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07/01/2022 | FRANCE | N°20NT04024

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 janvier 2022, 20NT04024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 21 août 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) refusant à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2001111 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 21 août 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) refusant à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2001111 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2020 sous le n°20NT04024 et un mémoire enregistré le 9 mai 2021, M. C... et Mme D..., représentés par Me Ali, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 21 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à M. C... dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions d'astreinte et de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'une invitation à présenter des observations ;

- le motif tiré de ce que le mariage a été contracté à des fins étrangères à l'union matrimoniale est entaché d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... et Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malgache, né le 31 octobre 1979 et Mme D..., ressortissante française née le 5 septembre 1970, se sont mariés le 30 décembre 2017 à Madagascar, l'acte de mariage ayant été retranscrit le 30 janvier 2018 sur les registres de l'état civil. Ils relèvent appel du jugement du 16 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) du 30 avril 2019 refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2019 :

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire afin que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, par des éléments précis et concordants, que le mariage est entaché d'une telle fraude de nature à légalement justifier le refus de visa.

4. La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur l'absence de projet concret de vie commune et de participation de M. C... aux charges du mariage selon ses facultés, de nature à caractériser le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale dans le seul but de faciliter l'établissement en France de l'intéressé.

5. En l'espèce, pour caractériser l'existence d'une fraude, le ministre fait valoir que M. C... ne justifie pas participer aux charges du mariage selon ses facultés financières, qu'aucun relevé d'appels téléphoniques et preuves d'échanges par messagerie électronique ne sont produits, qu'il n'est pas établi que Mme D... a rencontré le requérant à Madagascar au cours de ses séjours dans ce pays et que les attestations émanant de leurs proches sont stéréotypées. M. C... et Mme D... font valoir qu'ils communiquent par téléphone au moyen de cartes prépayées. Ils produisent également des photos de leur mariage et de leur vie commune lors des séjours de Mme D... à Madagascar, ce dont témoignent plusieurs des attestations produites et expliquent que l'absence de preuves d'un soutien financier mutuel entre les époux est liée à leurs faibles revenus, M. C... étant au chômage et Mme D... bénéficiaire du RSA. De nombreuses attestations concordantes témoignent de la réalité de leur lien matrimonial. En se bornant à se prévaloir du caractère non établi d'échanges réguliers et constants entre les époux et, par suite, de liens matrimoniaux ainsi que du défaut de contribution de la part du requérant aux charges du ménage, le ministre de l'intérieur n'apporte pas, dans les circonstances de l'espèce, la preuve du caractère frauduleux du mariage. Ainsi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

7. Eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, la délivrance à M. C... d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

8. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Elle ne peut donc obtenir le versement à son profit d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 septembre 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 21 août 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, sous réserve d'un changement dans les circonstances de doit ou de fait, de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20NT04024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT04024
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. - Entrée en France. - Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL ALI MAGAMOOTOO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;20nt04024 ?
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