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08/02/2022 | FRANCE | N°20NT00616

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 08 février 2022, 20NT00616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune d'Orléans a procédé à son changement d'affectation à compter du 16 octobre 2017, d'annuler la décision de rejet de sa réclamation préalable indemnitaire et de condamner la commune d'Orléans à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la situation de harcèlement moral dont il est victime, d'enjoindre à la commune d'Orléans de

le réintégrer dans ses fonctions antérieures sous astreinte de 150 euros par jou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune d'Orléans a procédé à son changement d'affectation à compter du 16 octobre 2017, d'annuler la décision de rejet de sa réclamation préalable indemnitaire et de condamner la commune d'Orléans à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la situation de harcèlement moral dont il est victime, d'enjoindre à la commune d'Orléans de le réintégrer dans ses fonctions antérieures sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de la commune d'Orléans une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801310 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février 2020 et 9 juillet 2020, M. C..., représenté par la société d'avocats Verdier et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler la décision du 5 octobre 2017 ;

3°) de condamner la commune d'Orléans à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

4°) d'enjoindre à la commune d'Orléans, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de le réintégrer dans ses fonctions antérieures et de mettre fin au harcèlement moral qu'il subit ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Orléans une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Orléans dès lors que la décision du 5 octobre 2017 de changement d'affectation ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur mais une sanction déguisée ;

- cette nouvelle affectation l'expose de manière importante et certaine au public, en contradiction complète avec les préconisations du médecin de prévention ;

- la décision du 5 octobre 2017 est entachée d'un détournement de procédure dès lors que le résultat ne pouvait être atteint que par l'engagement d'une procédure disciplinaire ;

- il a été privé des garanties procédurales disciplinaires, notamment du droit à se défendre et du principe du contradictoire visés aux articles 89 et suivants de la loi du 26 janvier 1984 ;

- la décision du 5 octobre 2017 est intervenue sans saisine préalable de la commission administrative paritaire alors qu'elle impliquait nécessairement une modification de sa situation au sens de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- il subit des agissements répétés de harcèlement moral dès lors qu'il a fait l'objet d'une procédure d'avertissement annulée par le tribunal administratif d'Orléans, que toutes les promotions sollicitées lui sont refusées, que ses évaluations des années 2011, 2012 et 2013 comportent des critiques qui ne sont pas fondées, qu'il n'est pas répondu à ses observations sur ces évaluations, que les agissements sont reconnus par la commune d'Orléans qui a sanctionné disciplinairement M. A..., que la commune d'Orléans est restée inactive, qu'il subit encore des agissements vexatoires et des critiques infondées de la part de ses supérieurs et qu'il a été affecté sur un poste qui l'expose au public en contradiction avec les avis médicaux ;

- il est fondé à solliciter la réparation du préjudice moral subi à hauteur de la somme de 10 000 euros ;

- l'exception de prescription quadriennale doit être écartée dès lors qu'il dénonce des faits datant de 2011 et de 2012 mais également des faits postérieurs.

Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2020, la commune d'Orléans, représentée par Me Rainaud, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- si la cour reconnaissait l'existence de harcèlement moral du fait des agissements subis en 2011 et 2012, elle fait valoir que la créance est prescrite en application de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hallé, substituant Me Rainaud, représentant la commune d'Orléans.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 5 octobre 2017, le maire de la commune d'Orléans a décidé de changer l'affectation de M. C..., adjoint technique, recruté depuis 1995 et qui travaillait au grand cimetière rattaché à la direction des affaires administratives depuis 2001, pour le nommer sur un poste d'agent de propreté sur le secteur Est de la commune au sein de la direction de l'espace public et de la qualité de la ville. Par un courrier du 2 janvier 2018, M. C... a sollicité auprès de la commune d'Orléans la réparation des préjudices subis du fait de la situation de harcèlement moral dont il estime être victime. Après le rejet implicite de sa demande, il a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 5 octobre 2017 de changement d'affectation et de condamner la commune d'Orléans à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la situation de harcèlement moral. Il relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

3. D'une part, les fonctions d'agent de propreté attribuées à M. C... par une décision du 5 octobre 2017 ne modifient pas sa résidence administrative, ni les responsabilités qui lui sont confiées, ni sa rémunération. Par ailleurs, sous réserve de l'aménagement de poste lié à la limitation de l'exposition au public préconisé par le médecin de prévention, ces fonctions ne sont incompatibles avec son état de santé. Par conséquent, la décision du 5 octobre 2017 ne porte pas atteinte aux droits statutaires de M. C... et n'emporte aucune perte de responsabilité ou de rémunération.

4. D'autre part, il ressort des motifs de la décision du 5 octobre 2017 que celle-ci a été adoptée dans le souci de mettre fin, dans l'intérêt du service, au climat conflictuel qui s'était établi des suites de difficultés relationnelles persistantes ayant des conséquences sur la continuité du service au sein des cimetières et d'extraire M. C... de cet environnement. Alors que cette décision ne le prive pas des droits et avantages liés à ses fonctions, ce changement d'affectation n'a ainsi pas présenté le caractère d'une " sanction disciplinaire déguisée ".

5. Il résulte de ce qui précède que la décision du maire d'Orléans du 5 octobre 2017 constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation de cette décision, présentées par M. C... ne sont, ainsi que le faisait valoir en défense la commune d'Orléans devant le tribunal, et que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, pas recevables. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il se prononce sur l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral :

6. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

7. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. D'autre part, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

9. M. C... soutient qu'il a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral depuis 2011, dès lors qu'il a fait l'objet d'une procédure d'avertissement par un arrêté du 16 juin 2011- annulé par le tribunal administratif d'Orléans par un jugement du 5 février 2013-, que toutes les promotions sollicitées lui sont refusées, que ses évaluations des années 2011, 2012 et 2013 comportent des critiques qui ne sont pas fondées et qu'il n'est pas répondu à ses observations sur ces évaluations, que les agissements de harcèlement sont reconnus par la commune d'Orléans qui a sanctionné disciplinairement le supérieur hiérarchique mis en cause, que la commune d'Orléans est restée inactive, qu'il subit encore des agissements vexatoires et des critiques infondées de la part de ses supérieurs et qu'il a été affecté sur un poste qui l'expose au public en contradiction avec les avis médicaux.

10. Toutefois, M. C... ne produit aucun élément établissant l'existence de refus opposés à ses demandes de promotion ou d'avancement et du traitement différencié au regard des autres agents par privation d'accès à certains lieux ou de moyens dont il serait victime, de sorte que ses allégations ne peuvent être regardées comme caractérisant l'existence d'une situation de harcèlement moral. Il en va de même s'agissant des faits de critiques récurrentes émises par ses supérieurs hiérarchiques à l'occasion de ses évaluations professionnelles des années 2011, 2012 et 2013 ainsi que par son supérieur hiérarchique actuel, qui sont dépourvus des précisions nécessaires pour établir qu'ils auraient excédé, compte tenu du caractère vexatoire invoqué, les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

11. En revanche, les autres éléments avancés par M. C... sont susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement qu'il convient d'apprécier au vu des échanges contradictoires.

12. En premier lieu, l'annulation pour insuffisance de motivation par un jugement du 5 février 2013 du tribunal administratif d'Orléans de la sanction d'avertissement prononcée par arrêté du 16 juin 2011 du maire de la commune d'Orléans n'est pas révélatrice, compte tenu du caractère isolé de la sanction envisagée au cours de la période de 1995 à 2017, d'un agissement excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

13. En deuxième lieu, si M. C... se plaint du comportement de son supérieur hiérarchique pendant plusieurs années à compter de 2011, il ne fait état de manière circonstanciée que d'un seul propos malveillant datant de 2012. Cet élément isolé, ainsi que le souligne la commune, est insuffisant pour caractériser des agissements répétés de harcèlement moral sur cette période. La circonstance que le supérieur hiérarchique en cause a fait l'objet d'une sanction témoigne, par ailleurs, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la commune n'est pas restée passive face à ces agissements.

14. En troisième lieu, la lettre de dénonciation cosignée le 1er avril 2017 par trois agents du service, dont M. C..., témoigne de dysfonctionnements constatés dans le service mais non d'agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel de M. C....

15. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la décision de changement d'affectation du 5 octobre 2017 n'est pas incompatible avec l'état de santé de M. C... et ne constitue pas une " sanction disciplinaire déguisée ". Si elle intervient dans un contexte de fortes tensions au sein du service et après la lettre évoquée au point 14, cette circonstance n'est pas de nature à établir qu'elle a excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique d'organisation du service et aurait été prise dans un but totalement étranger à l'intérêt du service.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 15 que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune d'Orléans devrait être engagée à raison d'agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime et à solliciter le versement d'une somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral invoqué.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, en toutes ses conclusions y compris celles aux fins d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune d'Orléans.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

Le rapporteur,

O.COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00616 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00616
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : CABINET VERDIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-08;20nt00616 ?
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