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08/02/2022 | FRANCE | N°20NT03846

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 08 février 2022, 20NT03846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Le Jeune a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 lui infligeant la sanction disciplinaire de déplacement d'office et l'arrêté du 14 mars 2018 prononçant son déplacement d'office à Brest.

Par un jugement n° 1801248 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2020, Mme Le Jeune, représentée par Me Matel, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Le Jeune a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 lui infligeant la sanction disciplinaire de déplacement d'office et l'arrêté du 14 mars 2018 prononçant son déplacement d'office à Brest.

Par un jugement n° 1801248 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2020, Mme Le Jeune, représentée par Me Matel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision a été prise en méconnaissance de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 dès lors que deux témoignages ont été produits devant le conseil de discipline en fin de séance par le représentant du ministère des armées sans avoir été préalablement annexés au dossier dont elle avait eu accès et qu'elle n'a pu faire état de ses observations avant la clôture des débats ;

- les faits qui lui sont reprochés ne caractérisent aucune faute disciplinaire ; il ne peut lui être reproché d'avoir accompli des heures supplémentaires, validées par sa hiérarchie, dès lors que sa présence effective au travail, y compris hors des créneaux horaires habituels, requise en raison de l'organisation même du service, n'a pas été remise en cause et n'est pas constitutive d'un manquement à la discipline ;

- la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée au regard de ses états de service, de sa qualité professionnelle et de l'absence d'antériorité disciplinaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés au titre du vice de procédure, de l'erreur de qualification juridique des faits et du caractère disproportionné de la sanction ne sont pas fondés ;

- elle s'en rapporte, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

- l'arrêté du 6 décembre 2002 pris pour l'application de l'article 2 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Le Jeune, secrétaire administrative de classe normale au ministère des armées, était affectée depuis 2005 sur le poste d'adjoint au chef du bureau d'administration du personnel civil du groupement de soutien de la base de défense de Brest-Lorient sur le site de Lanester. Après la mise en évidence, par un contrôle interne, d'anomalies relatives aux heures supplémentaires payées à Mme Le Jeune, une procédure de sanction disciplinaire a été initiée le 12 octobre 2017 à son encontre. Après avis favorable de la commission administrative paritaire locale siégeant en formation disciplinaire, qui a examiné la situation de Mme Le Jeune en sa séance du 30 janvier 2018, une sanction de déplacement d'office a été infligée à l'intéressée par un arrêté du 19 février 2018. Puis, par arrêté du 14 mars 2018, elle a fait l'objet d'un déplacement d'office au centre administratif ministériel de Brest pour occuper le poste de contrôleur de gestion. Mme Le Jeune a sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes l'annulation de ces deux arrêtés. Elle relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Lorsque le Conseil de discipline examine l'affaire au fond, (...) Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. ". La règle ainsi posée participe de la garantie selon laquelle le fonctionnaire doit être mis à même de répondre à chaque imputation soulevée à son encontre.

3. Il ressort du procès-verbal du conseil de discipline du 30 janvier 2018 qu'après que le commissaire en chef de 2ème classe, chef du service ressources humaines, siégeant en qualité de représentant de l'établissement, a évoqué des propos qui auraient été tenus par la supérieure hiérarchique et une collègue de Mme Le Jeune, l'intéressée puis un de ses représentants ont pris la parole en dernier avant que le conseil ne commence à délibérer. Par suite, Mme Le Jeune a été mise à même de répondre à chaque imputation soulevée à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du conseil de discipline en raison de la méconnaissance du respect du principe du contradictoire doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il ressort de l'arrêté du 19 février 2018 et de la lettre l'accompagnant que l'administration a infligé à Mme Le Jeune une sanction pour avoir commis une faute consistant en la mise en place, à son profit, des pratiques non règlementaires en matière d'attribution et de déclarations d'heures supplémentaires. Mme Le Jeune ne conteste pas en appel la matérialité des faits, à savoir des déclarations et manipulations de l'outil informatique de gestion du temps, l'ayant conduit à, d'une part, percevoir, de mars 2015 à mars 2017, une indemnisation d'environ 400 euros correspondant au paiement de 25 heures supplémentaires mensuelles, et, d'autre part, à l'octroi de repos compensateurs, qui ne lui étaient pas dus en vertu de la règlementation qui lui était applicable. Elle fait valoir qu'elle a effectué des heures au-delà de l'obligation de service quotidienne qui était la sienne en raison notamment de la charge de travail qui lui incombait et de l'organisation du service et que ce fait n'est pas remis en cause par l'administration. La faute ne porte cependant pas sur le principe même de réalisation de ces heures au-delà de l'obligation de service mais, ainsi qu'il a été dit, sur le bénéfice d'indemnités pour heures supplémentaires et les modalités de récupération de ces heures dont elle ne pouvait, en sa qualité d'adjoint au chef du bureau d'administration du personnel, ignorer qu'ils ne correspondaient pas aux règles applicables à sa situation. Si elle se prévaut également de la validation des états d'heures supplémentaires par sa hiérarchie, cette carence dans le contrôle des déclarations effectuées par la requérante n'est pas de nature à priver les faits volontaires précédemment décrits qu'elle a commis de leur caractère fautif. Par suite, ces faits, qui sont constitutifs de manquements tant dans l'exécution de ses fonctions qu'à ses obligations de conscience professionnelle et de probité, constituaient, une faute susceptible de justifier une sanction disciplinaire.

6. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes : relèvent du premier groupe les sanction de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et, enfin, du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.

7. Eu égard à la gravité des faits commis et aux fonctions occupées par Mme Le Jeune et alors même qu'elle n'avait pas d'antécédent disciplinaire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris, une sanction disproportionnée en lui infligeant la sanction du deuxième groupe de déplacement d'office.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme Le Jeune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme Le Jeune est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Le Jeune et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT03846 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03846
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : MATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-08;20nt03846 ?
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