Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la région Normandie à lui verser la somme de 113 202,60 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par cet établissement.
Par un jugement n°1800362 du 18 août 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er octobre 2020 et et 5 août 2021, Mme B..., représentée par Me Salmon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 août 2020 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de condamner la CCI de la région Normandie à lui verser la somme de 113 202,60 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la CCI de la région Normandie la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité pour faute de la chambre de commerce et d'industrie de Normandie est engagée en raison, d'une part, de l'illégalité du licenciement dont elle a fait l'objet et, d'autre part, des faits de harcèlement dont elle a été victime ;
- elle a subi, du fait de ces fautes, des préjudices matériels, dont elle est fondée à demander réparation par le versement des sommes de :
* 16 219 euros au titre de la privation de son préavis d'une durée de quatre mois ;
* 59 147,85 euros au titre de son indemnité de licenciement ;
* 40 000 euros au titre de son préjudice financier ;
- elle a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, qui doivent être réparés par le versement de la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2021, la chambre de commerce et d'industrie de Normandie, représentée par Me Carrère, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements consulaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Carrère, représentant la chambre de commerce et d'industrie de la région Normandie.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été recrutée le 1er février 2012 par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Région Basse Normandie en qualité d'agent de droit public affecté sur un emploi permanent à temps complet pour exercer les fonctions de coordinatrice ressources humaines. A compter du 30 août 2013, elle a été mise à disposition des CCI territoriales de Centre et Sud Manche, de Cherbourg Cotentin et de Flers Argentan, à raison de 20% de son temps de travail pour chacune des chambres, afin d'assurer les fonctions de responsable des ressources humaines au sein de ces trois établissements, tout en continuant à exercer ses fonctions pour la CCI de la Région Normandie pour le reste de son temps de travail. Elle a bénéficié d'un congé de maternité et de congés du 15 février au 30 septembre 2016, puis, à compter du 1er novembre 2016, d'un congé parental à temps partiel de 20%. Son ancien poste étant occupé par un autre agent à la date de sa reprise du travail, le 3 octobre 2016, elle a été chargée, en télétravail, de missions d'études pour la direction régionale des ressources humaines portant notamment sur l'harmonisation des " process " de la fonction ressources humaines. Par courrier du 26 septembre 2017, Mme B... a informé la CCI qu'elle prenait acte d'une rupture de son contrat de travail. Estimant avoir fait l'objet d'un licenciement illégal, elle a, par une réclamation préalable du 21 novembre 2017, sollicité auprès de la CCI la réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle estime avoir subis de ce fait. Cette réclamation ayant été implicitement rejetée, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la CCI de Normandie à lui verser la somme de 113 202,60 euros. Par un jugement du 18 août 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur la responsabilité pour faute de la CCI de la Région Normandie :
En ce qui concerne le licenciement allégué :
2. Aux termes de l'article 33 du statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires, la cessation de fonction de tout agent titulaire ne peut intervenir que par démission, départ à la retraite, mise à la retraite, licenciement pour inaptitude physique, licenciement pour insuffisance professionnelle, suppression de poste, mesure disciplinaire ou cessation d'un commun accord de la relation de travail.
3. Mme B... soutient avoir été licenciée par la modification substantielle et non acceptée de son contrat de travail, de telle sorte qu'elle était fondée à prendre acte de cette rupture contractuelle. Il résulte toutefois de l'instruction, compte tenu en particulier des termes de la lettre d'engagement de l'intéressée du 1er février 2012, qu'elle occupait un emploi permanent de la CCI de la Région Normandie et en était un agent titulaire relevant du statut du personnel administratif des CCI et non un agent contractuel. Elle ne peut donc pas se prévaloir d'un changement substantiel de ses fonctions pour soutenir qu'elle aurait été illégalement licenciée en octobre 2016, dès lors que ce changement n'emportait aucune modification d'un prétendu contrat de travail. Au demeurant, il n'est pas établi qu'elle aurait refusé ce changement de fonctions.
En ce qui concerne l'allégation de harcèlement moral :
4. Le fait pour un agent d'une chambre de commerce de subir des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel caractérise un comportement de harcèlement moral, constitutif d'une faute de nature à lui donner droit à une réparation de son employeur. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Mme B... soutient avoir été victime de tels agissements, dès lors qu'elle n'a pas retrouvé son poste à son retour de congé maternité, qu'aucune mission ne lui a alors été confiée, que le télétravail lui a été imposé sans que le matériel nécessaire ne lui soit fourni et que l'administration a cherché à l'évincer du service en lui proposant une mutation, la cessation d'un commun accord de la relation de travail, puis une mesure de licenciement pour suppression d'emploi. Les éléments ainsi avancés par la requérante sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
6. Il résulte toutefois de l'instruction, compte tenu notamment des éléments produits à l'instance, que Mme B... s'est vue confier, à son retour de congé de maternité le 3 octobre 2016, une mission d'étude en ressources humaines, concomitamment à l'obtention d'un congé parental à temps partiel, qui relevait de ses compétences professionnelles et que le télétravail ne lui a pas été imposé. Au contraire, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait exprimé un désaccord sur cette mission et ses modalités et sur l'absence de retour sur son ancien poste avant le 20 avril 2017. Si la requérante a indiqué, à son employeur, le 16 novembre 2016, qu'elle vivait mal sa situation professionnelle, elle insistait alors sur le fait, qu'ayant refusé l'emploi de responsable de la formation qui lui était proposé par la CCI de la Région Normandie, elle souhaitait que soient plus rapidement fixées les modalités de sa sortie du service par le biais d'une cessation d'un commun accord de la relation de travail ou d'un licenciement pour suppression d'emploi. Enfin, si l'établissement public ne justifie pas avoir doté Mme B... en matériel pour le télétravail bien que celle-ci ait pu utiliser sa messagerie professionnelle, il n'est toutefois pas établi que Mme B... ait fait part de cette difficulté à son employeur avant le
20 avril 2017. Par suite, il n'est pas établi que Mme B... aurait fait l'objet de faits répétés constitutifs de harcèlement moral de la part de la CCI de la Région Normandie.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCI de la région Normandie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de
Mme B... la somme que la CCI de la région Normandie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie de la région Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la chambre de commerce et d'industrie de la région Normandie.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.
Le rapporteur
X. CATROUXLe président
D. SALVI
Le greffier
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au préfet de la Région Normandie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03112