La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2022 | FRANCE | N°20NT00406

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 08 février 2022, 20NT00406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 2 février 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental du Finistère l'a affectée sur le poste de chargé de mission-projet stratégique et de mettre à la charge du département du Finistère une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800742 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et mis à la ch

arge du département du Finistère la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 2 février 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental du Finistère l'a affectée sur le poste de chargé de mission-projet stratégique et de mettre à la charge du département du Finistère une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800742 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et mis à la charge du département du Finistère la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 février 2020, 18 février 2021 et 19 mars 2021, le département du Finistère, représenté par Me Bazin, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le caractère de " sanction disciplinaire déguisée " de la décision contestée dès lors que le changement d'affectation ne porte pas atteinte à la situation professionnelle de l'intéressée et qu'il est motivé par l'intérêt du service et non par la volonté de sanctionner cet agent ;

- Mme B... a été mise en mesure de solliciter la communication de son dossier ;

- aucun texte n'organise une procédure spécifique de présentation par l'agent de ses observations avant la tenue de la commission administrative paritaire ;

- la circonstance que les membres ont reçu les documents la veille de la séance de la commission administrative paritaire est sans incidence sur la légalité de la décision ;

- le comité technique a été consulté sur le projet de rattachement d'un emploi auprès du directeur général des services ;

- le moyen tiré de l'absence de publicité de l'avis de vacance manque en fait.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2020 et 4 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Joyeux, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge du département du Finistère la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le département du Finistère ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me De Soto, représentant le département du Finistère, et de Me Joyeux représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., attachée territoriale hors classe, occupait, depuis le 1er janvier 2014, les fonctions de directrice des ressources humaines au sein des services du conseil départemental du Finistère. Après plusieurs périodes de congés de maladie imputables au service et une période de reprise du travail de cet agent à temps partiel thérapeutique du 10 avril 2017 au 15 juin 2017, la présidente du conseil départemental, estimant que le repositionnement de l'intéressée devait être envisagé, lui a proposé, par une lettre du 12 juillet 2017, de présenter sa candidature dans une autre administration ou de se positionner sur un poste de chargé de mission, à créer, auprès de la directrice générale adjointe en charge des ressources, et qu'à défaut de retour dans un délai de quinze jours la commission administrative paritaire serait saisie pour avis. Par un courrier du 25 septembre 2017, la présidente du conseil départemental du Finistère informait Mme B... C... la saisine de la commission administrative paritaire pour rendre un avis sur son repositionnement sur le poste de chargé de projet. La commission administrative paritaire a examiné sa situation le 3 octobre 2017 et émis un avis par les cinq voix des représentants de l'administration, les représentants du personnel n'ayant pas pris part au vote. Par un arrêté du 2 février 2018, Mme B... a été affectée sur l'emploi de " chargé de projet stratégique-direction générale des services ". L'intéressée a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette décision. Par un jugement du 5 décembre 2019, dont le département du Finistère relève appel, ce tribunal a fait droit à sa demande aux motifs que cette décision, qui revêtait le caractère d'une " sanction disciplinaire déguisée ", était entachée d'une erreur de droit.

2. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / l'abaissement d'échelon ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation ". En outre, constitue une " sanction déguisée " la mesure qui porte atteinte à la situation professionnelle d'un agent et dont il est établi qu'elle n'a pas été prise uniquement pour remédier à un problème dans l'organisation ou le fonctionnement du service mais que son auteur avait l'intention de sanctionner l'agent concerné.

3. Il ressort des pièces versées au dossier, notamment des termes du courrier du 12 juillet 2017, à défaut de motivation en fait de la décision d'affectation contestée, que la présidente du conseil départemental du Finistère a décidé d'affecter Mme B... sur le poste de chargé de projet stratégique, ce qui a eu pour effet de priver cette dernière de ses fonctions de directrice des ressources humaines, aux motifs de son insuffisante collaboration à la feuille de route établie pour la direction des ressources humaines, de son insuffisance de travail autour des pistes dégagées par l'audit sur les ressources humaines, de l'élaboration de deux notes (RIFSEEP et Temps de travail) incohérentes avec les orientations fixées par les élus, de l'insuffisance par absence de proposition, de la note d'alerte sur la masse salariale, de l'insuffisance d'appui aux élus lors de deux réunions d'instance paritaire, de l'absence de respect des circuits de validation, de la multiplication des atteintes personnelles contre le DGS " excessives en la forme et non fondées sur le fond " émises par l'intéressée, de sa difficulté à prendre en considération les remarques et les demandes qui lui sont formulées et de la " situation de blocage dont la perpétuation serait contraire à l'intérêt du service et à celui de Mme B... ".

4. D'une part, si le poste de chargé de projet stratégique figure, en raison de sa qualification, au nombre de ceux qui ont vocation à être occupés par des agents relevant du cadre d'emploi de Mme B... et si le dispositif de maintien du régime indemnitaire de la précédente affectation qui est en vigueur au sein du département du Finistère lui garantit le maintien de sa rémunération, cette affectation fait cependant perdre à l'intéressée une partie notable des prérogatives et responsabilités attachées à son poste fonctionnel, notamment managériales s'agissant de l'encadrement de plus d'une centaine d'agents et de la gestion d'un budget d'environ cent millions d'euros, ainsi que le bénéfice de la nouvelle bonification indemnitaire attachée à ses fonctions de directrice des ressources humaines. Par suite, contrairement à ce que soutient le département du Finistère, ce changement d'affectation porte atteinte à la situation professionnelle de Mme B....

5. D'autre part, si les griefs relatifs à l'absence de proposition dans la note d'alerte sur la masse salariale, et les difficultés à prendre en compte les observations de la hiérarchie peuvent relever de l'insuffisance professionnelle, les autres griefs énumérés au point 3, notamment l'appui insuffisant aux élus lors de deux réunions d'instance paritaire ou la méconnaissance des circuits de validation des décisions, relèvent de manquements aux obligations professionnelles d'obéissance hiérarchique, de loyauté et de conscience professionnelle reprochés à Mme B.... Par conséquent, alors même qu'eu égard aux relations dégradées entre l'intéressée et le directeur général des services de la collectivité et aux dysfonctionnements induits par cette situation, la décision de changement d'affectation aurait été prise également dans l'intérêt du service, elle n'en a pas moins revêtu à l'égard de ce fonctionnaire un caractère disciplinaire.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la mesure de changement d'affectation contestée, qui ne figure pas au nombre des sanctions disciplinaires prévues par l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, rappelé au point 2, présente le caractère d'une " sanction disciplinaire déguisée ". Par suite, le département du Finistère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé, en retenant une erreur de droit l'annulation de la décision du 2 février 2018 de la présidente du conseil départemental du Finistère affectant Mme B... sur le poste de chargé de mission-projet stratégique.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Finistère, partie perdante, une somme de 1 500 euros à verser à Mme B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du département du Finistère est rejetée.

Article 2 : Le département du Finistère versera la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département du Finistère et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

Le rapporteur,

O.COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 20NT00406 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00406
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : SELARL BAZIN et CAZELLES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-08;20nt00406 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award