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01/04/2022 | FRANCE | N°20NT00985

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 01 avril 2022, 20NT00985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant de janvier 2012 à mars 2014.

Par un jugement n° 1800771 du 11 février 2020, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire enregistrés les 16 mars 2020 et 20 octobre 2020 M. A..., représenté par Me Ka...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant de janvier 2012 à mars 2014.

Par un jugement n° 1800771 du 11 février 2020, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 mars 2020 et 20 octobre 2020 M. A..., représenté par Me Karleskind, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions demeurant à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Spartner's est un sujet fiscal imposable à la taxe sur la valeur ajoutée uniquement en Belgique ; ni les services fiscaux français, ni les services fiscaux belges n'ont opéré de redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée à l'égard de cette société ;

- les prestations de service de l'entreprise individuelle de M. A... ont été fournies à un établissement stable non situé en France ; la société Spartner's achète des produits en Belgique, les stocke en Belgique, et les vend depuis la Belgique ; les services commerciaux rendus par l'entreprise RNC Management sont utiles à cette seule et unique activité de la société ;

- le rattachement de ces prestations à l'établissement stable belge est plus rationnel du point de vue fiscal ; le rattachement à un établissement en France porte en effet atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que la société Spartner's ne peut pas faire usage de la procédure de remboursement prévue à l'article 242-OM de l'annexe II au code général des impôts.

Par des mémoires enregistrés les 21 septembre 2020 et 10 août 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Brasnu,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise individuelle RNC Management, dirigée par M. A..., a pour activité le conseil aux entreprises. A l'issue d'une vérification de comptabilité, le service a procédé à des rappels de TVA au titre de la période allant de janvier 2012 à mars 2014. Après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation, M. A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer, en droits et pénalités, la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement du 11 février 2020, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et sollicite une décharge de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 205 133 euros.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". L'article 259 du même code prévoit que : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis / b) un établissement stable auquel les services sont fournis (...) ". L'article 283 du même code prévoit que : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). Toutefois, lorsque la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur (...) ".

3. Pour l'application de ces dispositions, il convient de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement ne présentant d'intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle d'un point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à recevoir et utiliser, de manière autonome, les services qui lui sont fournis pour les besoins propres de cet établissement.

4. L'entreprise individuelle RNC Management, dirigée par M. A..., a conclu avec son unique client, la société de droit belge Spartner's, un contrat d'apporteur d'affaires. Elle percevait dans ce cadre des commissions déterminées en fonction du chiffre d'affaires qu'elle apportait à son client. L'entreprise a également conclu avec la société Spartner's un contrat de licence d'une marque et facturait alors des redevances en contrepartie de l'utilisation de cette marque.

5. L'administration fiscale a procédé le 2 octobre 2014, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à une visite au domicile de M. B... A... dans le Loir-et-Cher. Dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Spartner's, l'administration a également sollicité l'assistance administrative internationale des services fiscaux belges, en application de la convention franco-belge du 10 mars 1964.

6. Après étude des documents comptables appréhendés lors de la vérification de comptabilité de la société Spartner's, le vérificateur a constaté, d'une part, une importante minoration de recettes de la part de la société RNC Management. Le vérificateur a, d'autre part, constaté que les prestations et commissions facturées à la société Spartner's avaient été exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 196 de la directive 2006/112 CE, transposé en droit interne à l'article 283 du code général des impôts, l'entreprise RNC Management estimant que les prestations étaient reçues et utilisées par une société établie en Belgique. Constatant que le preneur des prestations rendues par l'entreprise RNC Management avait en réalité le siège de son activité économique en France, le vérificateur en a déduit que les prestations devaient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en France, et que cette taxe aurait dû être acquittée par l'entreprise RNC Management, en application de l'article 283 du code général des impôts.

7. Il résulte de l'instruction que la société Spartner's a été créée à la suite de la faillite de la société de droit belge Barter dirigée par M. A.... Si la gérante de la société Spartner's était la fille de l'épouse de M. A..., celle-ci travaillait en tant qu'agent administratif en région parisienne et n'intervenait nullement dans la gestion de la société Spartner's. Les éléments saisis au cours de la visite domiciliaire ont ainsi permis de démontrer que cette gérance présentait un caractère fictif, et que M. A... était le gérant de fait de la société Spartner's. En outre, M. A... n'a produit aucun élément permettant d'établir sa présence en Belgique. Les fournisseurs et clients de la société Spartner's ont par ailleurs tous indiqué que leur interlocuteur était M. A.... Le service a ainsi pu établir que la société Spartner's ne disposait en Belgique que d'une domiciliation au sein d'un cabinet comptable, et que le domicile de M. A... en France était le lieu dans lequel étaient adoptées les décisions essentielles. Ces éléments ne sont pas contestés par M. A... dans sa requête. Par conséquent, le siège de l'activité économique de la société Spartner's se situait en France, au domicile de M. A.... Ce lieu constitue donc le point de rattachement prioritaire des prestations rendues par l'entreprise RNC Management.

8. Si M. A... persiste à soutenir que les prestations doivent néanmoins être rattachées à l'établissement belge, toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 7, l'établissement belge était une simple domiciliation administrative et comptable, et ne disposait d'aucune autonomie, ni d'aucun moyen matériel ou humain propre. Le transit des marchandises par la Belgique, opéré uniquement par des prestataires externes à la société Spartner's, ne répondait par ailleurs à aucune logique économique. L'établissement belge ne saurait donc, alors même qu'il disposait d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, être qualifié d'établissement stable au sens de l'article 259 du code général des impôts. De plus, les prestations fournies par l'entreprise RNC Management étaient reçues et utilisées par le siège situé en France et non par la structure implantée en Belgique. Par conséquent, les prestations en litige ne peuvent être rattachées à un établissement belge. La circonstance que ni les services fiscaux français, ni les services fiscaux belges n'ont opéré de redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée à l'égard de cette société belge est à ce titre sans incidence. Enfin, M. A... ne peut utilement se prévaloir du fait que la société Spartner's ne pourra pas faire usage de la procédure de remboursement prévue à l'article 242-OM de l'annexe II au code général des impôts et de l'existence d'une atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le service a estimé que l'entreprise RNC Management devait acquitter en France la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations rendues au profit de la société Spartner's.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. Pour justifier le caractère délibéré du manquement, l'administration fiscale fait valoir que l'entreprise RNC Management a minoré les recettes déclarées, ainsi que les recettes encaissées, certains encaissements ayant été réalisés sur le compte bancaire personnel de

M. et Mme A... ainsi que sur le compte bancaire d'une société civile immobilière (SCI) gérée par M. A.... Le service fait également valoir que ces minorations n'ont pu être révélées qu'en recoupant les informations obtenues lors de la procédure de visite et de saisie, lors du contrôle de la société Spartner's et de la SCI de la Bessonnière et du contrôle des revenus de M. et Mme A.... Enfin, M. A... étant le gérant de fait de la société Spartner's, il ne pouvait de bonne foi ignorer que le siège de l'activité économique de cette société se situait en France, et que les prestations étaient reçues et utilisées par cet établissement situé en France. Par suite, c'est à bon droit que le service a appliqué la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2022.

Le rapporteur

H. BrasnuLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 20NT009852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00985
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET FIDAL (BLOIS)

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-01;20nt00985 ?
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