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01/04/2022 | FRANCE | N°21NT00071

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 avril 2022, 21NT00071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa du 9 juillet 2019 refusant de délivrer des visas de long séjour en France à Jenny C... D... et Jack C... B... au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 1913996 du 16 juin 2020, le tribunal a

dministratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa du 9 juillet 2019 refusant de délivrer des visas de long séjour en France à Jenny C... D... et Jack C... B... au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 1913996 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 janvier et le 15 octobre 2021 sous le n°21NT00071, M. E... C... A... F..., Mme H... C... D... et M. G... C... B..., représentés par Me Boezec, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et la décision consulaire du 9 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas d'entrée et de long séjour sollicités dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L.111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... A... F... et autres ne sont pas fondés et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

M. C... A... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Douet,

- et les observations de Me Beaudouin, substituant Me Boezec, représentant M. C... A... F... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... F..., ressortissant congolais reconnu réfugié en 2013, et ses enfants allégués, I... H... C... D... et M. G... C... B..., relèvent appel du jugement du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa refusant de délivrer des visas de long séjour en France à Jenny C... D... et Jack C... B..., au titre de la réunification familiale.

2. En cas de décision implicite et en l'absence de communication, sur demande du destinataire, des motifs de cette décision, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dont la décision se substitue à celle des autorités consulaires, doit être regardée comme s'étant appropriée le motif retenu par ces autorités soit, en l'espèce, l'absence de conformité des actes d'état civil présentés au dossier de demande de visa à la législation locale. Le ministre de la défense a fait valoir, dans son mémoire en défense devant le tribunal, communiqué au requérant, que, pour rejeter le recours formé par M. C... A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a constaté que les actes de naissance présentés revêtaient un caractère apocryphe dès lors qu'ils présentaient des anomalies établissant leur caractère irrégulier.

3. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans.(...) / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. Pour établir l'identité et le lien de filiation entre Jenny C... D... et Jack C... B... et M. C..., ont été produits des jugements supplétifs d'acte de naissance rendus le 21 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Kinshasa Matete ainsi que des actes de naissance établis à la suite de ces jugements.

7. Si le ministre relève que les actes de naissance transcrits comportent des mentions supplémentaires par rapport à celles figurant sur les jugements supplétifs, à savoir lieux et dates de naissance, professions, nationalité des parents, d'une part, il n'est pas établi que la loi étrangère s'y opposerait et, d'autre part et en tout état de cause, cette circonstance ne permet pas de regarder le jugement supplétif produit comme inauthentique ou obtenu frauduleusement. Par ailleurs, la circonstance que les dates mentionnées dans ces actes de naissance soient en chiffres et non en toutes lettres, comme l'impose normalement l'article 84 du code de la famille congolais, n'emporte aucune conséquence sur l'établissement du lien de filiation tel qu'il ressort des jugements supplétifs produits.

8. Dès lors, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que la filiation et l'identité des demandeurs n'étaient pas établies par les actes d'état civil produits.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... A... F... et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... A... F....

10. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit aux demandes de visa. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité par Mme H... C... D... et M. G... C... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme H... C... D... et M. G... C... B... des visas de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative par les requérants sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... A... F..., à M. G... C... B..., à Mme H... C... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2022.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00071
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. - Entrée en France. - Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-01;21nt00071 ?
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