La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2021 | FRANCE | N°21NT00758

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 décembre 2021, 21NT00758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020, par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2011639 du 24 novembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 m

ars 2021, M. A..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020, par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2011639 du 24 novembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, M. A..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 novembre 2020 en tant qu'il concerne l'arrêté de transfert ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de la suspension par l'Italie des transferts Dublin en raison de la situation sanitaire ;

- les dispositions des articles 4 du règlement du 26 juin 2013 et 13 du règlement général de protection des données (RGPD) ont été méconnues dès lors que les brochures visées par ces textes lui ont été remises à la fin de son entretien individuel ;

- les dispositions des articles 5 du règlement du 26 juin 2013 et 13 du RGPD ont été méconnues ;

- la décision contestée est contraire aux mesures sanitaires prises par l'Italie, qui a suspendu tous les transferts Dublin à compter du 24 février 2020 ;

- les stipulations de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues dès lors qu'il existe un risque qu'il soit éloigné vers son pays d'origine ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Par des mémoires, enregistrés les 12 avril et 31 mai 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il indique que M. A... doit être regardé comme étant en fuite et soutient que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant somalien, relève appel du jugement du 24 novembre 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La circonstance que l'Italie avait décidé à compter du 24 février 2020 de suspendre les transferts des étrangers placés sous la procédure " Dublin " est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Par suite, le premier juge, qui a visé ce moyen qui était inopérant, n'était pas tenu d'y répondre. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier à raison de ce motif.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait contraire aux dispositions des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 et 13 du règlement général de protection des données, que M. A... réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

7. M. A... évoque les risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, où sévit une situation alarmante. Il ne soutient cependant pas avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire italien. En outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir en Italie tout élément nouveau concernant sa demande d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

9. En se bornant à se prévaloir de la situation sanitaire en Italie et de sa vulnérabilité en tant que demandeur d'asile, M. A... n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de sa situation particulière. Par suite ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

10. En quatrième lieu, les considérations relatives au contexte de pandémie du fait du virus de la Covid-19 sont, ainsi qu'il a été dit au point 2 et contrairement à ce que soutient M. A..., sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté mais relèvent de son exécution, le préfet disposant par ailleurs, selon les cas, d'un délai de six à dix-huit mois pour organiser son transfert. Dans ces conditions, les circonstances que les transferts en direction de l'Italie auraient été temporairement interrompus à compter du 24 février 2020 sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de transfert le concernant.

Sur le surplus des conclusions :

12. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 21NT00758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00758
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-21;21nt00758 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award