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11/03/2022 | FRANCE | N°21NT00835

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 11 mars 2022, 21NT00835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler notamment l'arrêté du 16 février 2021 du préfet du Finistère l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100870 du 23 février 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire e

nregistrée le 23 mars 2021 et 17 février 2022, M. A..., représenté par Me Le Crane, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler notamment l'arrêté du 16 février 2021 du préfet du Finistère l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100870 du 23 février 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrée le 23 mars 2021 et 17 février 2022, M. A..., représenté par Me Le Crane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 23 février 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 16 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère d'examiner sa demande de titre de séjour en qualité de salarié dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions des articles 230-8 et R 40-29 du code de procédure pénale ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreurs de fait ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an le prive de la possibilité d'exercer son activité professionnelle dans un autre Etat de l'espace Schengen, alors qu'il a précédemment travaillé en Espagne.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2021, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 230-8 et R 40-29 du code de procédure pénale n'est pas fondé et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

le code de procédure pénale ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 4 janvier 1980, est entré en France en 2014 sous couvert d'un visa de long séjour à entrées multiples valable du 27 mars 2014 au 24 février 2015, avant de se voir délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de travailleur temporaire valable jusqu'au 11 juillet 2015. A la suite de son mariage avec une ressortissante française le 4 janvier 2016, l'intéressé a obtenu un visa de long séjour valable du 29 février 2016 au 28 février 2017, valant titre de séjour, puis une carte de séjour pluriannuelle valable du 28 février 2017 au 27 février 2019. Par un arrêté du 16 mars 2020, le préfet du Finistère a rejeté la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par M. A... et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d'annulation dirigée contre cet arrêté. A la suite d'une retenue administrative dont il fait l'objet le 16 février 2021, le préfet du Finistère a, par arrêté du même jour, obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 23 février 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'existence de procédures judiciaires concernant M. A... entre 2016 et 2020 est mentionnée dans un rapport administratif du 7 février 2020 ainsi que dans un courriel du 11 mars 2020 adressés par les services de gendarmerie de Pont-L'Abbé au préfet du Finistère et figure également dans l'arrêté portant refus de titre de séjour et mesure d'éloignement dont l'intéressé a fait l'objet le 16 mars 2020. Par suite, le requérant n'établit pas que la mention que comporte l'arrêté contesté du 16 février 2021, selon laquelle il serait " défavorablement connu des services de gendarmerie " sur la période considérée résulterait d'une consultation des données à caractère personnel le concernant figurant dans le traitement des antécédents judiciaires effectuée en méconnaissance des dispositions des articles 230-8 et R 40-29 du code de procédure pénale.

3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ".

4. Si M. A... se prévaut de son mariage avec une ressortissante française en 2016, mère de quatre enfants issus d'une précédente union, il ressort toutefois des pièces du dossier que, outre une rupture de la vie commune admise par l'intéressé entre novembre 2017 et juin 2018, les époux n'ont pas de domicile commun depuis cette période, sans qu'il soit établi que cette absence de cohabitation résulterait des seules nécessités professionnelles invoquées par le requérant. En outre, les services de gendarmerie sont intervenus par deux fois au moins, en mai 2019 et mars 2020, au domicile de l'épouse de M. A..., pour des faits de menaces et de violence, l'intéressé ayant d'ailleurs été condamné à ce titre à une peine d'amende par le tribunal correctionnel de Quimper au mois de décembre 2021. Les déclarations fluctuantes des époux qui ont notamment fait état de reprises épisodiques de la communauté de vie au cours de la période 2018-2020, d'une intention de l'épouse de solliciter le divorce ou, à l'inverse, d'une intention non concrétisée d'emménager dans un domicile commun, ainsi que les justificatifs produits par le requérant, qui déclare séparément ses revenus et ne contribue que de façon aléatoire aux charges familiales, selon son épouse, ne permettent pas d'établir l'existence d'une communauté de vie stable et continue à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été pris en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le préfet du Finistère n'a pas entaché son arrêté d'erreur de fait en se fondant sur une absence de communauté de vie entre le requérant et son épouse. Il y a également lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, le moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet en relevant que le requérant n'était titulaire d'aucun titre de séjour et ne justifiait pas avoir entrepris de démarches en vue de régulariser sa situation. Au surplus et à la supposer établie, cette erreur de fait serait restée sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger lorsque la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour a été refusé et qu'à la date de cette décision il est constant que le requérant avait fait l'objet d'un refus de délivrance de titre de séjour le 16 mars 2020.

6. M. A... se prévaut de sa présence en France depuis 2014, de son mariage en 2016 avec une ressortissante française et de son insertion professionnelle en qualité de marin pêcheur. Toutefois, alors que l'intéressé ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 4, d'une communauté de vie stable et continue avec son épouse, il ressort également des pièces du dossier qu'en dépit de son investissement reconnu dans son activité professionnelle, il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 16 mars 2020, à laquelle il n'a pas déféré, ainsi que d'une condamnation judiciaire pour des violences commises dans un cadre conjugal. Le requérant ne justifie pas de liens d'une particulière intensité en France et n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de son existence et où résident notamment ses frères et sœurs. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. A..., l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

7. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 en ce qui concerne l'absence d'obstacle à la reconstitution dans son pays d'origine de la cellule familiale de M. A..., lequel se borne à faire état, sans autre précision, de contraintes de déplacement liées à la situation sanitaire, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. Si M. A... soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an fait également obstacle à son séjour dans tout état de l'espace Schengen et à ce qu'il exerce ainsi son activité de marin-pêcheur sur le territoire espagnol, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de sa situation telle qu'exposée aux points 3 et 5, qu'en prenant cette décision, le préfet d'Indre-et-Loire aurait fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 11 mars 2022.

La rapporteure,

C. Brisson

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT008352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00835
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE CRANE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-11;21nt00835 ?
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