Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1801711 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mars 2020 M. B..., représenté par Me Sarlat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente d'un arrêt de la cour d'appel de Bourges et de la clôture des opérations de liquidation judiciaire de la société D... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas motivé son rejet des conclusions présentées à titre subsidiaire tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges sur sa créance à l'égard de la société JLG Invest et de la clôture des opérations de liquidation de cette société ; le jugement est donc irrégulier ;
- les plus-values de cession des droits sociaux ne pouvait pas faire l'objet d'une imposition dès lors que le solde de la cession de ses titres dans la société D... n'a pas été payé par la société JLG Invest acquéreuse et que cette société est dans l'incapacité financière de le faire ; une procédure de sauvegarde a été décidée par le tribunal de commerce d'Angers le 23 mars 2016 à l'encontre de cette société et le plan de sauvegarde a été arrêté par ce tribunal le 7 juin 2017 ; le recouvrement de sa créance est irrémédiablement compromis ;
- il se prévaut des déclarations du secrétaire d'État au budget lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 devant le Sénat et publiée au Journal Officiel Débats Sénat du 24 novembre 2001 sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et de la réponse orale du ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation à Mme C..., sénatrice, en 2013 ;
- l'opération de réduction de capital avec attribution d'une partie de l'actif social est assimilable à une cession ayant généré un compte courant débiteur ; les organes de la procédure de liquidation de la SAS D... et le commissaire aux comptes ont en 2016 et 2017 qualifié cette opération de cession à titre onéreux et non de retrait ; c'est à tort que l'administration a imposé en tant que revenus de capitaux mobiliers le versement en nature correspondant au retrait d'un immeuble de l'actif de la société, soit 175 110,22 euros, et la réduction de la valeur nominale de ses 194 actions, soit 17 919,78 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2020 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2013 et 2014 à la suite duquel l'administration a notamment constaté des omissions de déclaration de plus-values de cession des droits sociaux et de revenus de capitaux mobiliers. Il a contesté les redressements qui en résultent devant l'administration puis devant le tribunal administratif d'Orléans. Par un jugement du 28 janvier 2020, dont l'intéressé relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... soutient que la reconnaissance de sa créance à l'égard de la société JLG Invest fait l'objet d'une procédure devant la cour d'appel de Bourges, que par ailleurs les opérations de liquidation de la SAS D... ne sont pas closes et que le tribunal administratif devait surseoir à statuer, comme il l'a demandé, dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel. Toutefois, il appartenait au tribunal d'apprécier librement s'il y avait lieu de surseoir à statuer en attendant l'issue d'une autre instance. Ainsi, en indiquant qu'" il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires aux fins de sursis à statuer présentées par le requérant ", le tribunal a suffisamment répondu sur ces conclusions. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché son jugement d'irrégularité à cet égard doit, par suite, être écarté.
Sur les plus-values de cession de droits sociaux :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " I. -1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu. / (...) ". Aux termes de l'article 150-0 E du même code : " Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A doivent être déclarés dans les conditions prévues au 1 de l'article 170 ". Aux termes de l'article 1583 du code civil, la vente : " est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ".
4. Il résulte de ces dispositions que la date à laquelle la cession de titre d'une société générant une plus-value imposable doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s'opère entre les parties, indépendamment des modalités de paiement, le transfert de propriété. Ce transfert de propriété a lieu, sauf dispositions contractuelles contraires, à la date où un accord intervient sur la chose et le prix, même si ce transfert n'est opposable aux tiers qu'à compter de sa date d'inscription au registre de la société émettrice ou du jour auquel elle a été informée de la cession, s'il est antérieur à cette date.
5. En l'espèce, par acte du 21 novembre 2014, M. B... a cédé à la société JLG Invest, pour un prix de 1 979 850 euros, les 194 parts sur 200 qu'il détenait au sein du capital de la SAS D.... Ce prix était subdivisé en un acompte de 300 000 euros versable dans les trois jours suivant la cession et un solde payable par 25 mensualités jusqu'au 1er mai 2017. Il ressort des termes de l'acte du 21 novembre 2014 qu'à cette date, M. B... et la société JLG Invest ont validé leur accord sur la chose et sur le prix. Ainsi, le transfert de la propriété des titres étant intervenu en 2014, la plus-value était imposable au titre de l'année 2014. Il suit de là que, pour se soustraire à l'imposition de la plus-value litigieuse, M. B... ne peut invoquer ni l'absence de règlement du solde du prix par la société JLG Invest et l'incapacité financière de celle-ci, ni la procédure de sauvegarde décidée par le tribunal de commerce d'Angers le 23 mars 2016 à l'encontre de la société, et le plan de sauvegarde de celle-ci arrêté par ce tribunal le 7 juin 2017.
6. Toutefois, compte tenu de l'incapacité financière de la société JLG Invest à régler sa dette, M. B... peut, s'il s'y croit fondé et ainsi que le lui suggère le ministre en défense, demander la prise en compte de l'absence de paiement du solde du prix dans le cadre d'une demande gracieuse, en application de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir des déclarations du secrétaire d'État au budget lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 devant le Sénat et publiées au Journal Officiel des débats du Sénat du 24 novembre 2001 (p. 5435) qui ne valent pas interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
8. La réponse du ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation à la question orale de Mme C..., sénatrice, rappelant que " L'impôt étant établi au titre de l'année au cours de laquelle la cession est intervenue, les modalités de paiement du prix n'ont pas d'incidence sur l'exigibilité de l'impôt, et le cédant ne peut dès lors se soustraire à son paiement en se prévalant de la non-perception d'une partie du prix. Il en va autrement seulement dans les cas de contrats annulés, résolus ou rescindés. ", publiée dans le Journal Officiel des débats du Sénat du 2 octobre 2013 (page 8770) ne comporte aucune interprétation différente de celle qui a été faite de la loi fiscale par l'administration dans le présent litige.
Sur les revenus de capitaux mobiliers :
9. Par acte notarié du 26 août 2014 antérieur à la cession mentionnée ci-dessus, les associés de la SAS D... avaient décidé de retirer de l'actif social de la société un bien immobilier, d'une valeur vénale de 199 000 euros, et de procéder à une réduction du capital social de 18 474 euros, montant correspondant à sa valeur comptable. Rapporté au nombre de parts alors détenu par M. B..., soit 194 sur 200 actions, ce retrait correspond à un versement en nature à hauteur de 175 110,22 euros en 2014, tandis que la réduction corrélative de la valeur nominale de ses 194 actions correspond à 17 919,78 euros. Ces deux sommes d'un total de 193 030 euros ont été regardées par l'administration comme des revenus distribués en 2014 et imposées sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
10. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Pour soumettre à l'impôt sur le revenu des revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts.
11. A la date de la vérification de comptabilité de la société, le retrait de l'actif social de la sociétéD... d'un bien immobilier, qui a entraîné un versement en nature de 175 110,22 euros au profit de M. B..., sans contrepartie ni paiement de la part de ce dernier, valait mise à disposition gratuite du bien immobilier au profit de M. B.... La réduction du capital social de la société, soit la somme de 17 919,78 euros, devait être également regardée comme une mise à disposition. La circonstance que les organes de la procédure de liquidation de la SAS D... et le commissaire aux comptes ont, postérieurement en 2016 et 2017, qualifié l'opération de cession à titre onéreux et non de retrait est sans influence sur la nature initiale des opérations. De plus, c'est à bon droit que le service a imposé les deux sommes en tant que revenus de capitaux mobiliers en appliquant l'abattement de 40% prévu au 3 de l'article 158 du code général des impôts sur ces sommes dès lors qu'il n'est pas contesté que la société disposait à la date du 26 août 2014 d'un montant de 1 490 276 euros sur un compte appelé " Autres réserves ".
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la clôture des opérations de liquidation judiciaire par la cour d'appel de Bourges, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2022.
Le rapporteur
J.E. GeffrayLa présidente
I. PerrotLa greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°20NT01079