Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 28 février 2020 par laquelle le préfet de la Région Normandie a refusé de l'autoriser à exploiter des terres d'une surface de 36 hectares et 42 ares situées à Gaprée et Trémont (Orne) et la décision du 8 septembre 2020 portant rejet de son recours gracieux.
Par une ordonnance n° 2002114 du 19 janvier 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 mars, 16 avril et 7 décembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Blanchet, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 19 janvier 2021 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Région Normandie du 28 février 2020, ainsi que la décision du 8 septembre 2020 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il est titulaire d'un bail conclu, le 20 décembre 2018, avec le propriétaire des terres en litige ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- en lui préférant des demandes concurrentes, de façon non justifiée et arbitraire, le préfet a commis une erreur d'appréciation et a méconnu le principe d'égalité.
Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée du 28 février 2020 relève d'une cause juridique distincte de celle du moyen, uniquement de légalité interne, soulevé en première instance, et est donc irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., éleveur, a sollicité auprès du préfet de la Région Normandie, dans le but d'agrandir son exploitation, l'autorisation d'exploiter les parcelles ZH n° 20 et n° 18 situées à Gaprée et ZC n° 10, 11 et 14 situées à Trémont, d'une surface totale de 36 hectares et 42 ares. Après que la commission départementale d'orientation de l'agriculture de l'Orme a rendu, le
4 février 2020, un avis défavorable sur cette demande, le préfet a, par une décision du 28 février 2020, refusé d'autoriser le requérant à exploiter les terres en litige. M. B... a formé un recours gracieux contre cette décision qui a été rejeté le 8 septembre 2020. Par une ordonnance du 19 janvier 2021, dont M. B... relève appel, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 28 février 2020 et du
8 septembre 2020.
2. En premier lieu, la décision du 28 février 2020 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle se réfère aux dispositions législatives et réglementaires dont elle fait application. Elle fait état, de plus, de ce que, si les deux demandes concurrentes à celle du requérant relevaient du même rang de priorité au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Basse-Normandie, ces demandes ont été évaluées plus favorablement au regard des critères de départage économique entre les candidats prévus à l'article 5 de ce schéma. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 28 février 2020 doit être écarté, alors même que cette décision ne comporte pas l'exposé des éléments qui conduisaient l'administration à classer en dernière position la demande du requérant.
3. En deuxième lieu, en raison de l'indépendance de la législation relative au contrôle des structures agricoles et de celle concernant les baux ruraux, le moyen tiré de ce que le requérant a conclu un bail rural sur les terres en litige ne peut qu'être écarté comme inopérant.
4. En troisième lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ;(...) ". D'autre part, l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la Basse Normandie du 23 décembre 2015 détermine les priorités mentionnées au point 2, dont la huitième concerne notamment " les opérations consistant à conforter l'agrandissement d'agriculteurs à titre principal, dont la surface d'exploitation se situe, après agrandissement, en deçà du seuil d'agrandissement excessif ". Enfin, aux termes de l'article 5 de ce schéma directeur : " En cas de concurrence au même rang de priorité, les critères suivants seront pris en compte, après avis de la CDOA, pour départager les candidats (ces critères ne sont pas hiérarchisés) : (...) dimension économique des exploitations: Elle sera appréciée en fonction d'un montant de marge brute de l'exploitation par UTH. (...) Prise en compte de la main d'œuvre : chef d'exploitation et conjoint collaborateur à titre principal (...) la priorité sera accordée aux exploitations de dimension économique la plus faible / impact environnemental (...) / structuration foncière de l'exploitation et contraintes, notamment : proximité des terres demandées par rapport au siège, aux bâtiments d'exploitation, aux autres parcelles, organisation parcellaire des îlots de l'exploitation (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que les demandes de M. B... et les deux demandes concurrentes ont été classées au même rang de priorité 8 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Basse Normandie. L'administration a, dès lors, mis en œuvre les critères de départage prévus par l'article 5 de ce schéma.
6. Pour rejeter la demande d'autorisation d'exploiter la parcelle ZH 20 située à Gaprée présentée par le requérant, le préfet s'est fondé, en application des dispositions précitées de l'article 5 du SDREA, sur la dimension économique inférieure de l'exploitation concurrente et une structuration foncière plus favorable de celle-ci. Or, le ministre fait valoir sans être utilement contredit sur ce point que des parcelles de l'exploitant concurrent sont attenantes à la parcelle en litige. Il n'est ni établi, ni même allégué que cette dernière parcelle serait plus proche du siège de l'exploitation ou des autres parcelles de M. B.... Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de ce dernier aurait dû être notée plus favorablement sur le plan de la structuration foncière et des contraintes d'exploitation. De même, M. B..., qui se borne à faire valoir qu'il élève actuellement 150 vaches, ne verse au débat aucun élément permettant de remettre en cause le classement de sa demande au plan de ses dimensions économique et environnementale. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le classement moins favorable de cette demande, pour la parcelle en cause, au regard des trois critères prévus à l'article 5 du SDREA sera entachée d'une erreur d'appréciation.
7. Pour rejeter la demande de M. B... en tant qu'elle portait sur la parcelle ZH 18 située à Gaprée et les parcelles situées à Trémont, le préfet s'est fondé sur la dimension économique inférieure de la demande concurrente pour ces parcelles, un meilleur impact environnemental et une structuration foncière plus favorable. Or, alors que le ministre fait valoir sans être utilement contredit sur ce point que le siège de l'exploitation concurrente se situe à 0,9 kilomètre de ces parcelles, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces parcelles seraient plus proches du siège de l'exploitation ou des autres parcelles de M. B... et par conséquent que la demande de ce dernier aurait dû être notée plus favorablement sur le plan de la structuration foncière et des contraintes d'exploitation. En outre, ce dernier ne se prévaut d'aucun élément permettant de contester la supériorité de la demande concurrente s'agissant de l'impact environnemental. Dans ces conditions, la seule circonstance, à la supposer établie, que la dimension économique de l'exploitation du requérant serait moindre que celle de l'exploitation concurrente n'implique pas que le préfet aurait inexactement classé sa demande, en la notant moins favorablement au regard des trois critères prévus à l'article 5 du SDREA.
8. En dernier lieu, eu égard à ce qui précède, il n'est pas établi que l'administration aurait fait preuve d'arbitraire dans le traitement des demandes d'autorisation d'exploiter les terres en litige ou aurait méconnu, pour cette raison, le principe d'égalité.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 février 2020 et de celle du 8 décembre 2020.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Région Normandie.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 21 janvier 2022.
Le rapporteur
X. CatrouxLe président
D. Salvi
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00786