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07/01/2022 | FRANCE | N°21NT00950

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 janvier 2022, 21NT00950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100719 du 25 mars 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a mi

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100719 du 25 mars 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de son conseil.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2021, le préfet d'Indre-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2021 ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- le tribunal s'est fondé à tort, pour annuler son arrêté, sur le motif tiré de ce qu'il n'était pas territorialement compétent pour prendre cet arrêté ;

- il n'a pas été justifié de ce que la somme mise à sa charge au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 correspondrait à des frais effectivement supportés.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Beguin, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet d'Indre-et-Loire ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Salvi a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien né le 1er janvier 1990, est entré en France, selon ses déclarations, le 2 août 2018. Le bénéfice de l'asile lui a été refusé par une décision du 26 octobre 2018 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 26 mars 2019 de la Cour nationale du droit d'asile. La demande de réexamen de la demande d'asile présentée par l'intéressé a été rejetée par une décision du 13 juillet 2020 du directeur général de l'OFPRA. Par un arrêté du 17 décembre 2020, le préfet d'Indre-et-Loire a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le préfet d'Indre-et-Loire relève appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ". Aux termes de l'article R. 512-1 de ce code : " L'autorité administrative mentionnée aux articles

L. 511-1, L. 511-3-1 et L. 511-3-2 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police (...) ". En application de ces dispositions, le préfet du département sur le territoire duquel a été constatée l'irrégularité de la situation d'un étranger au regard de son droit au séjour est compétent pour prendre à l'encontre de celui-ci une obligation de quitter le territoire français.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., résidant alors à Tours (37) s'est vu délivrer le 10 juillet 2020 une attestation de demandeur d'asile par le préfet d'Indre-et-Loire au titre de sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Le directeur de l'OFPRA, statuant en procédure accélérée, a rejeté cette demande par une décision du 13 juillet 2020. Constatant la perte de son droit au maintien sur le territoire français consécutive à la notification de cette décision et, par suite, l'irrégularité de sa situation, le préfet d'Indre-et-Loire a, par l'arrêté litigieux du 17 décembre 2020, obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Si l'intéressé, qui se prévaut d'une attestation d'élection de domicile établie le 24 septembre 2020 par l'unité locale de la Croix Rouge de Rennes, soutient qu'il résidait en

Ille-et-Vilaine depuis cette date, il est constant qu'il n'a fait état d'un changement d'adresse auprès du préfet d'Indre-et-Loire que le 12 janvier 2021, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le préfet d'Indre-et-Loire devait être regardé comme celui dans le département duquel l'irrégularité de la situation de M. B... a été constatée.

Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a personnellement reçu notification, à son adresse de Tours le 15 janvier 2021, l'arrêté litigieux. Par suite, c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 17 décembre 2020, le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré de ce que le préfet d'Indre-et-Loire n'était pas territorialement compétent pour édicter cet arrêté.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance et en appel.

Sur les autres moyens invoqués par M. B... :

5. Aux termes du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'office statue en procédure accélérée lorsque :

(...) / 2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable ". Aux termes de l'article L. 743-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du relevé d'informations de la base de données TelemOfpra produit par le préfet que la décision du 13 juillet 2020 du directeur de l'OFPRA rejetant la demande de réexamen de la demande d'asile présentée par M. B... a été notifiée à l'intéressé à sa dernière adresse indiquée, à Tours, le 14 août 2020, avant d'être retournée à l'Office. L'intéressé n'apporte pas d'avantage devant la cour que devant le tribunal d'éléments de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur ce document qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée. Ainsi, M. B..., qui entrait dans le champ d'application des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du même code, n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse l'obligeant à quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'absence de notification de la décision de l'OFPRA.

7. Si M. B... soutient que ses craintes en cas de retour en Géorgie entrent dans le champ des stipulations des articles 33-1 de la convention de Genève et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ses allégations sont dépourvues de toute précision et de tout élément justificatif, alors au demeurant que ses demandes d'asile et de réexamen ont été rejetées par les instances en charge de l'asile. Par suite le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la présence de M. B... en France, où il est entré deux ans et quatre mois avant l'arrêté litigieux, était récente à la date de cet arrêté. Il ne justifie de l'existence d'aucune attache sur le territoire français et ne conteste pas son implication dans des délits routiers. Dans ces conditions, le préfet d'Indre-et-Loire a pu, en application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Indre-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 17 décembre 2020. Par voie de conséquence, les conclusions présentées tant en première instance qu'en appel par M. B... tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2100719 du 25 mars 2021 du président du tribunal administratif de Rennes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- M. L'Hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 7 janvier 2022.

Le président-rapporteur,

D. SALVI

L'assesseur le plus ancien,

M. L'HIRONDEL

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT009504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00950
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;21nt00950 ?
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