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07/01/2022 | FRANCE | N°19NT04020

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 janvier 2022, 19NT04020


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 octobre 2019, 13 novembre 2019, 4 février 2020 et le 21 octobre 2020, la commune de Courcival, la commune de Nauvay, la commune de Péray, la commune de Saint-Fulgent-des-Ormes, représentées par leurs maires en exercice, l'association pour la protection du Perche du sud (APPS), représentée par son président en exercice, l'association pour la qualité de la vie à Saint-Germain-de-la-Coudre, Préval et les communes avoisinantes, représentée par son président en e

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Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 octobre 2019, 13 novembre 2019, 4 février 2020 et le 21 octobre 2020, la commune de Courcival, la commune de Nauvay, la commune de Péray, la commune de Saint-Fulgent-des-Ormes, représentées par leurs maires en exercice, l'association pour la protection du Perche du sud (APPS), représentée par son président en exercice, l'association pour la qualité de la vie à Saint-Germain-de-la-Coudre, Préval et les communes avoisinantes, représentée par son président en exercice, M. X... I..., M. P... AT..., M. Y... AB..., M. AN... K..., M. AL... M..., M. AD... AF..., M. Q... F..., Mme AJ... V..., représentés par Me Hourdin, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel le préfet de la Sarthe a délivré à la SAS Ferme éolienne de Saint-Cosme une autorisation d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant 4 aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Cosme-en-Vairais ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le projet éolien de Saint-Cosme-en-Vairais a été soustrait à la concurrence par l'effet d'une disposition illégale, le 7° de l'article D. 314-23 du code de l'énergie, et retenu directement par le préfet de la Sarthe sans mise en concurrence ; le 7° de l'article D. 314-23 crée un régime de faveur dépourvu de justification, déroge au principe d'égalité devant la loi et ne pouvait être édicté que par le législateur et non le pouvoir réglementaire ;

- l'enquête publique est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas compris l'ensemble des communes susceptibles d'être affectées par le projet en méconnaissance du III de l'article R. 123-11 du code de l'environnement ;

- le dossier de demande soumis à enquête publique est entaché de lacunes et d'anomalies ;

- la réserve relative à la police de l'eau n'a pas été levée ;

- l'avis de l'autorité environnementale est irrégulier ; l'autorité qui s'est contentée d'un avis tacite, n'a manifestement pas examiné le projet qui lui était soumis ;

- l'arrêté attaqué ne fait aucune mention des distances à respecter entre éoliennes et habitations alors que les inconvénients subis par les plus proches voisins des éoliennes excèdent le niveau accepté par le législateur ; la distance minimale de 500 mètres est insuffisante s'agissant d'éoliennes de 180 mètres de haut ;

- le projet emportera de nombreux inconvénients pour la zone la plus proche (inconvénients visuels, nuisances sonores, infrasons et champs électromagnétiques, pertes de terres pour l'agriculture et fragilisation des berges des cours d'eau) ;

- le seuil de nuisances sonores pris en compte par l'article 26 du décret du 26 août 2011 relatif aux éoliennes, 35 dB(A), est supérieur à celui autorisé par le code de la santé publique, 30 dB(A) et, de ce fait, illégal;

- le projet porte atteinte aux monuments historiques et aux paysages environnants ;

- il porte atteinte aux oiseaux et aux chiroptères, lesquels sont soumis à un risque très fort en raison de la dimension des éoliennes et les prescriptions sont, de ce fait, insuffisantes ;

- les garanties financières sont insuffisantes ;

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 512-1 du code de l'environnement ;

- le projet a de nombreux opposants.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 septembre et 28 septembre 2020, la société Ferme éolienne de Saint-Cosme conclut au rejet de la requête, à ce que soit organisée une visite des lieux et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'intérêt à agir pour les communes requérantes ;

- les moyens soulevés par la commune de Courcival et autres ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 octobre 2020, l'association La Demeure historique, représentée par son président, s'associe aux conclusions des requérants tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2019.

Elle soutient que:

- les monuments du secteur impactés par le projet présentent des intérêts culturels et symboliques importants ;

-la zone d'implantation est entourée de belvédères qui offrent de grands panoramas, nécessairement affectés par le parc éolien en projet ;

- le parc projeté obère les atouts touristiques de la partie nord-est de la Sarthe et de la bordure percheronne du département de l'Orne, alors que ces régions représentent des enjeux de développement dans une zone économiquement déprimée.

Un mémoire en intervention présenté par Mme AP... AC..., M. O... T..., Mme A... J..., M. N... L... et Mme AA... L..., M. R... U..., Mme S... AS..., M. B... AI..., M. AQ... AO... et Mme AM... AO..., M. W... AH... et Mme E... AH..., M. AE... D... et Mme AG... D..., M. AU... H... et Mme AK... H..., M. Z... AR... et Mme C... G..., représentés par Me Hourdin, a été enregistré le 26 octobre 2020, par lequel ils s'associent aux conclusions à fin d'annulation.

Ils soutiennent que :

-l'enquête publique est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas compris l'ensemble des communes susceptibles d'être affectées par le projet en méconnaissance du III de l'article R. 123-11 du code de l'environnement ;

-le projet porte atteinte aux monuments historiques et aux paysages environnants ;

-la présence d'éoliennes diminuera l'attractivité de la commune de La Pérrière.

Par un courrier du 9 avril 2021, la cour a informé les parties de ce qu'elle était susceptible, sur le fondement des dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de surseoir à statuer pour permettre la régularisation des vices entachant l'arrêté attaqué.

La commune de Courcival et autres ont présenté des observations le 13 avril 2021 et le 27 avril 2021.

La société Ferme éolienne Saint Cosme a présenté des observations le 23 avril 2021.

Par un arrêt avant dire droit du 21 mai 2021 la cour administrative d'appel a sursis à statuer sur la requête jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre au préfet de la Sarthe de notifier à la cour un arrêté régularisant le vice tiré du caractère insuffisant des garanties de démantèlement et de remise en état.

Le ministre de la transition écologique a produit, le 17 septembre 2021, l'arrêté préfectoral du 16 juillet 2021 modifiant le montant des garanties financières fixé à l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 14 juin 2019.

Par des mémoires enregistrés le 5 octobre 2021 et le 1er décembre 2021, la commune de Courcival et autres maintiennent leurs conclusions précédentes et concluent en outre à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 16 juillet 2021 et de l'annexe I à l'arrêté ministériel du 22 juin 2020 relatif à la mise en état des lieux et aux garanties.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté du 16 juillet 2021 est illégal dès lors que l'annexe 1 de l'arrêté ministériel du 22 juin 2020 sur laquelle s'appuie cet arrêté est contraire aux prescriptions légales et réglementaires ;

- l'annexe 1 de l'arrêté ministériel du 22 juin 2020 ignore l'excavation compète des socles des éoliennes ;

- le coût prévisible de la remise en état excède largement celui fixé par l'arrêté du 16 juillet 2021.

Par un mémoire du 30 novembre 2021, la société Ferme éolienne de Saint Cosme conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'énergie ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Douet,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Surteauville, substituant Me Elfassi, représentant la SAS Ferme éolienne de Saint-Cosme.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Ferme éolienne de Saint-Cosme a déposé le 21 décembre 2017 une demande d'autorisation environnementale, complétée le 14 août 2018, afin d'exploiter un parc de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Cosme. Par un arrêté du 14 juin 2019, le préfet de la Sarthe a délivré l'autorisation d'exploiter à la SAS Ferme éolienne de Saint-Cosme. Par un arrêt avant dire-droit du 21 mai 2021, la cour, saisie d'une requête de la commune de Courcival et autres, tendant à l'annulation de cet arrêté, après avoir jugé que les autres moyens de cette requête n'étaient pas fondés, a retenu comme fondé le moyen tiré de ce que le montant des garanties financières de démantèlement et de remise en état prévu par la société Ferme éolienne de Saint-Cosme et établi par référence à l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, était insuffisant. Faisant application des dispositions du 2°de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, la cour a sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté attaqué et a imparti au préfet de la Sarthe un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour procéder à la régularisation de l'arrêté du 14 juin 2019. En exécution de cet arrêt, le préfet de la Sarthe a, par un arrêté du 16 juillet 2021, modifié le montant des garanties de démantèlement et de remise en état du site et porté celui-ci à 268 410,70 euros.

Sur la régularisation intervenue en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. II. - Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe, en fonction de l'importance des installations, les modalités de détermination et de réactualisation du montant des garanties financières qui tiennent notamment compte du coût des travaux de démantèlement. (...) ". Aux termes de l'article R. 515-106 du même code : " Les opérations de démantèlement et de remise en état d'un site après exploitation comprennent : 1° Le démantèlement des installations de production ; 2° L'excavation d'une partie des fondations ; 3° La remise en état des terrains sauf si leur propriétaire souhaite leur maintien en l'état ; 4° La valorisation ou l'élimination des déchets de démolition ou de démantèlement dans les filières dûment autorisées à cet effet. Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe les conditions techniques de remise en état. ".

3. Les articles 30 à 32 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans leur rédaction issue de l'arrêté du 22 juin 2020 portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, précisent ces dispositions. En vertu du II de l'annexe I à cet arrêté, auquel renvoie l'article 30, le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur est égal au nombre d'éoliennes multiplié par le coût unitaire d'un aérogénérateur qui varie selon la puissance de l'éolienne. Celui-ci s'établit à 50 000 euros lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est inférieure ou égale à 2 MW. Lorsque la puissance unitaire de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW, ce coût unitaire est calculé selon la formule définie par le b) du I de cette annexe, selon laquelle : " Cu = 50 000 + 10 000 * (P-2) où : Cu est le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur ; P est la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt (MW). ".

4. Les requérants invoquent, par voie d'exception, l'illégalité dont serait entachée l'annexe I de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 dans sa version issue de l'arrêté du 22 juin 2020 et soutiennent que cet arrêté méconnaît l'article R. 515-101 du code de l'environnement.

5. S'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 515-101 du code de l'environnement, qui donne compétence au ministre chargé de l'environnement pour fixer les modalités de détermination du montant des garanties financières qui font référence notamment au coût des travaux de démantèlement et de remise en état du site, que l'importance des installations doit être prise en compte, ces dispositions n'imposent pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que ce montant augmente de manière proportionnelle à la puissance des engins et qu'il soit déterminé de manière différente selon les projets d'installation d'aérogénérateurs, au regard, notamment, des caractéristiques pédologiques du terrain d'implantation. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce que ces modalités soient fixées par référence à une formule de calcul. Enfin, il ne résulte pas des dispositions de l'annexe I rappelées au point 3, aux termes desquelles le coût unitaire forfaitaire correspond à celui du démantèlement d'une unité, que le ministre chargé de l'environnement se soit mépris sur la définition de la dépense à garantir et qu'il ait fait une inexacte application des pouvoirs qu'il tient des dispositions du II de l'article R. 515-101 du code de l'environnement. Par suite, la commune de Courcival et autres ne sont pas fondés à soutenir que l'annexe I à l'arrêté du 26 août 2011 ne respecte pas les dispositions de l'article R. 515-101 du code de l'environnement.

6. En second lieu, les requérants, en se bornant à faire référence au coût estimé de démantèlement pour deux autres projets de parcs éoliens, n'établissent pas que le montant des garanties financières exigé par les dispositions de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 dans sa version issue de l'arrêté ministériel du 22 juin 2020, et par suite le montant fixé par l'article 2 de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 16 juillet 2021 attaqué, ne seraient pas suffisants pour assurer le démantèlement des installations et la remise en état de leur site d'implantation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la commune de Courcival et autres doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du CJA.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Courcival est autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS Ferme éolienne de Saint Cosme présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Courcival, représentant unique désigné par Me Hourdin, à l'association La Demeure historique, à la société Ferme éolienne de Saint-Cosme et au ministre de la transition écologique.

Une copie sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04020
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET BOKEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;19nt04020 ?
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