Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune du Hom à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant des faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n°1803068 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 janvier, 5 mai et 8 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Taforel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de condamner la commune du Hom à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices causés par le harcèlement moral subi, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la réception de sa réclamation préalable ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Hom la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la créance qu'elle invoque n'est pas prescrite, dès lors que les agissements sur lesquelles elle repose sont continus et qu'elle n'a eu connaissance que récemment du dommage qu'ils lui ont causé ;
- elle a subi des agissements répétés de harcèlement moral de la part de la commune ;
- le harcèlement moral subi lui a causé des préjudices, et notamment un préjudice moral, du fait du syndrome dépressif réactionnel et de la stagnation de carrière qu'il a entraînés et elle est fondée à demander la réparation de ces préjudices par le versement d'une somme de 30 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, la commune du Hom, représentée par Me Lehoux, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la créance invoquée par Mme B... est prescrite en tant qu'elle est relative à des faits antérieurs au 1er janvier 2014 ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., agent technique de 2ème classe, a été recrutée en 1996 par la commune de Thury-Harcourt, devenue commune du Hom, en qualité d'agent d'entretien à temps non complet et titularisée dans ce grade à compter du 17 septembre 1997. Par courrier du 24 septembre 2018, Mme B... a sollicité de la commune du Hom l'indemnisation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi. Cette réclamation a été expressément rejetée par la commune, le 24 octobre 2018. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant de ce harcèlement. Par un jugement du 12 novembre 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. En premier lieu, Mme B... soutient que sa carrière n'a progressé qu'à l'ancienneté, qu'elle n'a pas bénéficié de changement d'affectation au sein des services communaux, que sa quotité de travail n'a pas augmenté selon ses vœux, que des repos compensateurs lui ont été imposés par son employeur en 2011 et 2012 et que la commune lui a fait connaître, par un courrier du 9 mars 2018, que le versement de son traitement serait interrompu au cours du mois de mars 2018 dans le but de recouvrer un trop-perçu. De tels éléments, relevant de la gestion administrative et financière de la vie professionnelle de la requérante, ne permettent toutefois pas, par eux-mêmes, de faire présumer d'un harcèlement moral à son encontre. Au demeurant, s'agissant du dernier fait invoqué, le maire a, à la demande du conseil de l'intéressée, finalement confié au comptable public compétent le soin de recouvrer la dette en cause, ce qui permet, le cas échéant, un échelonnement des remboursements.
5. En deuxième lieu, la requérante soutient que le maire aurait contacté ses médecins traitants afin de les avertir de sa personnalité et de faire pression pour que ses arrêts de travail ne soient plus renouvelés. Toutefois, et alors que la commune conteste ces allégations, le seul fait que l'un de ces médecins ait décidé en octobre 2017 de ne plus être le médecin traitant de l'intéressée en raison de la rupture de la relation de confiance avec son patient ne suffit pas à les établir.
6. En troisième lieu, Mme B..., soutient qu'elle a été privée, sans raison valable, des clés permettant d'accéder aux locaux en cause et du matériel d'entretien nécessaire, qu'elle s'est vu infliger le 24 octobre 2016 et le 24 février 2017 des sanctions disciplinaires injustifiées, que la commune a entravé les tentatives de médiation dont elle avait pris l'initiative, qu'elle a été irrégulièrement radiée des cadres et que le maire a refusé de saisir le comité médical supérieur de sa situation. Mme B... fait également valoir qu'elle n'a pas disposé d'un temps de travail hebdomadaire suffisant pour mener à bien ses missions d'entretien. Les éléments de fait ainsi avancés par la requérante, dont l'état de santé s'est fortement détérioré dans un contexte de conflit professionnel en 2017, avec des arrêts de travail pour anxiété et asthénie, peuvent faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, dès lors qu'ils ont été de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la santé de l'intéressée ou à compromettre son avenir professionnel.
7. Toutefois, s'agissant de la privation des clés d'accès au locaux ou du matériel nécessaire pour la réalisation des missions de nettoyage et des avertissements infligés les
24 octobre 2016 et 24 février 2017, il ne résulte pas de l'instruction que ces décisions de la commune de Le Hom auraient excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. En effet, ainsi que le fait valoir la commune, le comportement professionnel de la requérante n'était pas exempt de reproches et celle-ci avait fait l'objet, à plusieurs reprises, de rappels de ses responsabilités, dès lors notamment qu'elle avait tendance à ne pas se conformer aux horaires qui étaient fixés par son employeur. Ce non-respect des horaires était de nature à justifier une restriction de l'accès de la requérante aux clés et au matériel. De même, si Mme B... nie avoir commis les fautes qui lui ont valu de se voir infliger les avertissements des 24 octobre 2016 et 24 février 2017, elle n'a pas contesté le bien-fondé de ces sanctions. Enfin, il n'est pas établi, contrairement à ce qu'allègue la requérante, que cette dernière n'aurait pas disposé du temps nécessaire pour mener à bien ses missions. Dans ces conditions, les agissements en cause peuvent être regardés comme justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral.
8. S'agissant des obstacles qui auraient été mis par le maire de la commune aux tentatives de médiation à l'initiative de Mme B..., la commune fait valoir qu'elle a accepté cette médiation et que l'échec de celle-ci vient, pour une part, de ce que la requérante ne s'est pas présentée à l'entretien avec le maire proposé le 22 décembre 2017. Il résulte, à cet égard, de l'instruction qu'en n'accédant pas à la demande de l'intéressée d'être reçue dans un lieu extérieur à la mairie, la commune aurait eu pour objet de faire échouer la tentative de médiation entre elle et la requérante ou aurait eu une part significative dans cet échec. Les agissements ainsi reprochés à l'administration ne peuvent ainsi, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme découlant de considérations relevant du harcèlement moral.
9. Enfin, le refus du maire de saisir le comité médical supérieur de la situation de la requérante était fondé sur la considération, étrangère à tout harcèlement moral, que
Mme B... avait été radiée des cadres. Si, ainsi qu'il résulte de l'instruction, une telle radiation des cadres était entachée d'illégalité et l'avertissement du 24 février 2017 n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire préalable, ces circonstances ne suffisent pas à elles seules à établir l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune du Hom, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Hom, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de
Mme B... la somme que demande la commune du Hom à ce même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentée par la commune du Hom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune du Hom.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 25 mars 2022.
Le rapporteur,
X. CATROUXLe président,
D. SALVI
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00077