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15/02/2022 | FRANCE | N°20NT02685

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 février 2022, 20NT02685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle.

Par un jugement n° 1900609 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

27 août 2020 M. A..., représenté par Me Berthelot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle.

Par un jugement n° 1900609 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2020 M. A..., représenté par Me Berthelot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas résident fiscal français au sens de l'article 4 A du code général des impôts ;

- il se prévaut du 2 de l'article 4 de la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal, notamment des troisième et quatrième critères prévus par la convention ; le centre de ses intérêts vitaux se situe au Portugal ;

- ne sont pas soumises à l'obligation de déclarer les comptes ouverts à l'étranger les personnes physiques non résidentes fiscales en France ;

- l'administration doit préalablement mettre le contribuable en mesure de prouver que les sommes ne sont pas imposables au titre de l'article 1649 A du code général des impôts, alors qu'en l'espèce aucune mise en demeure n'a été adressée par le service.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité portugaise, exerce la profession de commerçant au sein d'une entreprise individuelle qui exploite deux établissements de restauration à

Lamotte-Beuvron et Cour-Cheverny. Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité et des montants de bénéfices industriels et commerciaux supplémentaires ont été intégrés dans les revenus imposables du requérant par une proposition de rectification du

28 juillet 2017, au titre des exercices clos en 2014 et 2015. Ces impositions font l'objet d'une autre instance. M. A... a également fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au terme duquel des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales ont été mises à sa charge, au titre des mêmes années, par une proposition de rectification du 13 décembre 2017. M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales. Par un jugement du

1er juillet 2020, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur le principe de l'imposition en France :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer

- en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne l'application du droit interne :

3. L'article 4 A du code général des impôts dispose que : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que M. A... habite une maison située 74 rue Nationale à Cour-Cheverny, en France, adresse à laquelle il a déposé spontanément ses déclarations professionnelles et ses déclarations d'ensemble des revenus depuis une quinzaine d'années.

Il exploite l'entreprise individuelle de restauration " La Pergola ", qui gère deux

bars-restaurants à Cour-Cheverny et Lamotte-Beuvron. L'administration fait valoir sans être contredite que l'examen des comptes bancaires du requérant fait état de prélèvements mensuels de téléphonie et d'accès internet par l'opérateur SFR, ainsi que de prélèvements effectués par un prestataire à domicile, ce qui témoigne d'une occupation pérenne du logement situé à Cour-Cherverny. M. A... est propriétaire de deux véhicules immatriculés en France, dont l'un est mis à la disposition de l'entreprise " La Pergola ". Il a indiqué, dans ses déclarations fiscales, être célibataire. S'il soutient désormais qu'il vit, la majeure partie de l'année, au Portugal avec sa compagne, Mme B..., à l'adresse de la société Locoinlameiro, qui exploite un complexe de loisirs et dont il est le dirigeant, les factures produites, au seul nom de cette société, ne l'établissent pas. En outre, l'extrait K-bis de la même société mentionne que M. A... et Mme B... vivent à deux adresses différentes. Enfin, si le contribuable soutient qu'il séjourne sur le territoire portugais plus de six mois par an, les tickets de carte bleue produits, dont le lien avec ses relevés bancaires personnels n'est pas établi, ainsi que les relevés de péages autoroutiers, s'ils peuvent attester de la fréquence de déplacements entre la France et le Portugal, ne sauraient constituer des preuves de sa présence durable au Portugal et a fortiori, de l'existence de son foyer au Portugal. Les circonstances que M. A... est de nationalité portugaise, qu'il est titulaire d'un permis de conduire portugais, que la plupart de ses frères et sœurs résident au Portugal et que l'intéressé y possède plusieurs biens immobiliers pour lesquels il a acquitté l'impôt foncier au titre des années 2012 à 2017 sont sans incidence. Dès lors, M. A... devait être regardé, en 2014 et 2015, comme ayant son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A du code général des impôts.

En ce qui concerne l'application de la convention fiscale du 14 janvier 1971 :

5. Aux termes de l'article 4 de la convention franco-portugaise du 14 janvier 1971 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un État contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des États contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : / a. Cette personne est considérée comme résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des États contractants, elle est considérée comme résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; / b. Si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États contractants, elle est considérée comme résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle ; / c. Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des États contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'État contractant dont elle possède la nationalité (...). ". L'expression " résident d'un Etat contractant " ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située, et l'assujettissement à un impôt dans un Etat ne suffit pas à démontrer que le contribuable serait assujetti dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence ou d'un lien personnel analogue et non en raison de la seule existence de revenus trouvant leur source dans cet Etat.

6. M. A... a produit un certificat émanant de l'administration fiscale portugaise, indiquant que l'intéressé n'avait pas à déposer de déclaration pour l'impôt sur le revenu se rapportant aux années 2013 à 2016. Le requérant soutient également, en produisant des documents en langue portugaise non traduits, qu'il a payé des impôts fonciers au Portugal pour des biens immobiliers situés au Portugal. Cependant, s'il indique que ces impôts fonciers ne sont exigibles que lorsque leur propriétaire est résident fiscal portugais, de sorte qu'étant résident fiscal au Portugal il ne pourrait être résident fiscal en France, il ne l'établit pas.

En outre, en l'absence de précision sur l'affectation des biens immobiliers concernés, ces éléments ne suffisent pas à établir que le requérant aurait, avec le Portugal, un lien personnel caractérisant la qualité de résident au sens de la convention précitée. Ainsi, M. A... ne peut être regardé comme résident fiscal portugais au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 4 de la convention franco-portugaise du 14 janvier 1971.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

7. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ".

8. A l'occasion de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. A..., le service vérificateur a constaté l'existence de flux financiers en provenance ou à destination de deux comptes bancaires personnels ouverts par M. A... au Portugal et non déclarés à l'administration française. Les sommes figurant sur ces comptes ont donc été regardées comme constituant, en l'absence de preuve contraire, des revenus imposables entre les mains du requérant, pour les montants de 47 100 euros au titre de 2014 et de 59 300 euros en 2015. Il résulte de l'instruction que l'administration a utilisé la procédure de rectification contradictoire. Ainsi, la proposition de rectification du 13 décembre 2017 a mis le requérant en mesure de fournir des informations justifiant que la présomption de revenus imposables prévue à l'article 1649 A du code général des impôts soit écartée. Enfin, et contrairement à ce que soutient le requérant, aucune mise en demeure préalable n'est prescrite par le livre des procédures fiscales ou le code général des impôts pour l'application de l'article 1649 A du code général des impôts.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. Si M. A... soutient qu'il n'était pas tenu de déclarer, au titre des années vérifiées, plusieurs comptes bancaires qu'il détenait au Portugal, dès lors qu'il était résident fiscal portugais, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que le requérant doit être regardé comme un résident fiscal français et qu'il était, par conséquent, tenu de déclarer, conformément à l'article 1649 A du code général des impôts, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. C'est, par suite, à bon droit que l'administration fiscale a imposé les sommes en litige entre les mains de M. A... dans la catégorie des revenus d'origine indéterminés.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande de décharge. Par voie de conséquence, les conclusions du requérant présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.

La rapporteure

P. PicquetLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02685

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02685
Date de la décision : 15/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL ABRS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-15;20nt02685 ?
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