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08/02/2022 | FRANCE | N°20NT00438

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 08 février 2022, 20NT00438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le maire de Notre-Dame-de-Cenilly a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre depuis le 12 décembre 2011.

Par un jugement n° 1900008 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 février 2020 et 3 juin 2020, Mme B..., représentée par Me La

unay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 19 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le maire de Notre-Dame-de-Cenilly a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre depuis le 12 décembre 2011.

Par un jugement n° 1900008 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 février 2020 et 3 juin 2020, Mme B..., représentée par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 19 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au maire de Notre-Dame-de-Cenilly de reconnaître imputable au service la pathologie dont elle souffre depuis le 12 décembre 2011 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de soixante-quinze euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Notre-Dame-de-Cenilly une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Caen est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation ;

- l'arrêté du 19 novembre 2018 est intervenu en méconnaissance de l'article 16 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 dès lors que le médecin du service de médecine préventive n'a pu valablement établir un rapport la concernant sans l'examiner ou la convoquer, alors que la visite du 24 février 2011 est antérieure au premier arrêt de travail du 27 octobre 2011 et au constat de sa pathologie le 12 décembre 2011 ;

- l'arrêté du 19 novembre 2018 est intervenu en méconnaissance de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière en l'absence de médecin spécialiste ayant siégé à la séance du 29 juin 2018 lors de l'examen de sa situation par la commission de réforme et alors que cette commission a retenu un avis contraire à celui émis par l'expert et était saisie de deux avis contradictoires ; cette irrégularité l'a privée d'une garantie ;

- l'arrêté du 19 novembre 2018 est intervenu, en méconnaissance des articles 16 et 17 de l'arrêté du 4 août 2004, après un avis de la commission de réforme du 29 juin 2018 qui est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté du 19 novembre 2018 méconnaît l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dès lors que sa pathologie psychiatrique présente un lien direct avec le service ; la disparition du fait générateur, soit la présence d'un autre rédacteur et les tensions au sein de l'équipe municipale, postérieurement à la réalisation du dommage n'est pas de nature à exclure le lien de causalité ; aucune des pièces versées au débat n'évoque l'hypothèse d'une pathologie préexistante et les rapports médicaux mettent en évidence le lien direct avec les conditions de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2020, la commune de Notre-Dame-de-Cenilly, représentée par Me Bourrel, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Launay, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., recrutée en mars 2010 par la commune de Notre-Dame-de-Cenilly pour travailler au sein du secrétariat de la mairie, a été titularisée le 1er octobre 2011 en qualité d'adjoint administratif territorial de deuxième classe. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 12 décembre 2011 puis en congé de longue durée à compter de cette dernière date jusqu'au 11 juillet 2016, avant d'être admise en retraite pour invalidité. Elle a présenté le 23 juin 2016 une demande de reconnaissance d'imputabilité au service des congés liés à sa maladie du 12 décembre 2011 au 11 décembre 2016. Après l'annulation par le tribunal administratif de Caen, par des jugements des 27 décembre 2017 et 30 juillet 2018, des deux précédents arrêtés du maire des 30 septembre 2016 et 23 octobre 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie et consultation de la commission de réforme, qui a rendu un avis en sa séance du 29 juin 2018, le maire de Notre-Dame-de Cenilly a, par une décision du 19 décembre 2018, rejeté sa demande. Mme B... a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement du 5 décembre 2019 qui a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il en résulte qu'une maladie contractée par un fonctionnaire peut être regardée comme imputable au service sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un incident survenu dans le cadre du service, ni celle d'un dysfonctionnement grave ou d'un comportement fautif de l'administration.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des avis médicaux, d'une part, que la pathologie dépressive dont souffre Mme B... a débuté avec une asthénie et des troubles du sommeil, diagnostiqués le 27 octobre 2011, et s'est aggravée à compter du mois de décembre 2011, rendant nécessaire un traitement antidépresseur et anxiolytique. Cette pathologie est ainsi apparue et s'est développée dans le cadre d'un environnement de travail modifié depuis le 1er janvier 2011 en raison du recrutement d'un nouvel agent, rédacteur à temps partiel au sein de la commune où travaillait Mme B... et avec lequel elle indique avoir entretenu des relations difficiles. Mme B... a d'ailleurs produit, pour la première fois en appel, le récépissé d'un dépôt de plainte du 12 décembre 2011 pour " harcèlement moral et dégradation des conditions de travail " relative à la période du 1er juillet 2011 au 5 décembre 2012. D'autre part, alors que le rapport du médecin de prévention du 23 janvier 2018 rappelle que, lors de la visite du 24 février 2011, Mme B... évoquait un stress au travail et se sentait angoissée, l'expert psychiatre diligenté par la commission de réforme a, quant à lui, après avoir rappelé que " l'attitude conflictuelle de son collègue et le vécu d'harcèlement de la part de celui-ci a eu des conséquences sur l'état de santé psychologique de Mme B... ", expressément indiqué que " les conséquences psychiatriques sont en rapport direct, unique et certain avec la maladie imputable au service ". Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette appréciation. Enfin, si l'expertise du docteur C... réalisée en novembre 2016, à la demande du comité médical départemental de la Manche, concluait à l'absence de changement de l'état psychologique de Mme B... en dépit du départ des personnes initialement en cause (maire et collègues de travail) et de cinq ans d'arrêt de travail, les avis médicaux convergent toutefois sur le fait que Mme B... ne présentait aucun état psychiatrique antérieur et aucun ne relève que l'intéressée aurait présenté des signes de fragilité psychique. Aucun autre élément de nature à avoir une incidence sur le comportement ou l'état de santé de Mme B... n'est par ailleurs avancé par la commune. Il ne ressort pas plus des éléments du dossier qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la maladie du service. Dans ces conditions, la pathologie de la requérante doit être regardée comme imputable au service.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté du 19 novembre 2018 refusant de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre depuis le 12 décembre 2011 est entaché d'illégalité et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que le maire de Notre-Dame-de-Cenilly reconnaisse imputable au service la pathologie dont Mme B... souffre depuis le 12 décembre 2011 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a lieu de de le lui enjoindre. Il n'y a, en revanche, pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Notre-Dame-de-Cenilly la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais liés à l'instance et de rejeter la demande présentée à ce titre par la commune de Notre-Dame-de-Cenilly.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900008 du 5 décembre 2019 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le maire de Notre-Dame-de-Cenilly a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont Mme B... souffre depuis le 12 décembre 2011 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Notre-Dame-de-Cenilly de reconnaître imputable au service la pathologie de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Notre-Dame-de-Cenilly versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... et les conclusions de la commune de Notre-Dame-de-Cenilly présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Notre-Dame-de Cenilly.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00438 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00438
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : BOURREL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-08;20nt00438 ?
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