Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2101534 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 octobre 2021, M. B..., représenté par
Me Tremouilles, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 juin 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 18 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé le préfet et les premiers juges, il a suffisamment justifié de son état-civil ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2021, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le jugement attaqué n'est pas entaché de contradiction dans ses motifs et que le requérant ne justifie pas de son état civil et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- et les observations de M. B...
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien se disant né le 20 juin 2000, est entré irrégulièrement en France le 20 septembre 2016, selon ses déclarations. Après avoir été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du Finistère en qualité de mineur isolé par une ordonnance de placement provisoire par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pointoise du 21 octobre 2016 puis un jugement du 12 avril 2017 du juge des enfants près le tribunal de grande instance de Brest, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 3 octobre 2018. Par arrêté du 18 juin 2020, le préfet du Finistère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., pour justifier de son identité, a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un extrait de la minute d'un jugement supplétif du tribunal civil de Diéma (Mali) daté du 15 septembre 2017, ainsi qu'un extrait d'acte de naissance établi le 27 septembre suivant par transcription de ce jugement, faisant état de sa naissance le 20 juin 2002. L'authenticité de cet extrait d'acte de naissance, dont M. B... reconnaît lui-même qu'il a commis, en s'en prévalant, une " erreur de jeunesse ", a été remise en cause par les services de la direction zonale de la police aux frontières, en raison notamment de sa non-concordance avec un autre extrait d'acte de naissance, également produit par l'intéressé, le déclarant né le 20 juin 2000 et établi à cette même date sous le n° 99CRL. Cet acte a été qualifié d'authentique par les mêmes services de la police aux frontières. M. B... a également produit les copies d'un passeport établi le 13 mars 2020 par la direction de la police aux frontières de Bamako (Mali) et d'une carte consulaire délivrée le 26 février 2020 par les autorités consulaires maliennes à Paris, mentionnant la naissance de l'intéressé à la date du 20 juin 2000. Devant le juge d'appel, le requérant produit, en outre, l'extrait de la minute d'un nouveau jugement supplétif n° 2386 du 2 juillet 2021 et un extrait d'acte de naissance issu de sa transcription le 8 juillet suivant, portant le n° 303 Reg 6 et confirmant sa naissance à la date du 20 juin 2000. Dans ces circonstances, au vu de l'ensemble des pièces au dossier et alors que le préfet ne conteste pas sérieusement l'authenticité de ces derniers actes, M. B... doit être regardé comme justifiant de son
état-civil et de son âge.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
6. M. B... se prévaut d'une présence de quatre années sur le territoire français, de son intégration par le biais de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, de sa progression scolaire qui lui a permis d'obtenir un bac professionnel en juin 2021, postérieurement à l'arrêté contesté, et d'envisager la préparation d'un brevet de technicien supérieur en alternance, ainsi que des liens qu'il a tissés notamment dans le cadre scolaire et auprès de sa famille d'accueil. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne justifie ni de liens particulièrement intenses sur le territoire français ni être dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de son existence et où résident notamment ses parents qui ont organisé sa venue en France. Le requérant, dont l'entrée irrégulière en France est relativement récente, hébergé par un tiers, ne justifie pas davantage d'une autonomie dans ses conditions d'existence. Dans ces conditions, en dépit des efforts d'intégration déployés par M. B... et de sa réussite scolaire, l'arrêté contesté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet du Finistère n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il ressort des pièces du dossier que, s'il n'avait retenu que ce second motif tiré de ce que M. B... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", le préfet du Finistère aurait pris le même arrêté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. L'hirondel, premier conseiller ;
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 25 février 2022.
Le conseiller le plus ancien,
M. L'hirondel
La présidente - rapporteure,
C. Brisson
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT028932