Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 19 avril 2018 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 29 janvier 2018 des autorités consulaires françaises à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant de délivrer un visa de long séjour aux enfants H... B... C... et F... D..., en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n°s 1804690, 1804692 du 13 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mai et 31 août 2021, Mme G... C..., représentée par Me Seguin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler les décisions du 19 avril 2018 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 13 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation des décisions du 19 avril 2018 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 29 janvier 2018 des autorités consulaires françaises à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant de délivrer un visa de long séjour aux enfants H... B... C... et F... D..., en qualité de membres de famille de réfugié. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...). ".
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
6. Il ressort des pièces des dossiers que, pour refuser les visas de long séjour sollicités, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur ce que l'identité et le lien familial des deux enfants avec A... C... n'étaient pas établis.
7. Mme G... C..., ressortissante guinéenne, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision du 13 octobre 2015 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides. Pour justifier du lien de filiation, elle a produit les volets n° 1 " à remettre au déclarant " des actes de naissance des enfants F... D... et H... B... C... nés respectivement, les 30 septembre 2005 et 6 novembre 2008, établis les 15 octobre 2005 et 20 novembre 2008, selon lesquels elle est la mère de ces enfants. L'administration ayant remis en cause le caractère probant de ces actes de naissance, Mme G... C... a saisi le tribunal de première instance de Conakry III-Mafanco qui a rendu, le 11 décembre 2019, deux jugements supplétifs d'acte de naissance qui comportent les mêmes mentions. Mme C... a en outre fait état lors de sa demande d'asile de l'existence de ses deux enfants. La circonstance que le récit de Mme G... C... présenterait des incohérences quant au père de l'enfant Ibrahim D... ne suffit pas à établir le caractère frauduleux des jugements supplétifs produits, compte tenu notamment de ce qu'il ressort de ce même récit que l'intéressée a été victime d'un mariage forcé. Par suite, le lien de filiation entre Ibrahim D... et Mamadou Adama C... et Mme G... C... doit être regardé comme établi. Dans ces conditions, en refusant, par les décisions contestées du 19 avril 2018, la délivrance des visas sollicités pour le motif rappelé au point 6, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme G... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas d'entrée et de long séjour soient délivrés à Ibrahim D... et Mamadou Adama C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme G... C... de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Les décisions du 19 avril 2018 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visa d'entrée et de long séjour en France présentées pour Ibrahim D... et Mamadou Adama C... sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Ibrahim D... et Mamadou Adama C... des visas d'entrée et de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme G... C... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
La rapporteure,
C. E...Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01308