Vu la procédure suivante :
I. Par une requête enregistrée le 18 décembre 2020 sous le n°20NT04011, et des mémoires enregistrés les 10 juin, 28 juillet et 15 septembre 2021 (ce dernier non communiqué), l'association Vents de panique 56, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), la commune de Moréac, M. K... C..., M. B... M..., M. E... D..., Mme N... A..., M. H... F..., M. I... G... et M. L... J..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet du Morbihan a délivré à la société d'exploitation du parc éolien Kervellin une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation de deux éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Moréac (Mobihan) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est recevable ; les requérants ont intérêt à agir et qualité pour agir contre la décision contestée ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision contestée ;
- l'étude d'impact comporte des insuffisances substantielles en ce qui concerne les effets acoustiques du projet et les capacités financières de l'exploitant ;
- la décision contestée méconnaît les articles L. 512-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, en ce qu'elle porte atteinte aux lieux de vie, sites et paysages environnants ; le projet présente un risque de mitage du territoire et de saturation visuelle ; il porte atteinte à la commodité du voisinage et à la santé ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme au regard des risques que présente le projet pour la faune présente sur le site ;
- le projet porte atteinte à la sécurité publique.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 avril, 13 juillet et 31 août 2021, la société d'exploitation du parc éolien Kervellin, représentée par Me Elfassi, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable ; aucun des requérants ne justifie d'un intérêt à agir contre la décision contestée ;
- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable ; ni les requérants personnes physiques ni la commune de Moréac ne justifient d'un intérêt à agir contre la décision contestée ;
- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par lettre enregistrée le 13 octobre 2021, l'association Vents de panique 56 a été désignée par son mandataire, Me Collet, représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.
II. Par une requête enregistrée le 20 septembre 2020 sous le n°21NT02627, et deux mémoires enregistrés les 24 janvier et 10 février 2022 (ces deux derniers non communiqués), l'association Vents de panique 56, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), la commune de Moréac, M. K... C..., M. B... M..., M. E... D..., Mme N... A..., M. H... F..., M. I... G... et M. L... J..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 mai 2021 par lequel le Préfet du Morbihan a modifié l'autorisation environnementale délivrée le 28 août 2020 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est recevable ; les requérants ont intérêt et qualité pour agir contre la décision contestée ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision contestée ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 181-14 du code de l'environnement ; en ce qu'il est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du même code, le projet aurait dû faire l'objet d'une nouvelle autorisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2021, la société d'exploitation du parc éolien Kervellin, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable ; aucun des requérants ne détient un intérêt à agir contre la décision contestée ;
- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable ; les requérants personnes physiques et la commune de Moréac ne justifient pas d'un intérêt à agir contre la décision contestée ;
- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par lettre enregistrée le 13 octobre 2021, l'association Vents de panique 56 a été désignée par son mandataire, Me Collet, représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frank,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Guen, représentant l'association Vents de panique 56 et autres, et de Me Surteauville substituant Me Elfassi, représentant la société d'exploitation du parc éolien Kervellin.
Une note en délibéré, enregistrée le 11 mars 2022, a été présentée pour l'association Vents de panique 56 et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 août 2020, le préfet du Morbihan a délivré à la société d'exploitation du parc éolien Kervellin une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation de deux éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Moréac. Par un arrêté du 21 mai 2021, le préfet du Morbihan a modifié l'autorisation délivrée le 28 août 2020 au titre de l'article L. 181-1-2° du code de l'environnement. Par deux requêtes distinctes l'association Vents de panique 56, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), la commune de Moréac, M. K... C..., M. B... M..., M. E... D..., Mme N... A..., M. H... F..., M. I... G... et M. L... J... demandent l'annulation de ces deux arrêtés.
2. Les deux requêtes de l'association vents de panique 56 et autres sont dirigées contre le même projet de parc éolien, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité de l'arrêté du 28 août 2020 :
En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :
3. Il résulte de l'instruction que par arrêté du 5 août 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 56-2019-56 du même jour, le préfet du Morbihan a donné à M. Guillaume Quenet, secrétaire général de la préfecture et signataire de la décision contestée, délégation à l'effet de signer en toutes matières, en cas d'absence ou d'empêchement, tous les actes relevant des attributions du préfet, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas ceux pris en matière de police de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne l'indication des capacités techniques et financières de la société pétitionnaire :
4. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " (...) I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ". Il résulte de ces dispositions que le dossier d'une demande d'autorisation déposée depuis le 1er mars 2017 ne doit plus comporter des indications précises et étayées sur les capacités financières exigées par l'article L. 181-27 mais seulement une présentation des modalités prévues pour établir ces capacités, si elles ne sont pas encore constituées.
5. En l'espèce, le dossier de demande d'autorisation indique que la société d'exploitation du parc éolien Kervellin est une société dédiée au développement de projets d'énergie renouvelable appartenant à la société Enercon IPP Gmbh, elle-même détenue par le groupe UEE Holding, un des leaders mondiaux en matière d'énergies renouvelables, dont le chiffre d'affaires est de 4,9 milliards d'euros en 2014, qui dispose d'un certificat d'évaluation avec la note AA- attribué par la société d'assurance-crédit Euler Hermes. Le document précise par ailleurs que le coût du projet, estimé à 10 080 000 euros, est financé par les fonds propres de la société pétitionnaire et de son groupe, à hauteur de 20%, et par l'emprunt bancaire à hauteur de 80%, et que " le financement de l'opération est conditionné à l'obtention des autorisations par la société de projet et que la société pétitionnaire ne peut donc justifier au moment du dépôt de la demande, de l'engagement financier ferme d'un établissement bancaire. (...) Si à terme un financement bancaire n'est pas conclu au moment de la construction du projet éolien Kervellin, la Société Enercon IPP GmbH société-mère de la SEPE Kervellin s'engage à procurer à celle-ci les capitaux nécessaires à la construction, à la mise en service, à l'exploitation et à la cessation du parc éolien ". Cet engagement a au demeurant été confirmé par la société Vierundzwanzigste Komponentenfertigung GmbH, qui détient aujourd'hui la société exposante, elle-même détenue par la société Enercon Windpark Holding GmbH, société de droit allemand au capital de 100 000 000 d'euros, ainsi qu'il résulte du porter à connaissance déposé par la société pétitionnaire le 25 mars 2021. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la demande d'autorisation aurait insuffisamment décrit les capacités financières du porteur du projet doit être écarté.
En ce qui concerne la description des effets acoustiques du projet au sein de l'étude d'impact :
6. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) III. L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact " (...) / L'évaluation environnementale permet de décrire et d'apprécier de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d'un projet sur les facteurs suivants : 1° La population et la santé humaine (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine (...) ".
7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative.
8. D'une part, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact comporte en annexe une étude acoustique réalisée par un bureau d'études spécialisé (Echopsy), finalisée le 24 juillet 2019. Cette étude a pris en compte neuf points de mesure sur le territoire des communes d'Evellys, Réguiny et Moréac, choisis en fonction de leur exposition sonore vis-à-vis des éoliennes, des orientations de vent dominant et de la topographie de la végétation, ainsi que sept points de mesure complémentaires ayant donné lieu à des résultats obtenus par extrapolation, du fait notamment du refus des habitants de certains hameaux d'accueillir les instruments d'étude et de mesure. Il ne résulte pas de l'instruction que les points de mesure seraient insuffisants et auraient été placés par le bureau d'études à des endroits de nature à surévaluer le bruit ambiant et donc à atténuer l'émergence sonore, les points de relevés ayant été répartis de manière à prendre en compte les habitations situées autour du projet, dans un environnement caractérisé par une urbanisation diffuse.
9. D'autre part, si les requérants soutiennent que les mesures réalisées par extrapolation ne sont pas représentatives, ils n'établissent pas la réalité de leurs allégations en se bornant à chiffrer l'émergence sonore du projet en application de formules mathématiques dont la méthodologie n'est au demeurant pas expliquée. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude acoustique n'aurait pas été réalisée avec des classes de conditions homogènes, les mesures ayant été traitées dans un laps de temps continu, par période de la journée, puis par directions et vitesses du vent.
10. Enfin, la circonstance que le bureau d'études aurait refusé de prendre en considération les situations présentant un bruit inférieur à 35 db, alors qu'il n'est pas contesté que la réglementation ne l'impose pas, n'est pas de nature à rendre insincère l'étude acoustique produite, et n'a pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et de l'administration. En tout état de cause, la société pétitionnaire a pris en compte les observations formulées à l'issue de l'enquête publique en appliquant un nouveau calcul des émergences pour les situations présentant un bruit ambiant supérieur à 30 db, dont le résultat a été communiqué à l'administration.
11. Par suite, et en dépit de ce que l'avis émis par l'Agence régionale de santé (ARS) comporte des réserves s'agissant de l'étude acoustique, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette étude, annexée à l'étude d'impact, serait insuffisante, inexacte ou insincère, et aurait ainsi faussé l'appréciation de l'administration.
En ce qui concerne les impacts du projet :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il statue sur une demande d'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, il appartient au préfet de s'assurer que le projet ne méconnaît pas l'exigence de protection de la nature et des paysages, prévue par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
13. D'une part, le projet litigieux consiste en l'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Moréac, au nord de son centre-bourg. La commune de Moréac se situe à environ 30 km au nord de Vannes, à proximité des vallées de l'Oust et de l'Evel. L'aire d'implantation, située majoritairement sur le plateau de Pontivy-Loudéac et constituée de plaines vallonnées cultivées et de boisements, ne présente pas d'intérêt environnemental ou paysager significatif. Le lieu d'implantation ne figure pas parmi les paysages emblématiques du Morbihan répertoriés par l'atlas des paysages de ce département, ne se situe pas dans un site inscrit ou classé, ni dans un parc naturel, et n'est concerné par aucun périmètre de protection des monuments historiques.
14. D'autre part, le projet prévoit l'installation de deux éoliennes et d'un poste de livraison, dont les pales atteindront une hauteur totale de 180 mètres, d'une puissance maximale de 7 MW.
15. S'agissant des effets sur la commodité du voisinage, il résulte de l'instruction que, de manière générale, les hameaux qui composent l'aire immédiate sont peu habités et présentent des vues partiellement ouvertes sur le paysage alentour. L'impact visuel des éoliennes, qui est notable, est maîtrisé par le choix de leur implantation. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les éoliennes autorisées par l'arrêté attaqué, n'emporteront pas " un effet d'écrasement " sur les maisons d'habitation les plus proches, qui n'ont pour la plupart qu'une vue partielle sur le projet en raison de la présence de végétation, et sont implantées à une distance de plus de 500 mètres du parc, respectant sur ce point les dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement, qui reprennent celles de l'article L. 553-1 du code de l'environnement. Par ailleurs les nuisances sonores du projet sont soumises au respect des normes réglementaires en vigueur. Les articles II-5 et II-6-2 de l'arrêté litigieux imposent à l'exploitant la mise en place d'un plan de gestion acoustique spécifique, complété pour prendre en compte l'intégration des situations présentant un bruit ambiant supérieur à 30 db. Durant la première année de mise en service, une campagne de mesures de suivi des niveaux acoustiques sera réalisée pour vérifier le respect des dispositions réglementaires, après information de la DREAL Bretagne, en périodes automnale et hivernale, afin de prendre en compte de l'absence de feuilles, diurne et nocturne, sous conditions météorologiques favorables, ce suivi acoustique étant reconduit après trois années, puis après dix années. L'article II-7 de l'autorisation prescrit également que des actions correctives doivent, dans le cas de dépassement des seuils d'émergence réglementaires en termes de bruit, être engagées par l'exploitant, sous le contrôle de l'inspection des installations classées.
16. S'agissant de l'atteinte portée au paysage, il résulte de l'instruction que, dans le périmètre intermédiaire ou éloigné du parc envisagé, le projet s'inscrit au sein de parcs composés de 43 éoliennes dans un rayon de 10 kilomètres, et de 64 éoliennes dans un rayon de 17 kilomètres. Le faible relief rendra les éoliennes projetées fréquemment visibles depuis les points de vue lointains. Toutefois, l'impact paysager sera limité par l'absence de rupture d'échelle, la dissimulation fréquente des mats derrière des espaces boisés et la préexistence de plusieurs éoliennes, dont certaines se superposeront avec celles projetées. La distance entre les différents parcs, le léger relief et la présence régulière d'espaces boisés ou de bosquets atténueront la fréquence et l'étendue de cette covisibilité, offrant des espaces de respiration et des coupures visuelles. L'inspecteur des installations classées a ainsi retenu que " l'impact cumulé sur le paysage du fait de la préexistence d'autres parcs a été analysé : La présence d'un large espace libre d'éoliennes vers l'ouest restreint le pourcentage de la vue occupé par l'éolien et évite la saturation du paysage, son insertion est favorisée par le relief vallonné et la présence arborée ". Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le parc litigieux génèrera, par ses effets cumulés à ceux des parcs existants, une saturation visuelle du paysage par les éoliennes ou une perception d'encerclement par ces dernières. Par ailleurs, compte-tenu de sa relative proximité avec d'autres parcs, il ne résulte pas de l'instruction que l'implantation du parc de Kervellin favorisera le mitage du paysage éolien.
17. S'agissant des effets du projet sur les chiroptères, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact et du rapport de l'inspection des installations classées, qu'onze espèces différentes de chiroptères ont été recensées à proximité du lieu d'implantation du projet et que l'intérêt patrimonial de trois d'entre elle, la pipistrelle de Nathsius, la barbastelle d'Europe et le grand rhinolophe, présentent des niveaux d'enjeu de conservation de fort à très fort. Toutefois, les recherches poursuivies n'ont pas permis d'identifier de gîtes favorables anthropiques ou arboricoles. La destruction de portions de haies sur un corridor emprunté par des espèces de haut vol engendrera un impact faible. Le risque de collision avec les pales des éoliennes a également été estimé comme faible. Dans ces conditions, le risque anticipé n'apparaît pas significatif et ne semble pas susceptible de remettre en cause le bon accomplissement du cycle des espèces ni leur dynamique. La société pétitionnaire se prévaut en outre d'un plan de suivi environnemental, prévu par l'article II-6 de l'autorisation litigieuse, incluant une évaluation de la fréquentation des abords du parc éolien par les chiroptères dès la première année de fonctionnement du parc, pendant les trois premières années, puis tous les dix ans, de même qu'une évaluation de l'impact réel des éoliennes sur la mortalité des chiroptères aux mêmes échéances, impliquant la production régulière d'un bilan de ces suivis. Compte tenu du caractère limité du projet, il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures ne seraient pas suffisantes pour assurer la protection de l'environnement naturel.
18. S'agissant des risques pour la santé et la sécurité publiques, il ne résulte pas de l'instruction, d'une part, et ainsi qu'il a été dit au point 15, que les normes en matière de nuisances sonores, auxquelles le projet est soumis dans le cadre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, seraient insuffisantes. D'autre part la circonstance que les éoliennes soient implantées à proximité de chemins ruraux et de la route départementale 17, dans un secteur exposé à des vents importants, n'implique pas nécessairement pour la sécurité publique un risque lié à une rupture des pales. En se bornant à soutenir que l'étude d'impact évoque l'éventualité de projections de pale, les requérants n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause l'analyse des risques du projet en litige lors des phases d'installation et de maintenance, notamment en ce qui concerne la circulation routière. En outre, si l'exploitation d'éoliennes présente toujours un faible risque, d'occurrence exceptionnelle, de bris partiel ou total d'une pale susceptibles d'occasionner une projection, il ressort de l'instruction que les habitations les plus proches sont situées à plus de 500 mètres des éoliennes en cause, et que le secteur d'implantation des installations est assez peu fréquenté.
19. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à la consistance du projet, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées des articles L 181-3 et L 511-1 du code de l'environnement en délivrant l'autorisation environnementale attaquée.
20. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement. ".
21. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 17, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'autorisation délivrée par le préfet du Morbihan aurait méconnu ces dispositions en raison des effets du projet sur les chiroptères.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 mai 2021 :
22. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué, M. Guillaume Quenet, doit être écarté comme manquant en fait pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 3 du présent arrêt..
23. En second lieu, aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18 et R. 181-21 à R. 181-32 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45. ". Aux termes de l'article R. 181-46 du code de l'environnement : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. (...) ".
24. Il résulte de l'instruction que le 26 mars 2021, la société d'exploitation du parc éolien Kervellin a porté à la connaissance du préfet du Morbihan les modifications du projet de parc éolien autorisé par l'arrêté du 28 août 2020. Par un arrêté du 21 mai 2021, le préfet du Morbihan a modifié l'autorisation délivrée. Ces modifications, qui s'expliquent par les évolutions techniques intervenues depuis l'origine du projet en 2018, consistent en un changement du type d'éolienne utilisée (E- 138 EP3 E2), d'une puissance unitaire de 3 MW, les dimensions des nouvelles machines étant identiques à celles initialement prévues. Ce changement emportera un élargissement du diamètre des fondations de 80 centimètres, l'augmentation de 105 m2 de la surface totale d'emprise des plateformes de grutage, le décalage du chemin d'accès à l'éolienne E2 de 17,5 mètres vers le nord et la suppression de la coupe de 20 mètres de haies sur la parcelle ZA 18. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'inspection des installations classées du 5 mai 2021 et de la mise à jour de l'étude acoustique, dont les résultats ne sont pas sérieusement contestés, que ces modifications n'ont pour effet, ni d'aggraver l'impact visuel et sonore du projet initial autorisé dans les espaces proches, ni d'augmenter ses impacts sur l'environnement. Ces modifications ne sont dès lors pas de nature, alors au surplus que les mesures de suivi préconisées par l'arrêté initial sont intégralement maintenues, à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 code de l'environnement auquel renvoie l'article L 181-3 du même code. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ces modifications présenteraient un caractère substantiel au sens de l'article R. 181-46 du code de l'environnement doit être écarté.
25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à ces conclusions, que l'association Vents de panique 56 et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Finistère des 28 août 2020 et 12 mai 2021.
Sur les frais liés au litige :
26. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par l'association Vents de panique 56 et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
27. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Vents de panique 56 et autres, le versement d'une somme à la société d'exploitation du parc éolien Kervellin au titre des mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de l'association Vents de panique 56 et autres sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société d'exploitation du parc éolien Kervellin au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vents de panique 56, représentant unique, à la société d'exploitation du parc éolien Kervellin et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 20NT04011, 21NT02627