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07/01/2022 | FRANCE | N°21NT02462

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 janvier 2022, 21NT02462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 26 septembre 2019 par laquelle le maire de la commune de Rostrenen a refusé de mettre en œuvre ses pouvoirs de police afin d'éviter le stationnement illégal de véhicules en attente de réparation par le garage Le Hénaff et d'enjoindre au maire de reprendre l'instruction de sa demande.

Par un jugement n° 1906001 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2021, M. A..., représenté par Me Jo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 26 septembre 2019 par laquelle le maire de la commune de Rostrenen a refusé de mettre en œuvre ses pouvoirs de police afin d'éviter le stationnement illégal de véhicules en attente de réparation par le garage Le Hénaff et d'enjoindre au maire de reprendre l'instruction de sa demande.

Par un jugement n° 1906001 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2021, M. A..., représenté par Me Josselin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 26 septembre 2019 par laquelle le maire de la commune de Rostrenen a refusé de mettre en œuvre ses pouvoirs de police afin d'éviter le stationnement illégal de véhicules en attente de réparation par le garage Le Hénaff ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Rostrenen de reprendre l'instruction de sa demande et de statuer dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Rostrenen une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en raison d'une contradiction dans les motifs, tenant au constat fait par les premiers juges du stationnement de nombreux véhicules sur la voie publique alors qu'ils concluent à l'absence de situation particulièrement dangereuse pour la sécurité et la tranquillité publiques ;

- le jugement est entaché d'une omission d'examen du moyen portant sur la sécurité de la circulation des piétons et le problème de salubrité publique du fait des conditions de stationnement constatées devant le garage Le Hénaff ;

- le maire a méconnu les obligations résultant des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le stationnement abusif de véhicules sur la voie publique, dans le cadre de l'exercice de l'activité du garage Le Hénaff, génère en effet une situation dangereuse pour la sécurité et la tranquillité publique mais également pour la salubrité publique et non de simples désagréments, dès lors que le garage Le Hénaff est situé en face d'une maison de retraite et que le stationnement permanent de véhicules de chaque côté de la rue du Hamboud rend dangereuse voire impossible la circulation des piétons.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2021, la commune de Rostrenen, représentée par Me Prieur, conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire au non-lieu à statuer et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. A... n'est fondé.

Par une décision du 25 novembre 2021, l'aide juridictionnelle a été refusée à M. B... A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Largy, représentant la commune de Rostrenen.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a acquis le 18 décembre 2018 une maison d'habitation située au 1 bis rue du Hamboud à Rostrenen (Côtes d'Armor). Il se plaint des nuisances résultant de l'activité du garage Le Hénaff, situé en face de son habitation au 16 de la même rue, qui exploite un atelier de réparation de véhicules automobiles. Par courrier du 17 septembre 2019, M. A... a demandé au maire de la commune de Rostrenen, d'une part, d'interdire le stationnement des véhicules liés à l'activité du garage sur le côté de la rue du Hamboud jouxtant sa propriété et de l'autre côté de cette rue afin d'assurer la tranquillité et le bon ordre des passages dans la rue ainsi que la limitation des nuisances sonores, d'autre part, d'enjoindre à la société Garage Le Hénaff de régulariser sa situation au regard de la réglementation d'urbanisme. Par courrier du 26 septembre 2019, le maire de la commune a informé M. A... de ce qu'il n'envisageait pas de mettre en œuvre ses pouvoirs de police dès lors que les troubles invoqués par l'intéressé avaient cessé et qu'un certificat d'urbanisme avait été délivré à la société Le Hénaff le 18 juillet 2019 en vue d'engager la régularisation de son activité. M. A... relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune de Rostrenen a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si le requérant soutient que le tribunal a commis une erreur de droit, cette erreur, à la supposer établie, n'affecte que le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Par suite, à supposer que l'appelant ait entendu ainsi invoquer un moyen tiré de l'irrégularité du jugement, ce moyen ne saurait être accueilli.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Afin de satisfaire au principe de motivation des décisions de justice, le juge administratif doit répondre, à proportion de l'argumentation qui les étaye, aux moyens qui ont été soulevés par les parties et qui ne sont pas inopérants. En l'espèce, les requérants soutiennent que le jugement serait irrégulier en raison d'une contradiction dans les motifs, tenant au fait qu'il aurait, d'une part, constaté le stationnement de nombreux véhicules sur la voie publique et d'autre part, conclu à l'absence de situation particulièrement dangereuse pour la sécurité et la tranquillité publiques. Toutefois, une éventuelle contradiction entre les motifs d'un jugement, à la supposer établie, n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé de la décision juridictionnelle et non sa régularité. En tout état de cause, la contradiction alléguée n'existe pas dès lors que la présence d'un certain nombre de véhicules dans la rue ne crée pas nécessairement à elle-seule une situation de particulière dangerosité.

4. En troisième lieu, le requérant fait valoir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission d'examiner son argumentation portant sur les conséquences du stationnement en cause sur la sécurité de la circulation des piétons et sur les problèmes de salubrité publique générés par les conditions de stationnement devant le garage Le Hénaff. Toutefois, aux points 4 et 5 du jugement attaqué, dans lesquels il rappelle les dispositions applicables en matière de police municipale, notamment au titre de la sécurité et de la salubrité publiques, ainsi que plus précisément au point 6 de celui-ci, le tribunal a répondu aux arguments tirés de ce que les nombreux véhicules en stationnement sur la voie publique généraient une situation nécessitant l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police. Ce faisant, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre précisément à chacun des éléments de l'argumentation invoquée par le requérant à l'appui de l'illégalité soulevée, a implicitement mais nécessairement écarté le double argument, dûment visé dans le jugement, tiré de ce que le maire de la commune de Rostrenen aurait méconnu les nécessités de sécurité et de salubrité publiques en prenant une décision refusant de faire usage de ses pouvoirs de police pour restreindre les possibilités de stationnement dans la rue du Hamboud. Dès lors, et contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. ". Selon l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser (...) les pollutions de toute nature (...) ". En outre, l'article L. 2213-2 de ce code, dans sa version applicable à la date de la décision en litige, prévoit que : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : / 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ; / 2° Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains ; (...) ".

6. En l'absence de toute réglementation préexistante, le refus opposé par un maire à une demande tendant à ce qu'il fasse usage des pouvoirs de police que lui confèrent les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales n'est entaché d'illégalité que dans le cas où, en raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales.

7. En l'espèce, M. A... se plaint des troubles anormaux de voisinage résultant de la présence, en face de son habitation, du garage Le Hénaff qui exploite une activité de réparation de véhicules automobiles, conduisant un certain nombre de véhicules destinés à la réparation à stationner quotidiennement, à raison de six jours par semaine, le long de la voie publique. S'il soutient que le maire a, à tort, refusé, par la décision contestée du 26 septembre 2019, de faire usage de ses pouvoirs de police pour restreindre les possibilités de stationnement rue du Hamboud, alors que la situation qu'il dénonçait n'avait pas cessé et ne s'était pas améliorée, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il existait, à la date de cette décision, un péril grave résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour la sécurité et la tranquillité publiques, faisant obligation au maire d'user de ses pouvoirs de police pour mettre fin ou remédier à cette situation. Les photographies produites par le requérant attestent certes des désagréments résultant du stationnement de nombreux véhicules sur la voie publique, mais il n'est pas établi que la présence de ceux-ci constituerait une situation particulièrement dangereuse pour la sécurité et la tranquillité publiques ou engendrerait des nuisances, notamment sonores, telles que le maire de la commune de Rostrenen aurait fait preuve de carence dans l'exercice du pouvoir de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales en refusant d'interdire le stationnement dans la rue du Hamboud. Il ne ressort pas davantage des documents versés au débat que les désagréments qui subsisteraient, du fait du stationnement de véhicules, constitueraient une situation particulièrement périlleuse pour la sécurité de piétons normalement attentifs, telle que le maire de Rostrenen aurait commis une erreur de droit en refusant de réglementer le stationnement des véhicules pour l'ensemble de la rue du Hamboud et de faire usage à cet effet des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales.

8. Si M. A... fait valoir par ailleurs que le maire de la commune de Rostrenen a fait preuve de carence dans l'exercice de son pouvoir de police en refusant de prendre en compte la nécessité d'assurer la salubrité publique, dès lors que de nombreux véhicules en attente de réparation sur la voie publique et y stationnant de manière permanente sont usagés et susceptibles d'entraîner l'écoulement sur la chaussée de liquides et fluides polluants, il ne produit aucune justification de nature à établir le caractère effectif des atteintes à la salubrité publique qu'il allègue.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Rostrenen a refusé de faire usage de ses pouvoirs de police afin d'interdire le stationnement rue du Hamboud.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Rostrenen le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... ne peuvent dès lors être accueillies. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme réclamée par la commune de Rostrenen au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Rostrenen tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Rostrenen et à la société Garage Le Hénaff.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUEGUEN

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet des Côtes d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21NT02462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02462
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;21nt02462 ?
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