Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen, d'abord, d'annuler la décision par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours du Calvados a implicitement rejeté sa demande du 25 octobre 2017 tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre à cet établissement de prendre en charge tous les frais, notamment d'avocat, occasionnés par les démarches qu'elle a entreprises en relation avec les faits de harcèlement moral, dans un délai d'un mois à compter de sa demande préalable, ensuite, de condamner le service départemental d'incendie et de secours du Calvados à lui verser une somme de 302 844 euros, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis résultant des faits de harcèlement moral dont elle a été victime, enfin de mettre à la charge de l'organisme le versement de la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1800288 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 31 août 2020 et 20 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Schlosser, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n°1800288 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler la décision lui refusant l'octroi de la protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours du Calvados de prendre en charge tous les frais, notamment d'avocat, occasionnés par les démarches qu'elle a entreprises en relation avec les faits de harcèlement moral, dans un délai d'un mois à compter de sa demande préalable ;
4°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours du Calvados à lui verser une somme de 192 181 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêt au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
5°) de mettre à la charge du une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges, qui devaient prendre en compte dans leur ensemble les faits dénoncés par elle, ont refusé de reconnaitre l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral ;
- le service départemental d'incendie et de secours du Calvados, qui disposait d'éléments suffisamment probants, a commis une faute en lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
- elle a été victime de faits de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques qui se sont succédés depuis 2012 ;
- le harcèlement moral résulte de ce qu'elle a été rattachée au service des ressources humaines, des atteintes au respect du secret professionnel qui lui ont été imposées, de propos ou demandes blessants et récurrents, d'interdictions injustifiées de se déplacer dans certaines casernes ou sur les lieux d'un accident, de son exclusion de réunions, des horaires surveillés, d'une volonté de supprimer son poste en externalisant le service d'assistance psychologique des agents ;
- elle a eu des arrêts de travail successifs et ne peut plus travailler depuis le 1er septembre 2015 ; elle souffre d'une dépression, ayant nécessité des arrêts de travail depuis le 1er septembre 2015, qui a été reconnue comme relevant d'une maladie professionnelle au sens du code de la sécurité sociale ; le lien entre le harcèlement moral qu'elle a subi et son état de santé est direct, exclusif et certain ;
- elle a subi un préjudice qui doit être indemnisé par le versement d'une somme totale de 192 181 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2021, le service départemental d'incendie et de secours du Calvados, représenté par Me Soublin, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la minoration de la réparation des préjudices invoqués et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Révérend, substituant Me Soublin, représentant le service départemental d'incendie et de secours du Calvados.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... a été recrutée sur contrat au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados à compter du 1er septembre 2005 en qualité d'assistante psycho-sociale. Elle a obtenu au sein de ce même service un contrat à durée indéterminée à compter du 6 décembre 2011. Elle a été placée en arrêt de travail en septembre 2015 et n'a pas repris son activité depuis. Sa pathologie a été prise en charge au titre de la maladie professionnelle par une décision de la CPAM du 25 avril 2017. S'estimant victime de faits de harcèlement moral depuis l'année 2012 où ses conditions de travail se seraient dégradées avec l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique et ceux qui lui ont succédé, l'intéressée a, par un courrier du 25 octobre 2017, adressé une demande au président du SDIS tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle et à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de ces faits.
2. En l'absence de réponse à cette demande, Mme A... a, le 6 février 2018, saisi le tribunal administratif de Caen, d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet, et, d'autre part, à la condamnation du SDIS à lui verser une somme de 302 844 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis de faits constitutifs de harcèlement moral dont elle aurait été la victime dans l'exercice de ses fonctions et du fait de la méconnaissance par le SDIS de son obligation de sécurité et de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses agents. Mme A... relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel cette juridiction a rejeté ses demandes et ramène ses prétentions indemnitaires à la somme totale de 191 181 euros.
Sur l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du
13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
4. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. D'autre part, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
6. Mme A... indique que ce sont divers incidents et dysfonctionnements du SDIS du Calvados, agissements constitutifs à ses yeux de harcèlement moral, survenus à partir de l'année 2012 qui ont conduit à ce qu'elle soit arrêtée définitivement pour dépression du fait de la dégradation de ses conditions de travail. Elle reprend en appel les différents agissements reprochés à son employeur.
7. Mme A... soutient, en premier lieu, que le changement de son rattachement fonctionnel a eu pour but de la soumettre à de plus fortes pressions et qu'elle a perdu en visibilité dans l'organigramme. Il résulte de l'instruction que l'intéressée était initialement affectée au " service de santé et de secours médical " et que lors d'une réorganisation du SDIS en 2012, elle a été rattachée à la composante " mieux-être " créée au sein du service " hygiène et sécurité " du groupement des ressources humaines. Le nom de ce service a ensuite été modifié en 2013 pour devenir " service qualité de l'environnement de travail ". Il résulte de l'instruction, que la mission de l'intéressée, dont il n'est ni allégué ni établi qu'elle aurait été réduite ou amenuisée du fait de la réorganisation en cause, portait sur l'accompagnement et l'écoute des agents rencontrant des difficultés d'ordre professionnel ou personnel et qu'elle pouvait ainsi se rattacher à la question de la gestion des " ressources humaines " et du " mieux être au travail " dont le groupement ressources humaines avait la charge. Le transfert de Mme A... vers le service des ressources humaines, et en particulier vers la composante " mieux-être " puis le " service qualité de l'environnement de travail ", était ainsi justifié par l'intérêt du service et n'était pas motivé, ainsi qu'elle l'allègue, par " la volonté de la soumettre à de plus fortes pressions afin de la contraindre à quitter son poste ". Le courrier émanant du syndicat CGT, produit en appel, qui fait état d'inquiétudes consécutives à la réorganisation en cause ne permet pas de remettre en question ce constat. Dans ces conditions, les éléments de fait relatifs au changement de service de la requérante ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.
8. Mme A... soutient, en deuxième lieu, que son employeur aurait porté atteinte au secret professionnel - auquel elle serait astreinte - en lui demandant de faire part de l'identité des personnes qu'elle reçoit et en lui donnant un bureau qui côtoie celui des ressources humaines, ce qui aurait porté atteinte à la confidentialité des rendez-vous.
9. Il résulte d'une part de l'instruction, en particulier de la fiche versée aux débats de première instance par le SDIS, qui rend compte de l'entretien que Mme A... a eu le 14 janvier 2015 avec son supérieur hiérarchique où il lui était notamment demandé de rencontrer prochainement la nouvelle responsable du service qualité de l'environnement du travail afin " de définir les modalités de remontée de son bilan d'activité et de mettre en place les relations de travail ", qu'il lui a été demandé, et ce pour la troisième fois, d'avoir, ainsi que l'avance la requérante, " un retour exhaustif de son activité et des agents qu'elle rencontre ". Il ressort également d'un courrier du 15 juillet 2015, joint à la requête de première instance, que le président du SDIS a demandé à Mme A... de fournir " un rapport circonstancié nous permettant de mettre en place les mesures qui s'imposent auprès des agents que vous avez identifiés mais aussi de façon préventive sur l'ensemble de l'établissement qui devra comporter une analyse fine, à la fois quantitative et qualitative des personnes rencontrées (nombre d'agents, statut, affectation, âge, contexte et circonstances...), mais aussi vos préconisations ". Il ne résulte pas cependant des termes de ces échanges, qui attestent au demeurant de l'intérêt que l'établissement accordait aux retours de l'intéressée sur le bien-être au travail des agents, qu'il aurait été demandé à la requérante de donner le nom des agents auditionnés, pas plus que la teneur des entretiens. Il ne résulte pas ainsi de l'instruction que, par les demandes qui étaient adressées à Mme A... et qui s'inscrivaient dans une démarche d'évaluation et de prévention des risques psychosociaux de l'établissement, son supérieur hiérarchique a excédé les limites de l'exercice normal de ses prérogatives et exercé des pressions de nature à porter atteinte à la confidentialité attachée aux fonctions de l'intéressée.
10. D'autre part, le fait que Mme A... s'est vu attribuer un bureau au sein du service des ressources humaines ne révèle pas davantage une violation de ce principe alors qu'il est constant, ce qu'elle reconnait d'ailleurs elle-même et qui pourtant n'est pas repris dans le courrier du 2 juin 2015 du syndicat CGT et le courriel du 3 mai 2016 du médecin de prévention dont elle se prévaut, qu'elle disposait d'une salle de consultation qui lui était réservée. Le courriel que son supérieur lui a adressé le 7 septembre 2015 afin de lui rappeler qu'elle devait quitter son bureau au sein du service de santé et de secours médical lui indique d'ailleurs sans ambiguïté " qu'elle bénéficiera bien entendu d'un bureau à l'écart, au sein du pôle SSSM pour les visites qui pourraient revêtir un caractère confidentiel ". Par suite, ce changement de bureau, qui n'apparaît pas avoir été décidé pour un motif ne relevant pas de l'intérêt du service, ne saurait être regardé comme une manifestation de harcèlement moral. Le moyen sera écarté dans toutes ses branches.
11. Mme A... soutient, en troisième lieu, qu'elle a subi plusieurs changements dans l'organisation de son travail - en particulier des changements de supérieur hiérarchique - et ce, sans information préalable, " indices " qui, selon elle, " feraient présumer de l'existence d'un cas de harcèlement moral ". Il ne résulte toutefois d'aucun texte législatif ou réglementaire que l'administration ait l'obligation de procéder à une telle information. En tout état de cause, il ne ressort d'aucun des éléments du dossier, et notamment pas du compte rendu d'enquête du 9 mai 2016 versé en appel, que ces agissements aient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il résulte également de l'instruction que la décision de placer Mme A... à compter du mois de janvier 2015 sous la responsabilité de la cheffe du service " qualité environnement du travail ", répondait à ce moment à l'intérêt du service, son supérieur hiérarchique antérieur ne pouvant plus, eu égard à son emploi du temps, entretenir des échanges réguliers avec la requérante sur son activité. Mme A... a par la suite de nouveau de nouveau été placée, à sa demande, sous la " supervision " de son supérieur hiérarchique initial.
12. Mme A... soutient, en quatrième lieu, que des interdictions de se déplacer lui ont été imposées et qu'en particulier, elle n'avait plus le droit d'aller à la caserne d'Ifs et qu'il lui aurait été imposé de quitter une autre caserne après la survenance, lors d'une intervention, d'un accident de circulation ayant conduit au décès d'un motard.
13. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment de la fiche de poste de la requérante, qu'il lui était demandé de favoriser la tenue de ses rendez-vous dans son propre bureau et que " des déplacements sont possibles sur les centres de secours avec l'accord du chef de centre, pour recevoir les personnes non mobiles sur Caen ou dans le cadre des débriefings ". Si Mme A... conteste avoir eu en sa possession cette fiche de poste elle ne l'établit pas et, au demeurant, cette préconisation n'est pas étrangère à l'intérêt du service qu'il convient de gêner le moins possible et qui doit nécessairement s'organiser pour permettre d'éventuels entretiens avec les sapeurs-pompiers susceptibles d'être à tout moment mobilisés pour un départ en intervention. D'autre part, s'agissant de la caserne d'Ifs, et pour les mêmes considérations, il était demandé à la requérante de prévenir au préalable le chef de centre et d'obtenir son accord. Enfin, il résulte de l'instruction que les circonstances particulières de l'accident survenu lors de l'intervention des pompiers de la caserne de Pont d'Ouilly et ses conséquences tragiques notamment sur les membres de l'équipage ont conduit à la mise en place immédiate d'une cellule psychologique ad hoc. Cette décision ne saurait être regardée comme témoignant de l'objectif de nuire à Mme A... laissant présumer des faits constitutifs de harcèlement moral. Le moyen sera écarté.
14. Mme A... soutient, en cinquième lieu, qu'elle a été victime de la part de sa hiérarchie de propos ou de demandes blessantes de manière récurrente. Toutefois, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments permettant d'établir l'existence de propos blessants, ou étrangers à la bonne marche du service, laissant présumer des faits constitutifs de harcèlement moral.
15. Mme A... soutient, en sixième lieu, qu'elle a été exclue de certaines réunions et que son activité était placée " sous surveillance ". Toutefois, elle ne précise pas les réunions concernées, hormis une réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) à laquelle elle n'a effectivement pas été conviée. Sur ce point particulier, s'il résulte de l'instruction, et notamment d'un compte-rendu d'entretien du 14 janvier 2015, que le commandant C... a reconnu avoir oublié de la convier lors de la dernière réunion du CHSCT, son supérieur hiérarchique lui a néanmoins indiqué au cours de ce même entretien qu'il avait nommé une responsable du service qualité de l'environnement du travail susceptible d'assurer un meilleur suivi de l'activité de Mme A..., décision prise dans l'intérêt du service. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément démontrant que la requérante aurait été volontairement exclue de certaines réunions auxquelles elle aurait eu vocation à participer et " qu'elle aurait été surveillée s'agissant de ses horaires de travail ", aucun élément avancé ne peut être regardé comme susceptible de présumer de l'existence d'une situation de harcèlement moral.
16. Mme A... soutient, en septième lieu, en s'appuyant sur le rapport établi par le CHSCT du 13 octobre 2015, que la volonté du SDIS était en réalité, en externalisant le service d'assistance psychologique des agents, de supprimer son poste de travail. Toutefois, il résulte du rapport du président du SDIS au CHSCT du 13 octobre 2015, que le service d'assistance psychologique, tel qu'il fonctionnait à cette date, ne permettait pas d'assurer un service en continu pour les agents et qu'il était ainsi proposé d'élargir le dispositif de soutien pour le rendre accessible sans délai et chaque jour de l'année. Ces considérations, comme l'établit l'instruction, ont conduit à proposer au CHSCT de compléter la cellule d'écoute psychologique en élargissant le dispositif de soutien existant, démarche conforme à l'intérêt du service qui ne saurait sérieusement être comprise comme exprimant la volonté de la hiérarchie de Mme A... de simplement supprimer son poste.
17. En huitième et dernier lieu, si le lien entre l'état de santé et le travail de Mme A... est établi et n'est pas contesté, la Caisse primaire d'assurances maladie ayant reconnu, le 25 avril 2017, l'imputabilité au service des arrêts de travail de l'intéressée, les certificats médicaux produits par celle-ci ainsi que le courrier du médecin de la prévention du 26 janvier 2016 ne permettent pas, pour autant, de caractériser une situation de harcèlement moral.
18. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été rappelé aux points 3 à 17 qu'aucun des agissements, pris individuellement ou dans leur ensemble, ainsi que l'ont d'ailleurs justement et expressément rappelé les premiers juges au point 12 du jugement attaqué, ne permettent de caractériser une situation de harcèlement moral à l'encontre de Mme A....
Sur la demande de protection fonctionnelle :
19. Aux termes du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
20. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment détaillés aux points 3 à 17, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la protection prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 citées au point précédent aurait dû lui être accordée. En conséquence, elle n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et à soutenir que le SDIS du Calvados aurait méconnu son obligation de sécurité et de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses agents.
Sur les conclusions indemnitaires :
21. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 20, en l'absence de toute illégalité fautive du SDIS, les conclusions présentées par Mme A... tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser la somme totale de 192 181 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait du harcèlement moral et dont elle estime être victime ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
22. Le présent arrêt qui rejette l'ensemble des prétentions de la requérante n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
23. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que Mme A... réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme que demande le SDIS en application des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours du Calvados sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au service départemental d'incendie et de secours du Calvados.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022.
Le rapporteur,
O.COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°20NT02701 2
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