Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 février 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'armée de terre a refusé de faire droit à sa demande tendant à la modification de sa situation administrative et des décisions des 21 juin et 19 juillet 2017 de la ministre des armées rejetant son recours gracieux.
Par un jugement nos 1703673, 1802596 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés, les 18 août 2020 et 5 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 juin 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 19 juillet 2017, la décision implicite rejetant sa demande dirigée contre la décision du 16 février 2017 ainsi que cette décision ;
3°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 20 avril 2018, la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire présentée le 14 août 2017, ainsi que cette décision ;
4°) d'enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, à la ministre des armées de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en vertu des dispositions des alinéas 9 et 10 de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984, il avait droit au maintien d'un indice de rémunération au moins égal à l'indice détenu dans son corps de détachement, en l'occurrence l'indice brut 750 ;
- les dispositions des articles L. 4138-8 et L. 4138-9 du code de la
défense, qui ne prévoient pas de telles conditions de réintégration, sont constitutives d'une discrimination à l'encontre des militaires et méconnaissent les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 14 de cette convention ;
- si l'article 3 de la loi du 3 août 2009 prévoyait que les corps militaires étaient accessibles par la voie du détachement aux fonctionnaires de l'Etat, le décret en Conseil d'Etat qui devait préciser les modalités d'application de cet article n'est pas intervenu ; la responsabilité de l'Etat est engagée à raison de cette carence fautive ;
- son manque à gagner s'élève à la somme de 14 400 euros ;
- son préjudice moral sera évalué à 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment l'article 1er du protocole additionnel à cette convention ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 ;
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., officier de carrière dans l'armée de terre, a été détaché auprès du ministère de l'éducation nationale du 1er juillet 2014 au 1er août 2016. Au 1er juillet 2016, il a été promu au 13ème échelon du grade d'ingénieur de 2ème classe et rémunéré sur la base de l'indice brut (IB) 750. Lors de sa réintégration au ministère de la défense, le 1er août 2016, le calcul de sa rémunération a été effectué à partir de l'IB 706. Le 10 décembre 2016, M. A... a demandé au ministre de la défense de régulariser sa situation. Par une décision du 16 février 2017, le ministre a rejeté sa demande. Le 17 février 2017, l'intéressé a saisi la commission de recours des militaires (CRM) d'un recours administratif préalable obligatoire. Une décision implicite de rejet est intervenue. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions. Il a également contesté devant ce tribunal la décision du 19 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a expressément rejeté sa demande. Par ailleurs, le 14 août 2017, M. A... a présenté une réclamation préalable auprès de la ministre des armées, qui a rejeté sa demande le 5 octobre 2017. L'intéressé a saisi la CRM le 5 décembre 2017. Une décision implicite est intervenue, laquelle a été confirmée par une décision explicite du 20 avril 2018. L'intéressé a contesté l'ensemble de ces décisions devant le tribunal administratif de Rennes. Il relève appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté ces deux recours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions d'appel dirigées contre la décision du 16 février 2017 et la décision implicite de rejet :
2. L'institution par les dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge. Par suite, les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2017 sont irrecevables et doivent être rejetées. Par ailleurs, la décision ministérielle du 19 juillet 2017 arrêtant définitivement, après avis de la commission, la position de l'administration, s'est entièrement substituée à la décision implicite intervenue antérieurement. Ainsi, les conclusions du requérant tendant à l'annulation de cette décision sont irrecevables et doivent, également, être rejetées.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 19 juillet 2017 :
3. Aux termes de l'article 3 de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, codifié à l'article L. 4132-13 du code de la défense : " Tous les corps militaires sont accessibles par la voie du détachement suivi, le cas échéant, d'une intégration, aux fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, nonobstant l'absence de disposition ou toute disposition contraire prévue par les statuts particuliers de ces corps (...) Les modalités d'application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes des alinéas 9 et 10 de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, issus de l'article 5-I de la loi du 3 août 2009 : " A l'expiration de son détachement, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, réintégré dans son corps d'origine (...) Il est tenu compte, lors de sa réintégration, du grade et de l'échelon qu'il a atteints (...) dans le corps ou cadre d'emplois de détachement sous réserve qu'ils lui soient plus favorables. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4138-8 du code de la défense : " Le détachement est la position du militaire placé hors de son corps d'origine. Dans cette position, le militaire continue à figurer sur la liste d'ancienneté de son corps et à bénéficier des droits à l'avancement et à pension de retraite. Les conditions d'affiliation au régime de retraite sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) Le militaire détaché est soumis à l'ensemble des règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, à l'exception de toute disposition prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière. (...) Le militaire détaché dans un corps ou un cadre d'emplois civil conserve l'état militaire et demeure par conséquent soumis aux articles L. 4121-1 à L. 4121-5. Toutefois, le militaire détaché peut, en application du statut particulier de son corps d'origine, se voir appliquer les dispositions dont relèvent les fonctionnaires du corps ou cadre d'emplois d'accueil (...) ".
5. M. A... se prévaut des dispositions précitées des alinéas 9 et 10 de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984, pour soutenir qu'il avait droit au maintien d'un indice de rémunération au moins égal à l'indice détenu dans son corps de détachement, en l'occurrence l'indice brut 750. Il est toutefois constant que ces dispositions ne sont pas applicables aux militaires. En outre, l'article L. 4138-8 du code de la défense ne prévoit pas qu'un militaire lors de sa réintégration conserve l'échelon atteint dans son corps de détachement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
6. Le retard mis à prendre, au-delà d'un délai raisonnable, un décret nécessaire à l'application d'une loi est en principe, de nature à ouvrir droit à réparation. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées issues des articles 3 et 5-I de la loi du 3 août 2009.
7. Par ailleurs, dans sa décision n° 416190 du 3 octobre 2018 le conseil d'Etat a jugé, sur recours de M. A..., qu'aucune autre disposition législative n'imposait à l'Etat d'aligner les conditions de réintégration après détachement entre les fonctions publiques civiles et militaire. Le principe d'égalité de traitement ne s'oppose pas en effet à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon distincte des situations différentes. Le Conseil d'Etat a par ailleurs expressément écarté les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en jugeant que le classement indiciaire d'un militaire dans son corps de détachement ne pouvait être assimilé à un bien au sens de ces stipulations. Par suite, le requérant n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance de ce principe et de ces stipulations à l'appui de ces conclusions indemnitaires.
8. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en ne prenant pas le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 3 de cette loi, dans un délai raisonnable, l'Etat aurait à son égard commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes. Les conclusions présentées en appel par l'intéressé, tendant aux mêmes fins, ainsi que ces conclusions d'injonction ne peuvent qu'être rejetées pour les mêmes motifs.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 25 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2022.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02536