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25/03/2022 | FRANCE | N°21NT00533

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 25 mars 2022, 21NT00533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Maindrelle a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le président du Conseil départemental du Calvados l'a licencié pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 2000040 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février et 20 septembre 2021, M. Maindrelle, représenté par Me Daumont, demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement n° 2000040 du 30 décembre 2020 du tribunal administratif de Caen ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Maindrelle a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le président du Conseil départemental du Calvados l'a licencié pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 2000040 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février et 20 septembre 2021, M. Maindrelle, représenté par Me Daumont, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2000040 du 30 décembre 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au département du Calvados de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ;

4°) de mettre à la charge du département du Calvados la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée n'est fondée sur aucun élément objectif et matériellement établi ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que l'administration s'est fondée non sur des éléments révélant une insuffisance professionnelle mais sur des éléments relevant de fautes disciplinaires ;

- elle méconnaît le principe général du droit selon lequel un agent public ne peut être sanctionné plusieurs fois pour les mêmes faits ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de sa prétendue insuffisance professionnelle.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 août et 8 octobre 2021, le département du Calvados, représenté par Me Gorant, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. Maindrelle en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. Maindrelle ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Daumont, représentant M. Maindrelle et de Me Lerable, représentant le département du Calvados.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... Maindrelle a été recruté, le 1er janvier 2008, par le département du Calvados pour assurer des fonctions de dessinateur au sein de l'agence routière départementale de Caen. Il a été affecté à compter du 17 juillet 2012 au service " Etudes et Travaux routiers ", puis à compter de 2017, en qualité de renfort du correspondant informatique, au sein du service " Systèmes d'information et pilotage " de la direction des ressources humaines du département. Il a été informé, par un courrier du 9 octobre 2019, de l'engagement à son encontre d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. A l'issue de cette procédure, le président du conseil départemental a licencié l'intéressé par une décision du 19 décembre 2019. Par un jugement du 30 décembre 2020, dont M. Maindrelle relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984 alors en vigueur : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. "

3. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Sont de nature à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, lorsque leur matérialité est établie, les faits révélant, de la part d'un fonctionnaire, un manque de diligence et de rigueur dans l'exécution de son travail et des difficultés relationnelles dans les équipes au sein desquelles cet agent a été affecté.

4. Pour justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. Maindrelle, le président du conseil départemental du Calvados a, dans l'arrêté en litige, relevé " qu'en dépit des efforts déployés depuis plusieurs années par les services du département pour accompagner

M. Maindrelle et lui trouver un poste adapté à ses compétences, l'intéressé n'est pas en mesure de s'intégrer dans une équipe et de se plier aux règles de vie d'un service " et s'est fondé, plus précisément sur l'attitude de l'intéressé vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie et ses difficultés à respecter les consignes et à rendre compte de ses activités.

5. En premier lieu, s'agissant de l'attitude de l'intéressé vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courriel adressé par

M. Maindrelle à sa supérieure hiérarchique le 24 octobre 2011 en réponse à des instructions qu'elle lui avait données, que ce dernier s'adressait de manière très désobligeante et irrespectueuse à sa hiérarchie, lui exprimait de façon virulente ses critiques sur l'organisation du service et lui indiquait ne pas vouloir se plier à ses exigences. Il en ressort également qu'il reprochait, dans ce même courriel, à un collègue de vouloir lui nuire, alors que ce dernier s'était borné à donner une information le concernant. Dans un autre courriel du 21 mars 2016 adressé à ses collègues, ce dernier met en cause sa hiérarchie en des termes peu amènes au sujet du

bien-fondé d'une évaluation par son chef de service qui a lui-même alerté le directeur des ressources humaines sur le malaise qu'il ressentait dans sa collaboration et celle des autres agents du service avec le requérant du fait de l'attitude systématiquement négative de ce dernier. La commission administrative paritaire réunie le 21 avril 2016 a d'ailleurs relevé l'impact négatif de l'attitude de l'intéressé sur l'ambiance et le climat du service. Dans le cadre de son affectation comme correspondant informatique à la direction des ressources humaines, M. Maindrelle a mis en cause ouvertement et de manière irrespectueuse, dans un courriel du

25 avril 2018, la probité de l'adjointe au chef de service carrières et rémunérations. Enfin, l'intéressé a contribué, par son attitude étrangère à tout apaisement, à l'échec de la médiation proposée par son employeur et conduite en juin 2019 par une psychologue victimologue, qu'il a qualifié de " fumisterie ".

6. S'agissant des difficultés de M. Maindrelle à respecter les consignes et à rendre compte de ses activités, il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'une note au directeur des routes du 10 octobre 2011, que les supérieurs hiérarchiques de l'intéressé devaient le solliciter sur l'état d'avancement des dossiers dont il était chargé lorsqu'il était affecté à l'agence des routes départementales et le relancer pour qu'il suive les instructions le concernant. Il ressort encore d'une note du directeur général adjoint des ressources humaines du département du

10 septembre 2019 que l'intéressé ne prenait pas d'initiative pour atteindre les objectifs précis qui lui étaient fixés, se plaçant dans une attitude attentiste. Enfin, M. Maindrelle jouait parfois ostensiblement sur ses lieu et temps de travail à des jeux vidéo.

7. Eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 6, la décision contestée se fonde, contrairement à ce que soutient M. Maindrelle sur des éléments objectifs et matériellement établis.

8. En deuxième lieu, l'administration s'est fondée pour prononcer le licenciement en litige sur des faits révélant de la part du requérant un comportement général et une manière de servir le rendant inapte à exercer les fonctions correspondant à son grade et non sur la circonstance que ce dernier avait commis des fautes. Par suite, et alors même que certains de ces faits ont aussi constitué des fautes et ont donné lieu à des sanctions disciplinaires, les moyens tirés de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et méconnaît le principe selon lequel un agent public ne peut être sanctionné plusieurs fois pour les mêmes faits doivent être écartés.

9. En troisième et dernier lieu, si M. Maindrelle a fait preuve au cours de sa carrière, ainsi qu'il ressort de ses comptes rendus d'évaluation, de compétences techniques notamment en tant que dessinateur, l'insuffisance professionnelle qui a fondé l'arrêté en litige consiste en un comportement général impliquant des difficultés relationnelles marquées avec ses collègues et plus particulièrement ses supérieurs hiérarchiques. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, ces difficultés n'ont pas résulté de conflits ponctuels avec des cadres du département, mais sont liées à une attitude, particulièrement envers ses supérieurs hiérarchiques, rendant impossible une bonne intégration au sein d'un collectif de travail. En outre, cette attitude ainsi que la difficulté à respecter les consignes et à rendre compte ont été constatées par l'administration sur une longue période, celle-ci ayant mis en œuvre des moyens pour tenter d'y remédier tels que des changements d'affectation ou une médiation. Dans ces conditions, l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur d'appréciation en regardant les faits qui ont fondé la décision contestée, rappelés aux points 5 et 6, comme révélant de la part de l'intéressé une insuffisance professionnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. Maindrelle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Calvados, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Maindrelle demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de

M. Maindrelle la somme que le département du Calvados demande à ce même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Maindrelle est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Calvados sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Maindrelle et au département du Calvados.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 25 mars 2022.

Le rapporteur,

X. CATROUXLe président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00533
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : DAUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-25;21nt00533 ?
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