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15/04/2022 | FRANCE | N°20NT02451

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 avril 2022, 20NT02451


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association anti-éolienne du Haut Vignoble, M. et Mme V... R..., M. X... K..., M. Q... S..., M. P... N..., M. E... I..., la SCI Laleco, M. et Mme O... H... et B... W..., M. et Mme F... M... et L... T..., M. D... C..., Mme U... A..., M. G... J..., et Mme Z... Y... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, par quatre requêtes enregistrées sous les numéros° 1701059, 1701062, 1701064 et 1704959:

- d'annuler les quatre arrêtés du 8 août 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique a accor

dé à la société Ferme éolienne du Haut Vignoble un permis de construire pour l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association anti-éolienne du Haut Vignoble, M. et Mme V... R..., M. X... K..., M. Q... S..., M. P... N..., M. E... I..., la SCI Laleco, M. et Mme O... H... et B... W..., M. et Mme F... M... et L... T..., M. D... C..., Mme U... A..., M. G... J..., et Mme Z... Y... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, par quatre requêtes enregistrées sous les numéros° 1701059, 1701062, 1701064 et 1704959:

- d'annuler les quatre arrêtés du 8 août 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique a accordé à la société Ferme éolienne du Haut Vignoble un permis de construire pour les éoliennes E3, E4, E5 et E6 sur le territoire de la commune de La Regrippière, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

- d'annuler l'arrêté du 8 août 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a accordé à la société Ferme éolienne du Haut Vignoble un permis de construire pour l'éolienne E1 sur le territoire de la commune de La Remaudière, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

- d'annuler l'arrêté du 8 août 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a accordé à la société Ferme éolienne du Haut Vignoble un permis de construire pour l'éolienne E2 sur le territoire de la commune de Vallet, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

- d'annuler l'arrêté du 8 février 2017 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé la société Ferme éolienne du Haut Vignoble à exploiter sur le territoire des communes de La Regrippière, de Vallet et de La Remaudière les six éoliennes composant le parc éolien du Haut Vignoble.

Par un jugement nos 1701059, 1701062, 1701064, 1704959 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, sursis à statuer sur la demande présentée par l'association anti-éolienne du Haut Vignoble et autres, tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2017 et enregistrée sous le numéro 1704959, jusqu'à ce que le préfet de la Loire-Atlantique ait transmis un arrêté de régularisation, dans un délai de six mois ou de dix mois s'il estime nécessaire d'organiser une nouvelle enquête publique et, d'autre part, rejeté les requêtes nos 1701059, 1701062 et 1701064 tendant à l'annulation des arrêtés du 8 août 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 août 2020 et le 11 juin 2021, l'association anti-éolienne du Haut Vignoble, M. et Mme V... R..., M. X... K..., M. Q... S..., M. P... N..., M. E... I..., M. O... H... et Mme B... W..., M. F... M..., Mme U... A..., M. G... J..., Mme Z... Y... et Mme U... T..., représentés par Me Echezar, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement nos 1701059, 1701062, 1701064, 1704959 du 18 juin 2020 en ce qu'il a rejeté les recours en annulation contre les trois arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 8 août 2016 accordant des permis de construire les éoliennes E1, E2, E3, E4, E5 et E6 sur le territoire des communes de La Regrippière, de Vallet et de La Remaudière ;

2°) d'annuler les arrêtés du 8 août 2016 accordant des permis de construire les éoliennes E1, E2, E3, E4, E5 et E6 sur le territoire des communes de La Regrippière, de Vallet et de La Remaudière à la société Ferme éolienne du Haut Vignoble ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'étude d'impact est insuffisante en tant qu'elle porte sur l'étude paysagère, l'étude chiroptérologique, les impacts sur la faune, la flore, l'habitat et les zones humides ;

- les arrêtés attaqués sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le préfet de la Loire-Atlantique ne les a pas assortis de prescriptions précises pour limiter efficacement les nuisances sonores ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme dès lors qu'ils portent atteinte à la préservation des zones humides et des chiroptères ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dès lors que le préfet de la Loire-Atlantique ne les a pas assortis de prescriptions précises pour limiter les incidences visuelles du projet alors que, dans le périmètre intermédiaire et proche, les effets cumulés du parc autorisé avec le parc existant de la Divatte entraîneront le mitage du paysage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2021, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les requérants personnes physiques ne justifient pas, par des éléments précis et étayés, d'un intérêt à agir suffisant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2021, la société Ferme éolienne du Haut Vignoble conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants personnes physiques ne justifient pas, par des éléments précis et étayés, d'un intérêt à agir suffisant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Douet,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Echezar, représentant l'association anti-éolienne du Haut Vignole, et les observations de Me Domenech, substituant Me Elfassi, représentant la SAS Ferme éolienne du Haut Vignoble.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 avril 2015, la société Ferme éolienne du Haut Vignoble a déposé une demande en vue d'être autorisée à implanter et exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs dans les communes de La Regrippière, de Vallet et de La Remaudière. Par six arrêtés du 8 août 2016, le préfet de la Loire-Atlantique a délivré les permis de construire sollicités, puis a autorisé, par un arrêté du 8 février 2017, l'exploitation du parc éolien. Saisi par l'association anti-éolienne du Haut Vignoble, ainsi que par plusieurs personnes physiques résidant dans les communes concernées et une société civile immobilière, de quatre requêtes portant les numéros 1701059, 1701062, 1701064 et 1704959, tendant, pour trois d'entre elles, à l'annulation des permis de construire délivrés le 8 août 2016 et, pour la dernière, de l'autorisation d'exploiter délivrée le 8 février 2017, le tribunal administratif de Nantes, après avoir joint les requêtes, a sursis à statuer sur la requête tendant à l'annulation de l'autorisation d'exploiter et a rejeté celles dirigées contre les permis de construire. L'association anti-éolienne du Haut Vignoble et autres relèvent appel du jugement du 18 juin 2020 en tant qu'il a rejeté les requêtes nos 1701059, 1701062, 1701064 tendant à l'annulation des permis de construire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Devant les premiers juges, les demandeurs ont invoqué un moyen tiré des insuffisances de l'étude d'impact et du dossier de permis de construire, en soutenant notamment que le dossier de demande de permis de construire déposé par la pétitionnaire ne comprenait, " à proprement parler, pas de projet architectural ". Les premiers juges ont écarté les insuffisances alléguées de l'étude d'impact sans répondre toutefois à la branche du moyen, qui n'était pas inopérante, relative à l'absence de projet architectural dans le dossier de demande de permis de construire. Ainsi, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les demandes nos 1701059, 1701062, 1701064. Il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions des demandes nos 1701059, 1701062, 1701064.

Sur l'exception de non-lieu opposée devant le tribunal administratif par la société Ferme éolienne du Haut Vignoble :

4. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes :/ 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; (...) ". Selon l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 26 janvier 2017 : " Lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis de construire. " Aux termes de l'article 17 de ce décret, ces dispositions entrent en vigueur à compter du 1er mars 2017.

5. En application des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, inséré au chapitre II du titre Ier du livre V de ce code, les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont soumis à autorisation. Si les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 prévoient que les autorisations délivrées à ce titre sont considérées comme des autorisations environnementales et si, selon l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, un projet d'installation d'éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale est dispensé de permis de construire, ce dernier article est entré en vigueur le 1er mars 2017. Les mêmes dispositions de l'article 15 de l'ordonnance prévoient, en outre, que les permis de construire en cours de validité à cette date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérés comme des autorisations environnementales. Il suit de là que les permis de construire contestés ayant été délivrés le 8 août 2016, la société Ferme éolienne du Haut Vignoble ne saurait utilement alléguer que le projet contesté était dispensé de permis de construire au motif qu'une autorisation d'exploiter les installations en litige lui a été délivrée le 8 février 2017 au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. L'exception de non-lieu à statuer opposée par cette dernière aux demandes de l'association tendant à l'annulation des permis de construire ne peut donc qu'être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence du signataire des arrêtés attaqués :

6. Les arrêtés attaqués sont signés pour le préfet de la Loire-Atlantique, par M. Emmanuel Aubry, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique, qui a régulièrement reçu délégation du préfet à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, avis, documents et correspondances administratives concernant l'administration de l'Etat dans le département de la Loire-Atlantique, à l'exception d'un certain nombre de décisions dont ne relèvent pas les permis de construire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doit être écarté.

En ce qui concerne l'étude d'impact :

7. A la date à laquelle les demandes de permis de construire ont été déposées, le 30 avril 2015, le projet n'était pas au nombre des travaux ou constructions soumis à étude d'impact au titre de la législation de l'urbanisme par les dispositions de l'annexe de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. La circonstance que l'autorité administrative ait examiné le projet éolien litigieux au regard de l'étude d'impact produite dans le cadre du régime des installations classées pour la protection de l'environnement et qu'elle l'ait visée dans les permis de construire qu'elle a délivrés n'a pas pour effet, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait été induite en erreur s'agissant des règles d'urbanisme au respect desquelles il lui appartient de veiller, de permettre aux requérants de se prévaloir utilement du caractère insuffisant, erroné, ou trompeur de celle-ci à l'encontre des permis de construire contestés.

En ce qui concerne la méconnaissance du code de l'urbanisme :

S'agissant du projet architectural :

8. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice (...) ". L'article R. 431-9 du même code dispose que : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. Il ressort des pièces du dossier que chaque dossier de demande de permis de construire comporte une notice descriptive, un document intitulé " plan de masse " qui indique l'implantation des éoliennes sur le plan cadastral, un plan de coupe des terrains, un document intitulé " plan des façades et des toitures " qui représente la construction projetée, une photosimulation permettant d'apprécier l'insertion dans l'environnement et des photographies de l'environnement proche et lointain. Ces documents ont permis au préfet de statuer en connaissance de cause sur les projets qui lui étaient soumis. Par suite, le moyen tiré de ce que les dossiers de demandes de permis de construire ne comportent pas de projet architectural doit être écarté.

S'agissant des effets du projet sur la santé humaine :

11. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

12. Il résulte de l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme, d'une part, et des articles L. 122-1, R. 122-2 et R. 122-14 du code de l'environnement, d'autre part, que, lorsque le projet autorisé par le permis de construire est soumis à une étude d'impact en application du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, le permis de construire doit, à peine d'illégalité, être assorti, le cas échéant, des prescriptions spéciales imposant au demandeur, en plus de celles déjà prévues par la demande, les mesures appropriées et suffisantes pour assurer le respect du principe de prévention, destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet de construction ou d'aménagement sur l'environnement ou la santé humaine (mesures dites "ERC") et, d'autre part, les mesures de suivi, tant des effets du projet sur l'environnement que des mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser ces effets.

13. Les requérants soutiennent que les arrêtés sont illégaux car ils ne sont pas assortis de prescriptions spéciales alors que le projet est de nature à avoir un impact acoustique sur plusieurs lieux de vie proches de la zone d'implantation des éoliennes, notamment en raison des émergences sonores nocturnes. D'une part, cette circonstance est relative aux conditions de fonctionnement du parc éolien et il appartiendra au préfet, dans le cadre de ses pouvoirs en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, de définir les prescriptions nécessaires au respect des limites réglementaires en matière d'émergences sonores. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le plan de bridage prévu dans l'étude d'impact est repris dans l'autorisation d'exploiter du 2 février 2017 laquelle dispose que les niveaux sonores et les émergences satisferont les valeurs limites admissibles autant en période diurne que nocturne. Dans ces conditions, alors même que ni l'étude d'impact ni les arrêtés attaqués ne définissent de façon précise un tel plan de gestion, le préfet n'a pas, en tout état de cause, commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.

S'agissant des conséquences pour l'environnement :

14. Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-3 du code de l'environnement " et aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable... implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ".

15. Il résulte des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

16. Il ressort des pièces du dossier que les éoliennes E3 et E 6 impacteront des zones humides de 293 m² et 149 m² mais qui n'ont qu'un rôle de stockage de l'eau. Si l'éolienne E5 impacte une zone humide, dont l'intérêt écologique n'est pas contesté, la société Ferme éolienne du Haut Vignoble fait valoir que les effets du projet seront compensés par la création d'une nouvelle zone humide d'une surface équivalente à 127 % de la zone impactée. Enfin l'étude d'impact indique qu'une bande enherbée sera créée, en compensation de ces 1 539 m² de zones humides impactés, en bordure d'un fossé, à l'ouest de l'éolienne E4, en aval d'une zone humide existante et à proximité d'une mare existante et qu'une bande de 15 mètres de large par 130 mètres de long (soit une surface de 1 950 m²) sera décaissée sur 30 à 40 cm de profondeur et que le fossé le long de la route départementale sera dévié pour l'alimenter. Ces mesures, qui s'imposent aux demandeurs, semblent suffisantes. Enfin, s'agissant des enjeux chiroptérologiques, il ressort des pièces du dossier que les boisements les plus proches sont à plus de 850 mètres de la zone d'implantation, que les éoliennes ne seront pas positionnées à proximité immédiate de haies ou de boisements et espacées de 200 à 300 mètres les unes des autres. Les requérants n'apportent pas de précisions de nature à établir le caractère insuffisant des mesures prévues par le dossier de demande alors que celles indiquées dans l'étude d'impact sont partie intégrante du projet tel qu'il a été autorisé et qu'au demeurant cette étude d'impact ne signale que des enjeux limités pour les chiroptères. Dans ces circonstances, en n'assortissant pas les arrêtés attaqués de prescriptions spéciales, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de l'atteinte aux sites et aux lieux avoisinants :

17. Aux termes de l'article R.111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

18. Les requérants soutiennent que les hameaux proches (environ 500 personnes) " subiront le motif éolien sur l'ensemble de leur horizon ". Si le secteur d'implantation du parc éolien, qui présente un caractère rural, comprend de nombreuses habitations regroupées dans des hameaux ou dans des zones d'habitat plus diffus, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces lieux de vie, feraient l'objet d'une protection ou présenteraient un intérêt particulier au sens des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Il ressort de ces mêmes pièces que le parc éolien envisagé est composé de six éoliennes, implantées par trois groupes de deux aérogénérateurs le long d'une ligne orientée globalement nord-ouest / sud-est, distants chacun de 1 à 1,5 kilomètres. Sur le prolongement de cette ligne nord-ouest sud-est se trouve à 2.8 km un autre parc de quatre éoliennes sur le territoire des communes du Landreau et de la Remaudière. La disposition de ces éoliennes selon cette ligne nord-ouest/ sud-est est ainsi particulièrement lisible et comporte une cohérence d'ensemble. Elle n'entraîne pas un effet de mitage qui se caractérise par la dissémination de façon aléatoire des aérogénérateurs. Enfin, si les éoliennes seront, selon les requérants, " peut-être visibles " depuis le château de la Noë Bel Air, qui bénéficie, ainsi que son parc, d'une protection au titre des monuments historiques, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette covisibilité, eu égard à la distance de six kilomètres séparant le château de la Noë Bel Air de la zone d'implantation soit de nature, compte-tenu de ce qui vient d'être dit, à entacher les permis de construire contestés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la méconnaissance du règlement du plan local d'urbanisme :

19. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la comparaison entre le règlement graphique du plan local d'urbanisme de la commune de La Regrippière et des plans produits en défense, que l'éolienne E5 et le chemin d'accès à l'éolienne E6 seront situés en zone A et non en zone Nz comme le soutiennent les requérants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du règlement de ce plan par les permis de construire en cause doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des permis de construire contestés.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association anti-éolienne du Haut Vignoble demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association anti-éolienne du Haut Vignoble une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Ferme éolienne du Haut Vignoble et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1701059, 1701062, 1701064, 1704959 du 18 juin 2020 est annulé en ce qu'il a rejeté les recours en annulation contre les trois arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 8 août 2016 accordant des permis de construire les éoliennes E1, E2, E3, E4, E5 et E6 sur le territoire des communes de La Regrippière, de Vallet et de La Remaudière.

Article 2 : Les demandes de l'association anti-éolienne du Haut Vignoble tendant à l'annulation des arrêtés du 8 août 2016 accordant des permis de construire les éoliennes E1, E2, E3, E4, E5 et E6 sur le territoire des communes de La Regrippière, de Vallet et de La Remaudière à la société Ferme éolienne du Haut Vignoble sont rejetées.

Article 3 : L'association anti-éolienne du Haut Vignoble versera à la société Ferme éolienne du Haut Vignoble la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association anti-éolienne du Haut Vignoble, représentant unique désigné par Me Echezar, à la ministre de la transition écologique et à la société Ferme éolienne du Haut Vignoble.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2022.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02451


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02451
Date de la décision : 15/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELAS DE BODINAT ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-15;20nt02451 ?
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