le CHU de Nantes et la SHAM ont été condamnés à payer à Mme G... au titre de son besoin d'assistance par tierce personne est portée à 1 713 euros et sera versée dans les conditions indiquées au point 9 du présent arrêt.

Article 3 : La somme de 28 000 euros que le CHU de Nantes et la SHAM ont été condamnés à payer à Mme G... en réparation du préjudice lié à l'incidence professionnelle est ramenée à 20 000 euros.

Article 4 : La somme de 14 000 euros que le CHU de Nantes et la SHAM ont été condamnés à payer à Mme G... en réparation des souffrances endurées est ramenée à 11 000 euros.

Article 5 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G..., au centre hospitalier universitaire de Nantes, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie de La Charente-Maritime.

Copie en sera adressée pour information au département de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2022.

La rapporteure,

C. F...

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[SD1]Le point et le dispositif indiquent 8980

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21NT02336

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02336
Date de la décision : 20/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SARL LE PRADO GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-05-20;21nt02336 ?
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