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17/12/2021 | FRANCE | N°21NT00178

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 décembre 2021, 21NT00178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé, par deux recours distincts, au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 2 octobre 2017 par laquelle le préfet du Finistère a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour et, d'autre part, d'annuler la décision du 1er mars 2019 par laquelle ce préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement nos1803186,1901220 du 18 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requê

te n° 1803186 tendant à l'annulation de la décision implicite du 2 octobre 2017 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé, par deux recours distincts, au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 2 octobre 2017 par laquelle le préfet du Finistère a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour et, d'autre part, d'annuler la décision du 1er mars 2019 par laquelle ce préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement nos1803186,1901220 du 18 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête n° 1803186 tendant à l'annulation de la décision implicite du 2 octobre 2017 et a rejeté la requête n° 1901220 tendant à l'annulation de la décision expresse du 1er mars 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 janvier 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Finistère des 2 octobre 2017 et 1er mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision du 1er mars 2019 et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête n° 1803186 tendant à l'annulation de la décision du 2 octobre 2017, dès lors que cette décision a été remplacée par celle du 1er mars 2019 ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision du 1er mars 2019 était suffisamment motivée ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de la fraude sur son identité ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2021, le préfet du Finistère conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il a implicitement retiré, par sa décision du 23 avril 2021, les décisions contestées, qui sont dès lors devenues sans objet ;

- aucun de moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 30 juin 1999, est entré en France, selon ses déclarations, le 8 février 2016 et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Finistère. Il a bénéficié d'un contrat jeune majeur dès le 1er janvier 2017. Le 29 mai 2017, il a sollicité un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " ou encore pour raison de santé. Par une première requête n° 1803186, M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande. Le 1er mars 2019, le préfet a expressément rejeté cette demande. M. A... relève appel du jugement du 18 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête n° 1803186 tendant à l'annulation de la décision implicite du 2 octobre 2017 et a rejeté la requête n° 1901220 tendant à l'annulation de la décision expresse du 1er mars 2019.

Sur l'exception de non-lieu à statuer soulevée par le préfet du Finistère :

2. La décision du 23 avril 2021 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté la demande, formée par M. A... le 14 janvier 2021, tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié n'a retiré ni implicitement, ni expressément la décision litigieuse du 1er mars 2019. Par suite, il y a toujours lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, le tribunal administratif a jugé que la décision contestée du 1er mars 2019 comportait des éléments circonstanciés sur la situation personnelle et administrative de M. A..., et invoquait notamment une fraude à l'identité. Pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a relevé que l'intéressé était célibataire et sans charge de famille et qu'il n'était pas établi qu'il soit dépourvu d'attache dans son pays d'origine ou soit inséré dans la société française. Par suite, alors que les premiers juges n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments développés par le requérant, le jugement est suffisamment motivé et n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, le requérant ne conteste pas en appel qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du 2 octobre 2017, que la décision expresse du 1er mars 2019 a implicitement mais nécessairement remplacée.

6. En deuxième lieu, la décision du 1er mars 2019 rappelle les dispositions des articles L. 313-7 et L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle fait application. Elle fait état de ce que l'intéressé n'a pas présenté de visa de long séjour et ne justifie pas d'une inscription dans un établissement supérieur. Elle relève encore que le requérant ne séjourne en France que depuis trois ans et n'est pas suffisamment inséré dans la société française. Enfin, elle relève que sa demande était entachée de fraude, dès lors qu'il était connu, dans le système Visabio, sous une autre identité. Dès lors, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait qui la fondent et est donc suffisamment motivée.

7. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

8. Aux termes de l'article R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, d'autre part : " Est autorisée la création, sur le fondement de l'article L. 611-6, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Visabio, relevant du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de l'immigration. (...). ". Selon les termes de l'article R. 611-9 du même code : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article R. 611-8 sont : / 1° Les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts des demandeurs de visas, collectées par les chancelleries consulaires et les consulats français équipés du dispositif requis. / (...) 2° Les données énumérées à l'annexe 6-3 communiquées automatiquement par le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Réseau mondial visas, dans les conditions prévues par l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2001 modifié portant création d'un traitement automatisé d'informations nominatives relatif à la délivrance des visas dans les postes consulaires, lors de la demande et de la délivrance d'un visa. / 3° Des données recueillies ultérieurement lors des entrées et sorties du détenteur de visa : date de première entrée, date de dernière entrée et date de sortie. (...). ".

9. Il ressort de la décision contestée que le préfet du Finistère a estimé que l'examen de la demande du requérant avait fait apparaître une fraude à l'identité, dès lors que l'analyse par comparaison de ses empreintes digitales avec la base de données " Visabio " le faisait apparaitre sous l'identité de M. C..., ressortissant gambien, né le 30 août 1997, différente de l'identité déclarée lors de son entrée en France. En se bornant à soutenir que cette fausse identité gambienne résulte des stratagèmes des passeurs auxquels il a eu affaire, M. A... ne verse au débat aucun élément permettant de remettre en cause les données enregistrées dans le fichier Visabio. Dès lors, et alors que l'intéressé avait déjà produit une première carte d'identité falsifiée et incomplète, le préfet pouvait, en application des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil, se fonder sur ces données pour regarder l'acte de naissance présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, dressé suivant un jugement supplétif non produit, comme entaché de fraude. Enfin, dans ces conditions, le passeport établi sur la base de l'acte de naissance produit, ainsi que la carte consulaire de l'intéressé ne permettent pas non plus d'établir son identité. Par suite, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de la fraude entachant la demande.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

11. M. A..., célibataire, sans charge de famille, n'avait séjourné que trois ans en France à la date de la décision contestée, et avait ainsi vécu dans son pays d'origine la plus grande partie de sa vie. S'il soutient qu'il n'a plus aucune attache dans ce pays, il n'apporte aucune précision ou aucun élément probant à l'appui de cette allégation. Par suite, et en dépit des efforts d'insertion notamment scolaire de l'intéressé, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelée au point précédent.

12. En dernier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance, tirés de ce que la décision contestée méconnaît les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 11° de l'article L. 313-11 du même code. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président de chambre

- M. L'Hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur

X. CatrouxLe président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21NT00178


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00178
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : FRANCK BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-17;21nt00178 ?
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