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29/04/2022 | FRANCE | N°21NT03522

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 avril 2022, 21NT03522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 novembre 2019 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1906163 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2021, M. C..., représenté par

Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Renne

s du 29 novembre 2021 ;

2°) d'annuler cette décision du 20 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Fi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 novembre 2019 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1906163 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2021, M. C..., représenté par

Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 novembre 2021 ;

2°) d'annuler cette décision du 20 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier ;

- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet s'est fondé à tort sur un défaut de justification de son état civil ;

- la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-7 de ce code ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant sénégalais se disant né le 11 juillet 2001 et entré irrégulièrement en France 14 mars 2018, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Finistère auxquels il a été confié en qualité de mineur isolé par une ordonnance du 24 avril 2018 de placement provisoire du procureur de la République de Brest, puis par un jugement en assistance éducative du 7 mai 2018 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Brest. L'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 5 juin 2019. Par une décision du 20 novembre 2019, le préfet du Finistère a rejeté sa demande. M. C... relève appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision contestée du 20 novembre 2019 que, pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-7 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'au titre de la vie privée et familiale, le préfet du Finistère s'est fondé sur la circonstance que les documents présentés par l'intéressé ne permettaient pas d'établir son identité.

3. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, d'une part : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. (...) ". L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour une copie littérale d'acte de naissance et un extrait du registre des actes de naissance A... la commune de Mbacke datés du 20 février 2019. Le préfet du Finistère a écarté ces documents estimés irréguliers par les services de la direction zonale de la police aux frontières Ouest aux motifs, pour le premier, qu'il ne respectait pas les prescriptions du code de la famille sénégalais relatives à la mention de déclaration tardive applicable aux naissances déclarées hors du délai légal d'un mois, à l'indication de la profession des parents et à l'identité du déclarant et, pour le second, qu'il ne mentionnait pas la profession et le domicile des parents, en méconnaissance du même code et que ce document avait été établi sur la base d'un acte de naissance irrégulier. Le préfet a également écarté un certificat de nationalité sénégalaise du 8 avril 2019 comme ayant été établi sur la base de l'extrait du registre précité. Toutefois, alors que les mentions relatives à l'identité et à la date de naissance indiquées par les actes d'état civil du requérant, lesquels comportent un visa de légalisation des services du ministère des affaires étrangères sénégalais, concordent avec les déclarations constantes qui ont été les siennes depuis la mise en œuvre de la procédure de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, les omissions relevées par le préfet dans la copie littérale d'acte de naissance et l'extrait du registre des actes de naissance ne suffisent pas à elles seules, en l'espèce, à faire douter de leur authenticité et de l'identité de M. C..., qui s'est en outre vu délivrer un passeport par les autorités sénégalaises le 13 septembre 2019. Dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme ayant justifié de son état civil et de sa nationalité, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en rejetant sa demande de titre de séjour au motif qu'il ne justifiait pas de son état civil par des documents probants, le préfet du Finistère a fait une inexacte application de ces dispositions.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Finistère réexamine la demande d'admission au séjour de M. C... et le munisse dans l'attente une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu, dès lors, de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Buors dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 novembre 2021 et la décision du préfet du Finistère du 20 novembre 2019 sont annulés.

Article 2 Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la demande d'admission au séjour de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3: L'Etat versera à Me Buors la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 29 avril 2022.

La rapporteure,

C. Brisson

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT035222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03522
Date de la décision : 29/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : FRANCK BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-29;21nt03522 ?
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