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25/03/2022 | FRANCE | N°20NT02881

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 25 mars 2022, 20NT02881


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner solidairement la SELARL Durand Menard Thibault, la SARL Economie et coordination en bâtiments (ECB), la SARL JD Sols et la SA Socotec France à leur payer la somme de 996 613,35 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation de désordres ayant affecté le centre aquatique de la communauté de communes de Vire, leur assurée.

Par un jugement n° 1801991 du 21 juille

t 2020, le tribunal administratif de Caen a condamné solidairement la SELARL Dura...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner solidairement la SELARL Durand Menard Thibault, la SARL Economie et coordination en bâtiments (ECB), la SARL JD Sols et la SA Socotec France à leur payer la somme de 996 613,35 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation de désordres ayant affecté le centre aquatique de la communauté de communes de Vire, leur assurée.

Par un jugement n° 1801991 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a condamné solidairement la SELARL Durand Menard Thibault, la SARL Economie et coordination en bâtiments (ECB) et la SARL JD Sols à verser aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 996 613,35 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2018, eux-mêmes capitalisés à compter du 14 août 2019 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date (article 1er), a condamné solidairement la SELARL Durand Menard Thibault, la SARL Economie et coordination en bâtiments (ECB) et la SARL JD Sols à verser la somme de 1 500 euros aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2), a condamné la SELARL Durand Menard Thibault à garantir la société ECB à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à son encontre (article 3) et la société JD Sols à garantir la société ECB à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à son encontre (article 4), a mis à la charge des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles le versement de la somme de 1 500 euros à la société SOCOTEC construction en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2020, la société Economie et Coordination en Bâtiments (ECB), représentée par Me Bouchard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) à titre principal, de rejeter les demandes des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles dirigées contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la SELARL Durand-Menard-Thibault, la SA Socotec France et la SARL JD Sols à la garantir de toute condamnation à hauteur respectivement de 20 %, 5 % et 70 % ;

4°) de mettre à la charge des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité n'est pas engagée au titre des désordres affectant le revêtement scellé des bassins et des plages dès lors que le CCTP du lot n° 9 prévoyait bien la réalisation de l'étanchéité sur la forme de pose et sous le carrelage ; seules les responsabilités de la société JD Sols en charge de l'exécution des travaux et de la société Durand-Menard-Thibault en charge de la direction de l'exécution des travaux sont engagées ;

- subsidiairement, si sa responsabilité devait être engagée au titre de ce désordre, aucune solidarité ne pourrait être décidée, surtout que la société Durand-Menard-Thibault a été radiée du registre des entreprises le 18 décembre 2017, et sa responsabilité sera limitée à 5 % ;

- la responsabilité de la société Socotec, contrôleur technique, est engagée en l'espèce eu égard à l'objet de sa mission et aucune circonstance exonératoire n'est établie en l'espèce ; sa responsabilité est engagée à hauteur de 5 % ainsi que relevé par l'expert ;

- subsidiairement, si sa responsabilité était engagée, elle sera garantie par la société Socotec pour 5 %, la société JD Sols pour 70 % et la société Durand-Menard-Thibault pour 20 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, représentées par la SCP Ferretti-Hurel-Leplatois, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société ECB ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes présentées à l'encontre de la société Socotec Construction et en ce qu'il a mis à leur charge une somme de 1 500 euros au bénéfice de cette société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de condamner en conséquence la société Socotec Construction à leur verser solidairement avec la SELARL Durand Menard Thibault, la SARL ECB et la SARL JD Sols la somme de 996 613,35 euros TTC, augmentée des intérêts et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la société Socotec Construction, de la SELARL Durand Menard Thibault, de la SARL ECB et de la SARL JD Sols une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par la société ECB ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de la société Socotec est engagée eu égard à l'objet de sa mission et à ses défaillances dans sa conduite ; l'expert a relevé une ambiguïté sur la prescription rédigée par la société ECB quant au positionnement de la chape de pose et de l'étanchéité sans que la société Socotec la relève.

Par des mémoires, enregistrés les 28 janvier et 9 juin 2021, la société Socotec Construction, représentée par Me Guyot-Vasnier, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société ECB et les conclusions présentées à son encontre par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la SELARL Durand Menard Thibault, la SARL ECB et la SARL JD Sols à la garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, et qui sera inférieure à 5 % des sommes réclamées ;

3°) de mettre à la charge de la société ECB, ou de toute partie succombante, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société ECB et les sociétés MMA à son encontre ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, si sa responsabilité devait être engagée, elle serait entièrement garantie par les sociétés Durand-Menard-Thibault, ECB et JD Sols eu égard au caractère subsidiaire de son intervention au regard de sa mission telle que définie par la loi et des conclusions de l'expert et, à titre infiniment subsidiaire, sa responsabilité ne pourrait qu'être inférieure à 5 %.

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2021, la SARL JD Sols, représentée par Me Labrusse, demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Caen en tant qu'il retient sa responsabilité et de rejeter les conclusions de la requête dirigées à son encontre ;

2°) subsidiairement, par la voie de l'appel incident à l'encontre de la société ECB et par la voie de l'appel provoqué à l'encontre des autres intervenants, de limiter sa part de responsabilité à 50 % et de condamner in solidum, sur le fondement délictuel pour les sociétés ECB, Socotec, Durand- Ménard-Thibault, et sur le fondement contractuel la société T2S, à la garantir de toute éventuelle condamnation la concernant au bénéfice des sociétés MMA IARD et MMA IARD Mutuelles Assurances à due concurrence de leurs propres responsabilités dans la survenance du dommage ;

3°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité n'est pas engagée ; la prescription du positionnement de la chape de béton par rapport à l'étanchéité n'est pas claire, ainsi que l'a relevé l'expert ; seule la responsabilité de la société ECB est en conséquence engagée alors que l'exposante s'est bornée à suivre les prescriptions du CCTP ; la responsabilité de la société Socotec est engagée faute d'avoir formulé des observations sur le positionnement de la chape ;

- si sa responsabilité était engagée, celle-ci serait limitée à 50 % ainsi que préconisé par l'expert et elle sera alors garantie par les sociétés ECB, Socotec, Durand-Menard-Thibault et, sur le fondement contractuel, par la société T2S.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes de Vire a réalisé au cours de l'année 2000 un centre aquatique dont la maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement constitué de la SELARL Durand-Menard-Thibault, architectes, la SARL Economie et Coordination en Bâtiments (ECB), économiste de la construction, et la société BEFS-TEC Ingénierie, bureau d'études structures. Le lot n° 9 " revêtements scellés " a été confié à la société JD Sols, qui avait comme sous-traitante la société T2S pour la réalisation de l'étanchéité sous carrelage, et la mission de contrôle technique à la société Socotec France, devenue Socotec Construction. La communauté de communes a conclu avec la société MMA-IARD un contrat d'assurance des dommages à l'ouvrage. Les travaux de construction du centre aquatique ont été réceptionnés le 29 juillet 2002 avec des réserves, qui ont toutes été levées le 4 mars 2003. Toutefois, des désordres affectant les revêtements scellés et l'étanchéité des bassins de la piscine et des plages périphériques sont apparus en 2005, conduisant après de vaines tentatives amiables de résolution à une procédure de référé expertise devant le juge des référés du tribunal administratif de Caen. A la suite du dépôt du rapport d'expertise le 15 février 2016, les sociétés MMA-IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles ont conclu le 28 décembre 2017 avec la communauté de communes de Vire un protocole d'accord transactionnel en exécution duquel la communauté de communes a perçu une indemnité de 996 613,35 euros. L'accord, qui ne portait que sur les désordres affectant les revêtements scellés des bassins et des plages du centre aquatique, prévoyait que les sociétés MMA-IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles étaient subrogées dans les droits de la communauté de communes de Vire.

2. Par un jugement du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a condamné solidairement, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs et en vertu de la subrogation des assureurs dans les droits de la collectivité publique maître d'ouvrage, la SELARL Durand-Menard-Thibault, la SARL ECB et la SARL JD Sols à verser aux sociétés MMA-IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles la somme de 996 613,35 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2018 et de la capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 14 août 2019 ainsi qu'à chaque échéance annuelle. Il a en outre condamné la SELARL Durand-Menard-Thibault à garantir la société ECB à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à son encontre et la société JD Sols à garantir la société ECB à hauteur de 70 % de ces mêmes condamnations. Le tribunal a en revanche rejeté les conclusions des sociétés MMA-IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles tendant à voir condamner également la société Socotec Construction, au titre de sa mission de contrôle technique. Par un arrêt n° 20NT02879 du 4 février 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête des sociétés MMA-IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles dirigée contre ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à voir condamner solidairement la société Socotec Construction, venant aux droits de la société Socotec France, avec la SELARL Durand-Menard-Thibault, la SARL ECB et la SARL JD Sols à leur verser la somme de 996 613,35 euros à titre de dommages-intérêts, et qu'il a mis à leur charge le versement à la société Socotec Construction de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête visée ci-dessus, la société ECB demande, à titre principal, la réformation de ce jugement en tant qu'il retient sa responsabilité. La SARL JD Sols demande également, par la voie de l'appel incident à l'encontre de la société ECB et par la voie de l'appel provoqué à l'encontre des autres intervenants, la réformation du jugement du tribunal administratif de Caen en tant qu'il retient sa responsabilité et le rejet de toute demande dirigée à son encontre, ou subsidiairement de condamner in solidum, sur le fondement délictuel pour les sociétés ECB, Socotec, Durand-Ménard-Thibault, et sur le fondement contractuel la société T2S, à la garantir de toute éventuelle condamnation la concernant au bénéfice des sociétés MMA IARD et MMA IARD Mutuelles Assurances. Par des conclusions d'appel provoqué les sociétés MMA-IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à voir condamner solidairement la société Socotec Construction à les indemniser.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal de la société ECB :

3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, d'une part, que les désordres, caractérisés par des désagrégations, fissurations ou décollements de nombreux carreaux et des dégradations de joints, sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs impliqués dès lors qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination, et d'autre part que l'origine des désordres affectant le revêtement de carrelage réside dans la mise en œuvre du complexe d'étanchéité par rapport à la chape et au revêtement lui-même, la chape de pose ayant été réalisée sur l'étanchéité et non en dessous, elle se trouve ainsi saturée en eau, ce qui entraine sa dégradation, la détérioration des joints et la fissuration des carreaux qui la recouvrent.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la société ECB, économiste de la construction, est intervenue pour l'établissement du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) des " lots architecturaux ", et la société JD Sols pour la réalisation des ouvrages de chape, étanchéité, carrelage, lesquels sont touchés par les désordres constatés. Ainsi, la société ECB a participé directement, par l'intermédiaire de l'élaboration du CCTP du lot n° 9, aux travaux à l'origine des désordres. Sa responsabilité pouvait dès lors être solidairement engagée, avec celle des autres constructeurs ayant participé aux mêmes travaux, sur le fondement de la garantie décennale que les constructeurs doivent au maître d'ouvrage, sans qu'elle puisse utilement invoquer la circonstance qu'elle n'aurait pas commis de faute dans la rédaction des prescriptions du CCTP. Sont de même inopérantes les circonstances, invoquées par l'appelante, selon lesquelles la SELARL Durand-Menard-Thibault a fait l'objet d'une liquidation close pour insuffisance d'actifs et la société T2S, sous-traitante de la société JD Sols, n'a pas été mise en cause par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Mutuelles.

6. Il résulte d'une part de l'article 01 " Chape et Garnissage " du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché du lot " n° 9 Revêtements scellés " du marché qu'est prévue la " réalisation d'une chape (de 3 cm d'épaisseur mini) en adhérence (...). La finition sera exécutée par un lissage soigné pour recevoir les carrelages en posé collé sur l'enduit d'étanchéité. (...) Localisation (...) Sur l'ensemble des plages. / Sur l'ensemble du fond du bassin sportif, bassins loisir, réception toboggan, pataugeoires. (...) " et d'autre part de l'article 02 " Etanchéité " du même document : " réalisation avant exécution des carrelages, d'un enduit d'étanchéité liquide constitué de (...). Localisation : 1) à l'intérieur des bassins sur radiers et parois (...) ".

7. La société ECB conteste la responsabilité que lui a attribuée le jugement attaqué dans la survenance des désordres qui ont affecté les carrelages de la piscine, leur étanchéité et leur solidité à hauteur de 5 % en sa qualité de membre de la maitrise d'œuvre en charge de la rédaction du CCTP du lot n° 9. Néanmoins, ainsi que le relève l'expert ce document comprend des ambiguïtés, voire des contradictions, qui ont été à l'origine de la pose qui s'est révélée inadaptée du dispositif d'étanchéité. Si le CCTP indique clairement que les carrelages seront fixés sur une chape à réaliser ensuite revêtue d'un enduit d'étanchéité, au-dessus de la structure des bassins, les stipulations citées propres à l'étanchéité mentionnent que l'enduit d'étanchéité sera réalisé sur les radiers et parois, donc sur la structure des bassins et sous la chape destinée à recevoir les carrelages. Il résulte du rapport d'expertise que cette incohérence a majoré les difficultés d'interprétation observées dès lors qu'à cette période il pouvait arriver que le dispositif d'étanchéité soit placé, dans certaines circonstances, sous la chape supportant les carrelages. Par suite, la société ECB, en charge de la conception du CCTP du lot n° 9 au titre de l'équipe de maitrise d'œuvre, n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne serait pas engagée en l'espèce.

8. En troisième lieu, la société ECB soutient subsidiairement que sa responsabilité doit être limitée à 5 % et sollicite la condamnation des autres constructeurs à la garantir à hauteur de 20 % pour la SELARL Durand Menard Thibault, 5% pour la société Socotec France et 70 % pour la SARL JD Sols. D'une part, les conclusions tendant à ce que la SELARL Durand Menard Thibault et la SARL JD Sols soient condamnées à garantir la société ECB à hauteur respectivement de 20 % et 70 % sont sans objet puisque les articles 3 et 4 du jugement attaqué prononcent déjà ces condamnations. Elles ne peuvent donc qu'être rejetées.

9. D'autre part, s'agissant de la société Socotec, aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article L. 111-24 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage dans la limite de la mission qui lui a été confiée.

10. Dans le cadre de la construction de la piscine de Vire, en vertu des articles 4.1 et 5.1 de la convention de contrôle technique signée le 5 mai 2000 entre la communauté de communes maître d'ouvrage et la société Socotec Construction, cette dernière s'est vu confier uniquement la mission " relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables " et celle " relative à la sécurité des personnes dans les constructions, applicables aux ERP et IGH ". En ce qui concerne la mission " L " relative à la solidité des ouvrages, l'article 1 des conditions spéciales, figurant parmi les pièces contractuelles énumérées à l'article 3 de la convention, précise que " Les aléas techniques à la prévention desquels le contrôle technique contribue au titre de la mission L sont ceux qui, découlant de défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des éléments d'équipement indissociables qui la constituent. ". Il résulte également de l'article 5.1 de la convention et de l'article 1 des conditions spéciales définissant l'objet de la " mission SEI relative à la sécurité des personnes dans les ERP et IGH " qu'en ce qui concerne la sécurité des personnes la prestation du contrôleur technique consistait en une vérification du respect des normes réglementaires de la sécurité incendie et de celles de la règlementation des immeubles de grande hauteur et des établissements recevant du public. De plus, l'article 3.6 des " conditions générales de contrôle technique ", intégrées à la convention, stipule que " Sur chantier, l'examen des ouvrages et éléments d'équipement est effectué sur les parties visibles et accessibles au moment de l'intervention de Socotec, qui ne procède à aucun démontage ou sondage destructif. ", et son article 3.9 que " Il n'appartient pas à Socotec de s'assurer que ses avis sont suivis d'effet et de prendre, ou de faire prendre, les mesures nécessaires pour la suppression des défectuosités signalées. ".

11. Il résulte de l'instruction, comme le mentionne en particulier l'expert page 50 de son rapport, que les désordres trouvent leur origine dans la réalisation des ouvrages, la chape de pose du carrelage réalisée sur l'étanchéité étant saturée en eau et se dégradant, de même que les joints des plages, ainsi que les carreaux qui se fissurent ou se décollent, et qu'enfin les joints des bassins, bien qu'étanches, ne peuvent empêcher l'eau de pénétrer dans la chape de pose. Par ailleurs, si l'expert indique également clairement que les désordres sont de nature à rendre le centre aquatique impropre à sa destination, il ne résulte pas de l'instruction que les éléments de sa solidité dont la vérification incombait au contrôleur technique s'en trouveraient significativement affectés. De même, la société appelante ne peut utilement invoquer la circonstance que les désordres seraient susceptibles d'affecter la " sécurité des usagers ", sans préciser en quoi cette situation serait imputable à la vérification du respect des normes règlementaires de sécurité relevant de la mission " SEI relative à la sécurité des personnes dans les ERP et IGH " prévue dans la convention de contrôle technique précitée. Il résulte ainsi de l'analyse de leur origine que les désordres constatés et décrits par l'expert ne sont en aucune manière imputables aux prestations incombant à la société Socotec Construction du fait des missions sus-décrites du contrôleur technique. Dans ces conditions, la société ECB n'est pas fondée à soutenir que les désordres de nature décennale à l'origine de sa condamnation par le jugement attaqué devaient également conduire à la condamnation de la société Socotec Construction du fait des éléments de la mission de contrôleur technique qui lui avait été contractuellement attribuée par la communauté de communes de Vire.

12. En dernier lieu, la société ECB n'est pas fondée, pour les motifs exposés au point précédent, à demander à être garantie de sa condamnation à hauteur de 5 % par la société Socotec Construction.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société ECB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen l'a condamnée solidairement avec les autres constructeurs en cause à verser aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles la somme de 996 613,35 euros, augmentée des intérêts et de leur capitalisation, ainsi que la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les conclusions d'appel provoqué des sociétés MMA IARD et MMA IARD Mutuelles Assurances :

14. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Mutuelles Assurances Mutuelles présentent des conclusions en réformation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Socotec Construction. Ces conclusions sont dirigées non contre l'appelante mais contre un autre intimé et s'analysent ainsi comme des conclusions d'appel provoqué. Or, ce qui est jugé sur l'appel principal n'aggrave pas la situation des sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles Assurances. Par suite, leurs conclusions d'appel provoqué ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables. En conséquence, leurs conclusions en réformation du jugement attaqué en tant qu'il les a condamnées au versement de 1 500 euros à la société Socotec Construction sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions d'appel provoqué de la société JD Sols :

15. La société JD Sols présente des conclusions en réformation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Socotec Construction et qu'il a retenu sa propre responsabilité. Elle demande également à titre subsidiaire à être garantie solidairement de toute éventuelle condamnation, qui ne pourrait alors excéder 50 %, par les sociétés ECB, Socotec Construction, Durand-Menard-Thibault et T2S. Cependant ces conclusions ne sont pas dirigées contre la seule appelante principale mais également contre d'autres intervenants et elles ne peuvent être regardées comme provoquées par l'appel principal dès lors que le présent arrêt ne modifie pas les parts de responsabilité des différents intervenants. Par suite, ces conclusions d'appel provoqué ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les dépens :

16. Si la société Socotec Construction demande que toute partie succombante soit condamnée aux entiers dépens, il résulte de l'instruction que les frais d'expertise judiciaire, taxés et liquidés pour un montant de 24 082,40 euros initialement acquitté par la communauté de communes de Vire, sont inclus, à hauteur de 50 %, dans la somme de 996 613,35 euros que les sociétés Durand-Menard-Thibault, ECB et JD Sols, parties perdantes en première instance comme en appel, ont été condamnées in solidum à verser aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles subrogées dans les droits de cette communauté de communes. Par suite, alors surtout que la subrogation au titre de laquelle ont agi les sociétés d'assurance dommages ouvrage ne s'étend pas à la partie des dépens non incluse dans la somme payée à leur assurée, il n'y a pas lieu de modifier cette répartition.

Sur les frais d'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société ECB. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, d'une part de mettre à la charge de la société ECB, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Socotec Construction et, d'autre part, de rejeter les conclusions présentées sur ce fondement par les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et JD Sols.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Economie et Coordination en Bâtiments (ECB) est rejetée.

Article 2 : La société ECB versera à la société Socotec Construction la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Economie et Coordination en Bâtiments (ECB), à la société MMA IARD et à la société MMA IARD Assurances Mutuelles, à la société JD Sols, à la société Durand-Menard-Thibault et à la société Socotec Construction.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02881
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-25;20nt02881 ?
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