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08/04/2022 | FRANCE | N°21NT01672

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 avril 2022, 21NT01672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 juin 2021 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet du Finistère l'a assigné à résidence.

Par un jugement no 2103071 du 22 juin 2021, le tri

bunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 juin 2021 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet du Finistère l'a assigné à résidence.

Par un jugement no 2103071 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2021, M. A..., représenté par Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Finistère des 11 et 14 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dans sa réponse aux moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation, et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- l'arrêté contesté du 11 juin 2021 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision d'interdiction de retour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur d'appréciation ;

- l'arrêté du 14 juin 2021 portant assignation à résidence est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté du 11 juin 2021 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est entaché d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 janvier 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun de moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né le 1er janvier 1980 et entré irrégulièrement en France en 2014 selon ses déclarations, a fait l'objet, par un arrêté du 4 février 2016 du préfet de Seine-et-Marne, d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours fixant le Nigéria comme pays de destination. M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, malgré cette mesure d'éloignement prise à son encontre. Interpellé le 1er juin 2021 par les services de la police nationale de Quimper le 28 mars 2021 pour des faits d'infraction au code la route, il a été placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 11 juin 2021, le préfet du Finistère l'a obligé, sur le fondement du 1° de l'article

L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français sans délai, lui faisant interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an, en fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. Par un arrêté du

14 juin 2021, ce préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En premier lieu, pour écarter le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant, le tribunal a relevé qu'il ressortait notamment de la motivation de la décision contestée que le préfet avait procédé à un tel examen.

4. En deuxième lieu, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal, après avoir rappelé les stipulations de cet article, a relevé, en particulier, que M. A... avait séjourné en France six ans, que sa relation de concubinage alléguée avec une compatriote et sa participation à l'entretien et l'éducation de leur enfant n'étaient pas établis par les pièces versées au dossier. Le premier juge a, de plus, relevé que M. A... ne démontrait pas, par ses écritures et les pièces qu'il produisait, ses efforts pour s'intégrer.

5. Eu égard à ce qui précède, le tribunal ayant exposé les considérations de droit et de fait qui fondent le jugement attaqué, en particulier s'agissant de la réponse aux moyens mentionnés aux points 3 à 4 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier, faute d'une motivation suffisante.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen invoqué en première instance, tiré de ce que les décisions contestées sont insuffisamment motivées. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. M. A... ne séjournait en France, en situation irrégulière, que depuis six ans, à la date de l'arrêté du 11 juin 2021, et en dépit d'une mesure d'éloignement pris à son encontre en 2016. Il avait donc vécu la plus grande partie de sa vie dans son pays d'origine, où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches personnelles. Il ne disposait, en revanche, en France, d'aucune insertion sociale ou professionnelle. S'il se prévaut d'une relation de concubinage avec une ressortissante nigériane, et de la présence sur le territoire français de leur fille née en 2015, les pièces versées au dossier ne suffisent pas à établir l'ancienneté, la stabilité et l'intensité de cette relation, ni la réalité de la participation de l'intéressé à l'entretien et l'éducation de l'enfant. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant et sa concubine seraient dans l'impossibilité de s'installer, avec leur fille, au Nigéria, pays dont ils ont la nationalité. Dans ces conditions, l'arrêté du 11 juin 2021, obligeant le requérant à quitter le territoire français sans délai, fixant le Nigéria ou tout autre pays dans lequel il serait admissible légalement comme pays de destination et lui interdisant de retourner en France pendant une durée d'un an n'a pas porté à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel il a été pris, ni méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent, par suite, être écartés.

9. En troisième lieu, Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour.

Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

10. Il ressort de la motivation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pris à l'encontre du requérant, que le préfet a pris en compte l'ensemble des éléments mentionnés à l'article L. 612-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé ne peut qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, aucun délai de départ volontaire n'avait été accordé au requérant par l'arrêté du 11 juin 2021. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances humanitaires justifiaient, en l'espèce, que le préfet n'édicte pas d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, en édictant une telle interdiction, d'une durée d'un an à l'encontre de l'intéressé, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation.

12. En cinquième lieu, eu égard à ce qui précède, l'illégalité de l'arrêté du 11 juin 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour n'est pas établie. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cet arrêté et soulevé contre l'arrêté du 14 juin 2021 portant assignation à résidence ne peut qu'être écarté.

13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'édiction de l'arrêté assignant M. A..., ce dernier ne pouvait être immédiatement éloigné du territoire français, mais que cet éloignement demeurait une perspective raisonnable. En outre, tout en se bornant à souligner le caractère contraignant des obligations prévues par cet arrêté, l'intéressé ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle au respect de celles-ci. Par suite, le moyen tiré de qu'il serait entaché d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

14. Il résulte de ce tout qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président de chambre

- M. L'Hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.

Le rapporteur,

X. CATROUXLe président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21NT01672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01672
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : FRANCK BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-08;21nt01672 ?
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