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05/04/2022 | FRANCE | N°21NT00416

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 05 avril 2022, 21NT00416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet du Finistère a accordé au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Kergaledan un permis de construire pour une unité de méthanisation sur un terrain situé lieudit Kergaledan à Cléden-Cap-Sizun (Finistère), ainsi que la décision du préfet du Finistère rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.

Par une ordonnance n° 1903244 du 1

1 décembre 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rennes a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet du Finistère a accordé au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Kergaledan un permis de construire pour une unité de méthanisation sur un terrain situé lieudit Kergaledan à Cléden-Cap-Sizun (Finistère), ainsi que la décision du préfet du Finistère rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.

Par une ordonnance n° 1903244 du 11 décembre 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande au motif de son irrecevabilité manifeste.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, Mme F... D... et Mme B... E..., représentées par Me Varnoux, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rennes du 11 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet du Finistère a accordé au GAEC de Kergaledan un permis de construire une unité de méthanisation sur un terrain situé lieudit Kergaledan à Cléden-Cap-Sizun, ainsi que la décision du préfet du Finistère du 16 avril 2019 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle a été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire ; le président de la 1ère chambre ne pouvait rejeter leur demande par ordonnance sans leur avoir au préalable fixé un délai pour présenter leurs observations sur les mémoires en défense ;

- l'ordonnance est irrégulière en ce que leur demande n'était pas tardive ; l'affichage du permis contesté ne peut être regardé comme régulier ;

- la compétence du signataire de la décision contestée n'est pas établie ;

- le dossier de demande du permis de construire est insuffisant ; le plan de masse versé au dossier est insuffisant ; le dossier de demande ne comporte aucun plan des toitures ; le document graphique inséré dans le dossier ne permet pas d'apprécier l'insertion paysagère du projet ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article A 6 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article A 12 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2021, le GAEC de Kergaledan, représentées par Me François, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme D... et de Mme E... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me Nadan, représentant Mme D... et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 11 décembre 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté par ordonnance, pour irrecevabilité manifeste, la demande de Mme D... et de Mme E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet du Finistère a accordé au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Kergaledan un permis de construire une unité de méthanisation sur un terrain situé lieudit Kergaledan à Cléden-Cap-Sizun, ainsi qu'à l'annulation de la décision du préfet du Finistère rejetant le recours gracieux formé contre cette décision. Mme D... et Mme E... relèvent appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours (...), les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

3. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Rennes que, saisi de la demande de Mme D... et Mme E..., ce tribunal l'a communiquée au GAEC de Kergaledan et à la préfecture du Finistère. A l'appui de son mémoire en défense, le GAEC de Kergaledan a soulevé une fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de cette demande et a produit à cette fin des constats d'huissier établis les 11 décembre 2018, 11 janvier et 11 février 2019, attestant de l'affichage du permis. Le mémoire du GAEC de Kergaledan et ces pièces ont été communiqués le 11 décembre 2019 en fin d'après-midi à l'avocat de Mme D... et Mme E.... Le courrier accompagnant cette communication ne fixait pas de délai de réponse mais indiquait " Afin de ne pas retarder la mise en état d'être jugé de votre dossier, vous avez tout intérêt, si vous l'estimez utile, à produire ces observations aussi rapidement que possible ". L'avocat de Mme D... et Mme E... en a accusé réception le 14 janvier 2020, à 17h30. Le 11 décembre 2020, le vice-président du tribunal administratif de Rennes a, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté par ordonnance la demande de Mme D... et Mme E... comme tardive.

4. Si l'instruction ainsi conduite ne faisait pas obstacle à ce que le vice-président du tribunal administratif de Rennes fît usage des pouvoirs qui lui sont attribués par les dispositions citées au point 2, il lui appartenait de fixer à Mme D... et Mme E... un délai pour produire ses observations sur le mémoire en défense communiqué et d'attendre, pour statuer, que ce délai fût écoulé. Mme D... et Mme E... sont par suite fondées à soutenir que l'ordonnance attaquée, par laquelle le vice-président du tribunal a, en se fondant sur le mémoire en défense et les constats d'huissier produits par le GAEC de Kergaledan, rejeté comme tardive leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté de permis de construire du 5 novembre 2018 et du rejet du recours gracieux, a été rendue en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure. Cette ordonnance, dès lors entachée d'irrégularité, ne peut qu'être annulée.

5. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme D... et Mme E... devant le tribunal administratif de Rennes, ainsi que sur les conclusions qu'elles présentent devant la cour.

Sur la fin de non-recevoir opposés à la requête :

6. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. (...) ". En vertu de l'article R. 600-2 du même code : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 de ce code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) pendant toute la durée du chantier (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1 de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) ". Aux termes de l'article A. 424-16 de ce code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-1 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; (...) ". Aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). ". Enfin, aux termes de l'article A. 424-18 du même code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ". Il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a accompli les formalités d'affichage prescrites par ces dispositions, le juge devant ensuite apprécier la régularité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.

7. Pour établir que le permis de construire délivré le 5 novembre 2018 a été affiché régulièrement et de manière continue pendant deux mois sur le terrain, la société pétitionnaire produit trois constats d'huissier, réalisés à sa demande les 11 décembre 2018, 11 janvier 2019 et 11 février 2019, faisant état de ce que le panneau d'affichage du permis de construire en litige était visible et lisible depuis la voie publique et comportait la mention relative au droit au recours des tiers. Il résulte de ces procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que le permis de construire en litige a fait l'objet d'un affichage sur un panneau de taille réglementaire et qu'il a comporté les mentions rappelées ci-dessus, permettant aux tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet. Ni la circonstance que ce panneau aurait pu être implanté à un autre endroit du terrain d'assiette, en l'absence de démonstration d'une manœuvre de la part du pétitionnaire, ni celle que les indications de ce panneau comportaient une erreur, limitée à un mètre, quant à la hauteur du projet, ne sont de nature à avoir empêché le déclenchement du délai prévu par les dispositions précitées. Il suit de là que le délai de recours contentieux de deux mois a commencé à courir, à l'encontre du permis de construire contesté, à compter du 11 décembre 2018, et avait en conséquence expiré le 14 mars 2019, date du recours gracieux formé par Mme D... et Mme E... contre cette décision. Dans ces conditions, la tardiveté opposée à la requête dirigée contre l'arrêté du 5 novembre 2018 et la décision de rejet du recours gracieux doit être accueillie. Il s'ensuit que la demande présentée par Mme D... et Mme E... devant le tribunal administratif est irrecevable et doit, par conséquent, être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... et Mme E... G... la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D... et Mme E... le versement au GAEC de Kergaledan d'une somme globale au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1903244 du 11 décembre 2020 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... et Mme E... devant le tribunal administratif de Rennes, ainsi que le surplus des conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du GAEC de Kergaledan présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D..., à Mme B... E..., à la ministre de la transition écologique et au groupement agricole d'exploitation en commun de Kergaledan.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 avril 2022.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. COY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00416
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-05;21nt00416 ?
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