Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de commerce et d'industrie du Morbihan a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision implicite du ministre de la transition écologique et solidaire rejetant sa demande indemnitaire tendant au remboursement des sommes correspondant aux avances qu'elle a consenties dans le cadre de l'exploitation de l'aéroport Lorient - Bretagne Sud et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 129 000 euros, au titre des avances qu'elle a consenties.
Par un jugement n° 1804439 du 4 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février et 7 novembre 2021, la chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Morbihan, représentée par la société Richer et associés droit public, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 janvier 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 129 000 euros en remboursement des avances consenties par la CCI avant le 31 décembre 2015 dans le cadre de l'exploitation de l'aéroport Lorient - Bretagne Sud ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il retient que la concession arrivera à échéance en 2023, alors que ce terme est fixé au 31 décembre 2021 ;
- l'Etat est contractuellement tenu de rembourser aux concessionnaires d'installations aéroportuaires les avances consenties en application de l'article 48 du traité de concession signé entre l'Etat et la CCI ; or la CCI, du fait du caractère structurellement déficitaire de l'aéroport, a consenti des avances pour un total de 2 129 000 euros avant 2016, qui n'ont jamais été remboursées et n'ont pas fait l'objet de la convention prévue à l'article R. 712-36 du code de commerce en raison d'une carence fautive de l'Etat en cours de contrat ;
- aucun texte ne prévoit que le remboursement de ces avances ne peut intervenir qu'en fin de contrat ; l'économie réelle du contrat et le principe de loyauté des relations contractuelles imposent un remboursement rapide des avances effectuées ;
- les conditions d'exécution du contrat ont été négativement et significativement impactées par la signature le 20 novembre 2019 d'une convention d'objectifs et de moyens par l'Etat, la CCI France et la CCI Bretagne lui interdisant désormais d'utiliser le produit de la taxe pour frais de chambre pour le financement de ces avances ; la CCI n'est plus en capacité d'assumer sa mission de concessionnaire ;
- l'Etat est redevable d'une somme de 2 129 000 euros au titre des avances effectuées jusqu'en 2016 par la CCI, ainsi qu'établi par un rapport de son commissaire aux comptes et reconnu par le préfet du Morbihan et la direction générale de l'aviation civile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2021, la ministre de la transition écologique, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 26 octobre 2021 la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2021.
Un mémoire présenté pour la ministre de la transition écologique a été enregistré le 8 février 2022, soit après la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts ;
- le décret n° 73-419 du 9 mars 1973 ;
- le décret n° 2007-574 du 19 avril 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
- et les observations de Me Maitrot, représentant la chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Morbihan.
Considérant ce qui suit :
1. La chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Morbihan, alors titulaire d'une concession pour l'exploitation de l'aéroport de Lorient-Bretagne Sud accordée par l'Etat par un décret du 9 mars 1973 pour une durée de cinquante ans à compter du 1er janvier 1972, a demandé le 27 juin 2018 à l'Etat le versement de la somme de 2 129 000 euros, au titre du remboursement des avances de trésorerie qu'elle a consenties jusqu'en 2016 pour l'exploitation de l'aéroport. Cette demande a été rejetée par une décision implicite du ministre de la transition écologique et solidaire née le 28 août 2018. Par un jugement du 4 janvier 2021, dont la CCI relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la CCI tendant à l'annulation de cette décision implicite et au remboursement des avances consenties jusqu'en 2016.
2. Aux termes de l'article 48 " Reprise par l'Etat des biens de la concession " de la convention de concession approuvée par un décret du 9 mars 1973 relatif à une concession d'outillage public accordée par l'Etat à la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan sur l'aérodrome (zone civile) de Lorient - Lann-Bihoué : " A la fin de la concession, c'est à dire notamment à l'échéance du terme fixé à l'article 43 (...) l'Etat entrera immédiatement et sans indemnité en possession de tous les ouvrages, bâtiments, installations, matériels, outillages, objets mobiliers et approvisionnements appartenant à la chambre de commerce ou détenus par elle sur la zone civile de l'aérodrome de Lorient et qui seraient utiles pour l'exploitation aéroportuaire. (...). / L'Etat remboursera également à la chambre de commerce les avances que cette dernière aurait pu faire sur ses ressources propres ou la valeur non amortie des installations qu'elle aurait réalisées au moyen des mêmes ressources, si ce remboursement n'a pu être effectué par imputation sur le reliquat du fond de réserve. (...) ". Et aux termes de l'article 39 " Emploi des recettes d'exploitation " de la même convention : " Les recettes d'exploitation seront exclusivement employées par ordre de priorité : (...) d) A rembourser les avances qui auraient pu être consenties par la chambre de commerce, ou faites par cette dernière sur ses ressources propres, en vue de couvrir un déficit d'exploitation (...). ".
3. En premier lieu, la CCI du Morbihan soutient qu'en application des stipulations de l'article 48 de la convention de concession qui la liait à l'Etat pour l'exploitation de l'aérodrome de Lorient, devenu l'aéroport Lorient - Bretagne Sud, elle a droit au remboursement des avances de trésorerie qu'elle a effectuées jusqu'en 2015 afin d'assurer l'exploitation de cet équipement structurellement déficitaire. Cependant les dispositions citées de l'article 48 ne trouvent à s'appliquer, ainsi qu'elles le prévoient clairement, qu'au terme de la concession, non en cours d'exploitation, et à condition que ce remboursement n'ait pu intervenir par imputation sur le reliquat du fond de réserve. Par ailleurs, il résulte de l'article 39 de cette même convention que ce sont les recettes d'exploitation qui sont destinées à couvrir en cours de contrat les éventuelles avances consenties par la CCI. Par suite, et alors même que l'équilibre financier de la concession était difficile à atteindre par la CCI, elle n'est pas fondée à soutenir que l'Etat était tenu, sur le fondement des stipulations de l'article 48 du traité de concession, de faire droit à sa demande, présentée en cours d'exploitation de l'aéroport, de remboursement des avances qu'elle a consenties avant 2016. Ainsi, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée en l'absence de tout manquement à ses obligations. De plus, les documents produits par la CCI du Morbihan ne permettent pas d'identifier l'origine, le montant, l'affectation et l'éventuelle compensation par d'autres ressources d'avances consenties pour combler les déficits d'exploitation de l'aéroport et, dans ces conditions, ne justifient pas du caractère remboursable par l'Etat des avances invoquées.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 712-36 du code de commerce : " 1° Les établissements du réseau ne peuvent pas utiliser le produit des impositions de toute nature qui leur sont affectées ou des ressources provenant de leurs autres activités pour assurer l'équilibre d'une convention de délégation de service public leur confiant la gestion d'un service ou d'un équipement public. / Toutefois, cette interdiction ne s'applique pas (...) - aux avances consenties par l'établissement délégataire dans le cadre d'une convention avec l'autorité concédante. / Cette convention fixe le plafond des avances, qui ne peuvent excéder une durée de deux ans, et prévoit l'ensemble des mesures à prendre par l'établissement et l'autorité concédante pour rétablir l'équilibre de l'exploitation déléguée d'un service ou d'un équipement public devenu déficitaire. La convention peut être renouvelée pour une période maximale de deux ans. (...) ".
5. L'article R. 712-36 du code de commerce subordonne l'octroi d'avances issues du produit des impositions de toute nature affectées aux CCI ou des ressources provenant de leurs autres activités et destinées au financement de l'équilibre d'une convention de délégation de service public, à la conclusion d'une convention. Or en l'absence de conclusion d'une telle convention, comme en l'espèce, la CCI ne peut se prévaloir d'un droit à un remboursement de telles avances en cours d'exécution de la convention. Enfin, l'absence de conclusion d'une telle convention n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat pour faute alors qu'il n'était pas tenu par cette disposition réglementaire de conclure un tel contrat, y compris en présence de déficits d'exploitation de son cocontractant, et que la CCI n'était pas tenue d'accorder des avances. Par suite, la CCI du Morbihan n'est pas fondée à se prévaloir de l'article R. 712-36 du code de commerce à l'appui de sa demande indemnitaire.
6. En troisième lieu, la CCI du Morbihan soutient que la conclusion d'une convention d'objectifs et de moyens entre l'Etat, la CCI France et la CCI Bretagne le 20 novembre 2019 a modifié substantiellement et défavorablement l'équilibre général de la convention de concession du 9 mars 1973 en ce que la convention de 2019 lui interdit d'orienter le produit de la taxe pour frais de chambre prévue par le code général des impôts vers le financement d'avances au bénéfice de l'exploitation de l'aéroport. Toutefois, cette circonstance est sans incidence au regard de sa demande indemnitaire présentée en 2018 afin d'obtenir le remboursement d'avances de trésorerie effectuées jusqu'en 2015. Par suite, aucun droit à indemnisation de la CCI du Morbihan n'est ouvert du fait de la conclusion de la convention d'objectifs et de moyens du 20 novembre 2019 dans le cadre du présent litige.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et alors qu'est sans incidence la circonstance que le jugement attaqué indique à tort que le terme de la convention approuvée le 9 mars 1973 était fixé à 2023, que la CCI du Morbihan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan est rejetée.
Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie du Morbihan versera à l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00346