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04/02/2022 | FRANCE | N°21NT01064

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 février 2022, 21NT01064


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 20 septembre 2018 du conseil municipal de la commune de Clohars-Carnoët portant adoption du plan d'alignement de la rue de la Grange à Clohars-Carnoët.

Par un jugement n° 1805240 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 avril 2021 et 12 janvier 2022, M. et Mme

A..., représentés par Me Josselin, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 20 septembre 2018 du conseil municipal de la commune de Clohars-Carnoët portant adoption du plan d'alignement de la rue de la Grange à Clohars-Carnoët.

Par un jugement n° 1805240 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 avril 2021 et 12 janvier 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Josselin, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 février 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la délibération du 20 septembre 2018 du conseil municipal de la commune de Clohars-Carnoët portant adoption du plan d'alignement de la rue de la Grange ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit aux fins de procéder à la qualification juridique du chemin objet de la procédure d'alignement ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Clohars-Carnoët une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison de son insuffisante motivation sur le caractère public de la voie, notamment pour ce qui concerne la partie de cette voie n'ayant pas fait l'objet d'un transfert d'office ;

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation des circonstances de droit et de fait en rejetant leur demande tendant à l'annulation de la délibération contestée ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation car la procédure d'alignement n'était pas utilisable dès lors que le chemin en litige n'est pas une voie publique ; le préfet a commis une erreur de droit en classant d'office les parcelles dans le domaine public communal ; il s'agit d'un chemin d'exploitation et non d'un chemin rural appartenant au domaine privé de la commune ; la commune a reconnu le caractère privé de la voie dans un contentieux administratif de 2006 relatif à un permis de construire qui leur a été refusé ; la voie n'était pas ouverte au public avant 1959 et n'a pas été entretenue par la commune ; la commune n'est pas propriétaire de la partie de la voie non transférée dans le domaine public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2022, la commune de Clohars-Carnoët, représentée par Me Gourvennec, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. et Mme A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Nadan, représentant M. et Mme A..., et C..., représentant la commune de Clohars-Carnoët.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., propriétaires d'une maison implantée sur un terrain situé au lieu-dit La Grange à Clohars-Carnoët (Finistère), ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du conseil municipal de cette commune en date du 20 septembre 2018 portant adoption du plan d'alignement de la rue de la Grange. Ils relèvent appel du jugement du 15 février 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Afin de satisfaire au principe de motivation des décisions de justice, le juge administratif doit répondre, à proportion de l'argumentation qui les étaye, aux moyens qui ont été soulevés par les parties et qui ne sont pas inopérants. En l'espèce, le requérant soutient que le jugement serait irrégulier en raison de son insuffisante motivation sur le caractère public de la voie litigieuse, notamment concernant la partie de cette voie n'ayant pas fait l'objet d'un transfert d'office. Toutefois, il ressort du point 6 du jugement attaqué que le tribunal administratif a considéré que les nombreux éléments convergents attestaient de l'affectation de la voie en cause à la circulation publique, analyse confirmée par diverses décisions de justice rendues en 2016, en 2018 et en 2020 et qu'ainsi l'administration démontrait la légalité de l'arrêté préfectoral décidant le transfert dans le domaine public routier des parcelles situées à l'ouest dudit chemin. Ce faisant, il a exposé de façon suffisamment précise les considérations fondant son analyse du moyen tiré du défaut de justificatif du caractère public de la partie du chemin en cause, alors même qu'il n'a pas répondu à l'ensemble des arguments des requérants, et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative. Ainsi, l'irrégularité alléguée du jugement manque en fait.

4. Si M. et Mme A... soutiennent que le tribunal a commis une erreur d'appréciation, cette erreur, à la supposer établie, n'affecte que le bien-fondé du jugement et non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. / Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale, propriétaire de la voie, et organisée conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration la limite entre voie publique et propriétés riveraines. / L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le " chemin " de la Grange à Clohars-Carnoët est affecté depuis plus de trente ans à la circulation du public, en particulier des piétons et randonneurs, qu'un sentier de grande randonnée dit " GR 34 " passe d'ailleurs sur ce chemin et que de nombreux réseaux et canalisations publiques, regards et buses d'eaux pluviales posées par la commune y sont implantés. Il en ressort également que la commune de Clohars-Carnoët a assuré depuis au moins 1971 l'entretien et l'aménagement de cette voie, d'une part en le goudronnant, d'autre part en y installant et en y entretenant très régulièrement des buses d'évacuation des eaux pluviales, y compris sur la partie du chemin située à l'est de la parcelle AO n° 414 appartenant à M. et Mme A... et jouxtant cette parcelle privée.

7. Il ressort par ailleurs des pièces versées au débat que la qualification de voie publique de la partie en litige de la rue de la Grange a été retenue par différentes décisions de justice, dont un jugement du tribunal de grande instance de Quimper du 6 décembre 2016, qui a relevé que ce chemin était un délaissé de vente d'un bien national pendant la Révolution française et qu'il est " affecté en sa totalité au public et utilisé comme tel depuis plus de trente ans, qu'il est entretenu par la commune et goudronné par celle-ci ". La qualification de voie publique de cette partie du chemin en litige ressort également d'un jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2018, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 28 février 2020, aux termes duquel " la parcelle AO n° 414 est utilisée depuis des années comme voie ouverte à la circulation publique (...) la procédure de transfert d'office permet d'assurer une liaison continue et pérenne, au sein du lieu-dit La Grange et permet à la commune d'y effectuer des travaux, ce qui a d'ailleurs été fait en mars 2017 ".

8. Pour contester la qualification de voie publique de la partie litigieuse de la rue de la Grange, les requérants, qui ne produisent pas de titre de propriété sur le chemin en cause qu'ils se bornent à qualifier de chemin d'exploitation, ne produisent que deux notes établies à leur intention par un géomètre expert en avril 2016 et mai 2018, des écritures de la commune de Clohars-Carnoët produites dans le cadre d'un contentieux administratif de 2006 consécutif à un refus de permis de construire qui leur a été opposé, des extraits d'écritures d'un avocat dans le cadre d'une instance disciplinaire devant le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts concernant un géomètre expert de Lorient dont ils ont engagé la responsabilité professionnelle en 2018 à la suite de précédents contentieux judiciaire et administratif, ainsi qu'un court extrait du rapport d'enquête publique du 7 août 2018 ayant précédé le plan d'alignement en cause. Ces divers éléments ne sauraient suffire, par leur nature et leur teneur, à écarter les constats et les décisions juridictionnelles qui précèdent ni, en tout état de cause, à remettre en cause la légalité de l'arrêté préfectoral ayant décidé le transfert des parcelles situées à l'Ouest de ce chemin dans le domaine public routier. Les documents dont les requérants se prévalent, en l'absence de tout titre ou justification de propriété, ne remettent pas davantage en cause la légalité de l'arrêté du 3 mars 2017 par lequel le préfet du Finistère a décidé l'incorporation d'office dans le domaine public de la commune, en application de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, des parcelles ouvertes à la circulation publique aux lieux dits La Grange, routes de Kermoal Kerlou et de Porsmoric, cadastrées section AO n° 414 et correspondant à la partie ouest du " chemin de la Grange ", non visée par le plan d'alignement aujourd'hui contesté mais se situant dans l'exacte continuité de la partie Est de la rue concernée par ledit plan. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier des attestations d'habitants et d'un ancien maire décrivant les usages précis de cette voie, que cette partie Est est elle-même ouverte depuis très longtemps à la circulation publique notamment pour relier le hameau de la Grange au hameau de Doëlan et au port du fond de la ria du même nom, et que la " voie de la Grange ", correspondant à la rue en cause, a été classée au tableau des voies communales par une délibération du conseil municipal du 31 mars 1963. Il suit de là que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le conseil municipal de Clohars-Carnoët, en prenant la délibération contestée, aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation.

9. En se bornant à renvoyer aux autres moyens soulevés dans leurs écritures de première instance sans préciser en quoi le jugement attaqué aurait répondu de manière erronée à ceux-ci, les requérants ne mettent pas la cour en mesure d'apprécier la portée du surplus de leur argumentation d'appel.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise avant dire droit, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Clohars-Carnoët le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme A... ne peuvent dès lors être accueillies. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Clohars-Carnoët et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme A... verseront à la commune de Clohars-Carnoët la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à Mme D... A... ainsi qu'à la commune de Clohars-Carnoët.

Copie en sera transmise au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUÉGUEN Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Finistère, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01064
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-04;21nt01064 ?
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