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29/04/2022 | FRANCE | N°21NT02967

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 avril 2022, 21NT02967


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 14 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant son pays de destination, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'assignant à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2110347 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de N

antes a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 14 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant son pays de destination, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'assignant à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2110347 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de M. B... et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Perrot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2021 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande portant sur l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire en tant qu'il porte obligation de quitter sans délai le territoire français, lui refuse un délai de départ volontaire et fixe son pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions d'éloignement et fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et portent une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit à être entendu, en application d'un principe général du droit de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation familiale et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, dès lors que sa présence et son comportement en France ne représentent pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision fixant le pays de destination sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'éloignement ;

- elle est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- et les observations de Me Perrot, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 24 juillet 1992, déclare être entré en France irrégulièrement en février 2018. Le 27 août 2021 M. B... a été interpellé par la gendarmerie nationale pour des faits de violence sur sa conjointe, alors enceinte. Convoqué par la gendarmerie nationale le 14 septembre 2021, l'intéressé a fait l'objet d'un arrêté du 14 septembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé son pays de destination, avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un arrêté du même jour, le préfet de Maine-et-Loire a assigné M. B... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 24 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant son pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 5o Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

3. Pour prononcer à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français, le préfet de Maine-et-Loire indique, dans son arrêté du 14 septembre 2021, que celui-ci est défavorablement connu des forces de l'ordre parce qu'il apparaît sous une autre identité dans une affaire concernant des faits de menaces avec armes commis en octobre 2019, qu'il a commis des violences à l'encontre de son épouse le 14 septembre 2021 et qu'il constitue une menace pour l'ordre public au sens du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, si le préfet de Maine-et-Loire produit des extraits du fichier automatisé des empreintes digitales et du fichier de traitement des antécédents judiciaires faisant état de faits de " menace de crime contre les personnes " et de " dégradation de biens appartenant à autrui ", commis le 3 octobre 2019, et de " violences aggravées par deux circonstances suivies d'incapacité n'excédant pas 8 jours " commis le 27 août 2021, ces divers faits, qui n'ont donné lieu à aucune plainte ou procédure judiciaire, sont expressément contestés par M. B..., sans que le préfet de Maine-et-Loire n'établisse davantage à ce jour leur réalité, alors que l'exactitude de ces faits et le rôle qu'a pu y jouer l'intéressé ne ressortent ni de la simple mention de l'intéressé, dénuée de toute précision, dans les fichiers susmentionnés ni des procès-verbaux d'audition de M. B... des 28 août et 14 septembre 2021. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de M. B... était, à la date de la décision en litige, constitutive d'une menace pour l'ordre public. La décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français doit donc être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant son pays de destination.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé son pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté imposant à l'intéressé l'obligation de quitter le territoire français et non celle d'une décision refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une telle mesure d'éloignement, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen. En l'espèce, il y a donc lieu de prescrire au préfet de Maine-et-Loire de se prononcer sur la situation de M. B..., du point de vue de son droit au séjour, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente qu'il ait statué sur la situation de celui-ci, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

6. M. B... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate ne peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 septembre 2021 et l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 14 septembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de statuer sur la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente qu'il se soit prononcé, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUÉGUEN

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02967
Date de la décision : 29/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-29;21nt02967 ?
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