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17/12/2021 | FRANCE | N°20NT03094

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 décembre 2021, 20NT03094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les Assurances du Crédit mutuel Iard, M. D... F... et Mme B... C... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) de condamner in solidum Nantes Métropole, la société Mutuelle d'assurances des collectivités locales, son assureur, et la Compagnie des eaux et de l'ozone, ou l'une à défaut de l'autre, à verser, d'une part, aux Assurances du Crédit mutuel Iard la somme de 57 047,46 euros au titre des indemnités qu'elle a versées à M F... aux droits duquel elle est subrogée et

, d'autre part, à M. et Mme F... la somme de 30 265 euros au titre des préjudices qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les Assurances du Crédit mutuel Iard, M. D... F... et Mme B... C... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) de condamner in solidum Nantes Métropole, la société Mutuelle d'assurances des collectivités locales, son assureur, et la Compagnie des eaux et de l'ozone, ou l'une à défaut de l'autre, à verser, d'une part, aux Assurances du Crédit mutuel Iard la somme de 57 047,46 euros au titre des indemnités qu'elle a versées à M F... aux droits duquel elle est subrogée et, d'autre part, à M. et Mme F... la somme de 30 265 euros au titre des préjudices qu'ils estiment avoir subis, outre les intérêts moratoires au taux légal à compter du 11 mai 2017 ;

2°) de mettre à la charge in solidum de Nantes Métropole, de la société Mutuelle d'assurances des collectivités locales et de la Compagnie des eaux et de l'ozone, ou l'une à défaut de l'autre, le versement à leur profit des sommes de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 6 500,30 euros au titre du remboursement des frais d'expertise.

Par un jugement n°1707698 du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a condamné in solidum Nantes métropole, la société mutuelle d'assurances des collectivités locales et la Compagnie des eaux et de l'ozone à verser d'une part, aux assurances du Crédit mutuel Iard la somme de 57 047,46 euros avec intérêts à compter du 9 mai 2017 et d'autre part, à M. et Mme F... la somme de 19 289 euros avec intérêts à compter du 12 mai 2017 et il a condamné la Compagnie des eaux et de l'ozone à garantir Nantes Métropole à hauteur de

60 % de ces condamnations.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 septembre 2020 et 26 mars 2021, Nantes métropole, représentée par Me Reveau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 juillet 2020 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande des Assurances du Crédit Mutuel Iard et des époux F... ;

3°) à titre subsidiaire, de l'exonérer en tout ou en partie de sa responsabilité en raison du caractère de force majeure de l'évènement pluvieux du 27 juillet 2013, de limiter à 15% sa part de responsabilité du fait de la faute des victimes ;

4°) de condamner la Compagnie des Eaux et de l'ozone à la garantir à hauteur de 90 %, la part du dommage imputable à l'existence même de l'ouvrage ne pouvant excéder 10 % ;

5°) de rejeter les demandes de réalisation de travaux extérieurs et de ramener les demandes indemnitaires des Assurances du Crédit mutuel Iard à de plus justes proportions ;

6°) de condamner les Assurances du Crédit mutuel Iard et M. et Mme F... ou à défaut les parties succombantes à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a, à tort, écarté les causes exonératoires de sa propre responsabilité ;

* aucune responsabilité ne peut être imputée à Nantes métropole en l'absence de lien de causalité, la responsabilité du maitre de l'ouvrage étant limitée à l'existence, la nature ou le dimensionnement de l'ouvrage public, le fermier restant responsable des dommages imputables au fonctionnement de l'ouvrage ; en l'espèce l'existence d'un bassin tampon n'aurait pas permis d'éviter le débordement des avaloirs ; un mauvais état d'entretien du réseau doit être constaté ; il n'est pas établi que la contrepente est à l'origine du préjudice subi par M. et Mme F... ;

* la Compagnie des eaux et de l'ozone, chargée de l'entretien, est responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages ; elle a failli à ses obligations contractuelles et a manqué à ses obligations de surveillance et d'alerte ;

* l'évènement pluvieux du 27 juillet 2013 constitue un cas de force majeure ;

* la faute commise par M. et Mme F..., eu égard au choix d'implantation de leur maison et à l'absence de mesures pour pallier au caractère exposé du terrain, est de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

* le coût des travaux d'aménagements extérieurs, s'élevant à 16 754 euros, ne peut être mis à sa charge ; le rejet de la demande indemnitaire au titre de la vétusté s'élevant à 6 976 euros soit être confirmé ;

* si une condamnation solidaire est prononcée à l'égard de Nantes métropole et de la Compagnie des eaux et de l'ozone, cette dernière devra la garantir à hauteur de 90 %.

Par des mémoires, enregistrés les 4 février, 29 mars et 20 avril 2021, la société Assurances du Crédit Mutuel Iard, M. D... F... et Mme B... C..., épouse F..., représentés par Me d'Audifret, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation in solidum de Nantes métropole, de la SMACL, son assureur, et de la Compagnie des eaux et de l'ozone à verser à M. et Mme F... la somme de 30 265 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2017 ;

3°) à la condamnation de Nantes métropole ou de toute autre partie succombante à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative

Ils soutiennent que :

* la responsabilité de Nantes métropole est établie en sa qualité de maitre de l'ouvrage du réseau d'évacuation des eaux ; l'ouvrage souffre d'un défaut de conception en raison de la présence d'une contrepente ; la collectivité n'a pas mis en œuvre les mesures permettant de protéger les habitations ;

* la SMACL devra apporter sa garantie ;

* la responsabilité du fermier, la compagnie des Eaux et de l'Ozone doit être recherchée ;

* les époux F... n'ont commis aucune faute ; aucun cas de force majeure ne peut être constaté.

Par un mémoire enregistré le 18 février 2021, la Société mutuelle d'assurances des collectivités locales (SMACL), représentée par Me Bernot, conclut :

1°) à l'annulation du jugement du 28 juillet 2020 ;

2°) au rejet des demandes présentées par les Assurances du Crédit Mutuel IARD et les époux F... ;

3°) à la condamnation des époux F... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* la responsabilité de Nantes métropole ne peut être recherchée ou à tout le moins sa part de responsabilité doit être réduite ;

* la Compagnie des Eaux et de l'ozone a la responsabilité de l'exploitation du service d'assainissement ;

* l'épisode pluvieux en cause présente le caractère d'un cas de force majeure ;

* M. et Mme F... ont commis une faute en construisant une maison semi-enterrée.

Par un mémoire enregistré le 29 mars 2021, la Compagnie des Eaux et de l'Ozone, représentée par Me Coic, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation de la ou des parties succombantes à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune responsabilité ne lui incombe en l'absence de lien de causalité entre le

sous-dimensionnement de l'ouvrage public et les dommages subis ;

- M. et Mme F... ont commis une faute eu égard au choix constructif retenu ;

- l'orage du 27 juillet 2013 constitue un cas de force majeure ;

- l'évaluation des préjudices subis doit être ramenée à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Reveau pour Nantes Métropole, de Me Gaschard pour le Crédit Mutuel et les époux F..., de Me Motte pour Veolia, et de Me Barriere pour la SMACL.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F... sont propriétaires d'une habitation sise 95 bis, bd de la Libération à Couëron (Loire-Atlantique). Le 27 juillet 2013, lors d'un violent orage, le réseau public d'évacuation des eaux pluviales a débordé, provoquant une inondation de 30 à 40 cm dans leur maison et, en conséquence, d'importants dégâts. Le 16 mai 2014, les assurances Crédit mutuel IARD (ACM), assureurs des victimes, ont saisi la SMACL, assureur de Nantes métropole, afin qu'une somme de 72 412 euros lui soit versée. Les ACM ont ensuite saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes qui a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été rendu le 3 avril 2017. Par une lettre du 5 mai 2017, notifiée le 9 mai suivant, les ACM ont saisi Nantes métropole d'une réclamation indemnitaire préalable afin que lui soit versée la somme de 57 047,46 euros, outre celle de 30 265 euros à M. et Mme F.... Par une seconde lettre du 11 mai 2017, notifiée le lendemain, les ACM ont également saisi la Compagnie des Eaux et de l'Ozone aux fins de paiement des mêmes sommes. Le 4 juillet 2017, cette réclamation a été rejetée par Nantes métropole. Les ACM et les époux F... ont saisi le tribunal d'une demande pour que les sommes susmentionnées leur soient versées en réparation de leurs préjudices. Par un jugement du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a condamné Nantes métropole et la SMACL à verser aux demandeurs la somme de 57 047,46 euros majorée des intérêts en réparation de leurs préjudices. Nantes métropole et son assureur relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Nantes métropole critique le jugement attaqué en estimant que c'est à tort que les premiers juges ont écarté les causes exonératoires de responsabilité tirées d'une part, du caractère de force majeure des précipitations survenues et d'autre part, de la faute des victimes tenant au principe constructif retenu pour la réalisation de leur habitation. Toutefois, de tels moyens qui relèvent du bien-fondé du jugement sont sans incidence sur sa régularité.

Sur la responsabilité :

3. En premier lieu, même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage est responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution desdits travaux publics à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Il appartient au tiers, victime d'un dommage de travaux publics, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, les travaux publics et, d'autre part, le préjudice dont il se plaint. Ce tiers n'est pas tenu de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'il subit lorsque le dommage présente un caractère accidentel. Le maître d'ouvrage ne peut se dégager de sa responsabilité que s'il établit que les dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

4. En cas de délégation limitée à la seule exploitation de l'ouvrage public, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante. Si les dommages trouvent leur cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux.

5. Par un contrat du 26 juin 1990, la commune de Couëron a confié à la compagnie des Eaux et de l'Ozone, pour une durée de 25 ans, la gestion du service assainissement ; en 2001, la communauté urbaine de Nantes, devenue ensuite Nantes métropole, s'est substituée à la commune dans l'exercice de cette compétence. Ce contrat prévoit que le fermier est responsable du bon fonctionnement du service (art 4). L'article 20 dispose que " tous les ouvrages, équipements, matériels permettant la marche de l'exploitation, y compris les branchements, seront entretenus en bon état de fonctionnement et réparés par les soins du fermier à ses frais ". L'article 58 précise que : " si les installations de collecte et d'évacuation, de relèvement ou d'épuration deviennent insuffisants, en raison du volume, notamment s'il est constaté des entrées importantes d'eaux parasitaires dans le réseau (...) le fermier devra en avertir dans les meilleurs délais la collectivité par un rapport donnant tous les éléments permettant d'apprécier la situation, mettant en évidence l'origine de l'insuffisance des ouvrages et évoquant les moyens d'y porter remède (...) La remise de ce rapport dégage le fermier des conséquences de ces insuffisances qui pourraient intervenir ultérieurement ". L'article 59 précise que : " Le fermier assure la surveillance, le bon fonctionnement et l'entretien de l'ensemble des ouvrages et canalisations constituant le réseau d'assainissement " et les articles 60 et 66 prévoient que l'entretien, les réparations, le curage périodique des avaloirs, regards, tampons, grilles, chasses d'égout, sont assurés par le fermier. L'article 6 de l'avenant n° 1 prévoit que le fermier assure à ses frais le contrôle de conformité des branchements existants à raison de 100 branchements par an et à l'article 8 qu'il s'engage à un curage périodique de 1 000 mètres linéaires par an d'eaux pluviales et de 300 avaloirs par an. L'avenant n° 7 audit contrat d'affermage prévoit que le fermier a notamment l'obligation de procéder au curage et au contrôle préventif des réseaux eaux pluviales et eaux usées.

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire du 31 mars 2017 que l'écoulement anormal de l'eau de grave et de boue ayant endommagé la propriété de M. et Mme F... provient du débordement du réseau d'assainissement de la ville qui n'a pu permettre, compte tenu à la fois de son sous-dimensionnement, de son obstruction par suite d'un manque d'entretien et de l'altimétrie des avaloirs situés au-dessus du chemin d'accès à la propriété, un débit suffisant pour pouvoir évacuer un débit décennal d'eaux pluviales.

7. Par ailleurs, compte tenu en particulier de l'évolution de l'urbanisation et d'une imperméabilisation croissante du bassin versant, la réalisation d'un bassin de rétention d'une contenance de 1 000 m3 était nécessaire pour absorber le débit important d'évacuation des eaux de pluie par le réseau collectif. Alors même que la collectivité s'est heurtée, en raison du refus opposé par les propriétaires de terrains sur lesquels un tel ouvrage aurait pu être réalisé, à l'absence de foncier disponible pour un tel équipement dont la création était préconisée depuis 2011, l'absence de cet ouvrage a contribué à l'aggravation du sinistre supporté par M. et Mme F....

8. Enfin, il n'est établi ni que la Compagnie des Eaux et de l'Ozone aurait, avant que ne se produise le sinistre, procédé à des interventions de curage préventif ou curatif des réseaux d'eau dont elle avait la charge, ni qu'elle aurait informé régulièrement la collectivité publique de l'état du réseau comme elle y était tenue en application des stipulations rappelées au point 4. Alors même que cette compagnie indique avoir, en fin d'année 2013, procédé à un curage des trois quarts environ du linéaire des canalisations du réseau d'eau pluviales et d'eaux usées de la commune de Couëron, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à permettre de constater le bon état d'entretien des canalisations en cause avant la survenue de l'épisode pluvieux de juillet 2013. Cette absence d'entretien a contribué à l'aggravation des effets de l'inondation ainsi que l'expert mandaté par le tribunal l'a constaté.

9. Il s'ensuit que c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que le tribunal administratif de Nantes a déclaré Nantes métropole et la Compagnie des Eaux et de l'Ozone solidairement responsables des conséquences dommageables résultant de l'inondation dont ont été victimes M. et Mme F..., qui ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public, en raison non seulement des insuffisances du réseau d'évacuation des eaux pluviales et de l'absence de bassin de rétention mais également des conditions de fonctionnement et d'entretien de ce réseau.

Sur les causes exonératoires :

10. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction, alors même que l'état de catastrophe naturelle a été reconnu par un arrêté du ministre de l'intérieur le 10 septembre 2013, que les pluies déversées lors de l'orage du 27 juillet 2013 auraient présenté, eu égard à la pluie de référence pour le dimensionnement des réseaux d'assainissement des eaux pluviales, le caractère de violence imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure de nature à exonérer la communauté urbaine et la compagnie des eaux et de l'ozone de la responsabilité qui leur incombe à raison du fonctionnement du réseau d'évacuation des eaux usées et pluviales dont elles ont la charge.

11. D'autre part, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la vulnérabilité de celui-ci ne peut être prise en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elle est elle-même imputable à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

12. Si Nantes métropole fait valoir que le dommage subi par les époux F... a été aggravé par la situation de leur propriété dont le terrain se situe en contrebas de la voie publique, il n'est ni établi, ni même allégué, que de précédentes inondations se seraient produites antérieurement à l'évènement de juillet 2013 ou que des prescriptions particulières lors de la délivrance du permis de construire le pavillon leur auraient été imposées afin d'obvier à un risque d'inondation. Par ailleurs, la grille avaloir installée par les époux F... lors de la construction du pavillon en 2011 en contrebas du chemin d'accès, était de nature à permettre l'écoulement normal des eaux de pluie. Dans ces conditions, alors même qu'il est constant que M. et Mme F... sont des professionnels de l'immobilier, le dommage dont il est demandé réparation ne trouve pas son origine dans l'implantation du pavillon d'habitation mais dans le dysfonctionnement du réseau d'eaux pluviales.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal :

13. Eu égard aux causes du sinistre, les frais exposés par M. et Mme F... pour aménager l'accès à leur habitation en minimisant l'écoulement de l'eau par le retrait d'une couche de grave, l'engazonnement de l'allée, la pose d'un nouvel avaloir et la création d'un muret de protection, qui s'élèvent à la somme de 16 754 euros, doivent, contrairement à ce que soutient Nantes métropole, être mis à la charge solidaire de cette dernière et de la Compagnie des Eaux et de l'Ozone. Par suite, les conclusions présentées par Nantes métropole tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à la charge des responsables cette somme ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident :

Quant au recours subrogatoire des ACM :

14. Les ACM justifient d'une quittance subrogative du 8 avril 2014 d'un montant total de 53 475 euros correspondant au versement aux époux F... d'un avoir de 3 000 euros et au paiement de la somme de 46 405,80 euros au titre des frais de réparation du bâtiment, des dégradations de mobilier et des frais de nettoyage ainsi qu'à la prise en charge, par délégation de paiement, à la société 3ID d'une somme de 4 069,20 euros au titre des frais d'assèchement et de décontamination de la maison.

15. Il y a également lieu de faire droit à la demande des ACM tendant au remboursement d'une somme de 3 572,46 euros correspondant aux frais de l'expertise amiable effectuée par la société Cullingham, qui a été utile à la solution du litige et dont elle justifie par la production d'une facture.

16. Il s'ensuit que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les ACM sont fondées à demander que la somme de 57 047,46 euros soit mise à la charge solidaire de Nantes métropole et de la Compagnie des Eaux et de l'Ozone.

Quant aux préjudices de M. et Mme F... :

17. M. et Mme F... justifient avoir dû exposer du fait du sinistre une somme de

380 euros au titre de la franchise de leur police d'assurance. Il ressort également de l'expertise judiciaire que plusieurs pavés de carrelage de la pièce de vie des intéressés ont été décollés du fait de l'inondation mais que le carreleur n'a pas été en mesure de les remplacer, faute de disposer de carreaux de la même teinte. Le coût de la réfection du carrelage du séjour s'élève, selon le devis produit, à la somme de 1 155 euros qu'il convient de retenir. Il est constant que les biens meubles et immeubles des intéressés étaient récents et en bon état. Dans ces conditions et alors qu'il n'est pas établi que la prise en charge des coefficients de vétusté retenus par l'assureur des intéressés procurerait à ces derniers un avantage manifestement injustifié, il y a lieu de retenir la somme de 6 976 euros, montant correspondant à la mise en œuvre par l'assureur des victimes de coefficients de vétusté variant entre 10 et 50 % de la valeur des biens concernés et non contesté en l'espèce. Les époux F... ont également engagé ainsi qu'il a été dit au point 13 des frais à hauteur de 16 754 euros afin de réaliser des travaux d'aménagements extérieurs de leur habitation propres à minimiser les conséquences d'éventuelles nouvelles fortes pluies. Enfin, M. et Mme F... ont supporté du fait de cette inondation des troubles dans leurs conditions d'existence dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 1 000 euros.

18. Par suite, M. et Mme F... sont fondés à demander que la somme de 26 265 euros soit mise à la charge solidaire de Nantes métropole et de la Compagnie des Eaux et de l'Ozone.

19. Il découle de tout ce qui précède que le préjudice subi par M et Mme F... et les ACM dont ils sont fondés à demander réparation solidairement à Nantes métropole et à la Compagnie des Eaux et de l'Ozone s'élève à la somme totale de 83 312,46 euros.

Sur les intérêts :

20. La société Assurances du Crédit mutuel Iard et M et Mme F... sont fondés à demander que les sommes mentionnées aux points 15 et 17 soient assorties des intérêts au taux légal à compter respectivement du 9 et du 12 mai 2017, dates de réception de leurs réclamations indemnitaires préalables par Nantes métropole.

Sur l'appel en garantie :

21. En l'espèce, eu égard au défaut d'entretien du réseau d'eaux pluviales par la Compagnie des Eaux et de l'Ozone rappelé au point 8, Nantes métropole est fondée à demander à être garantie à hauteur de 60 % des sommes mises à sa charge par la Compagnie des eaux et de l'Ozone.

Sur les frais liés au litige :

22. Les frais et honoraires de l'expertise confiée à M A... F... ont été liquidés et taxés par le président du tribunal administratif de Nantes, le 26 juin 2017, à la somme de 6 500,30 euros. Il y a lieu de laisser ces frais à la charge solidaire de Nantes métropole et de la compagnie des Eaux et de l'Ozone.

23. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elle a exposés et qui sont non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Nantes métropole et la SMACL d'une part, et la Compagnie des Eaux et de l'Ozone d'autre part, sont condamnées in solidum à verser aux Assurances du Crédit mutuel Iard la somme de 57 047,46 € qui portera intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017.

Article 2 : Nantes métropole et la SMACL d'une part, et la Compagnie des Eaux et de l'Ozone d'autre part, sont condamnées in solidum à verser à M. et Mme F... la somme de 26 265 euros qui portera intérêts au taux légal à compte du 12 mai 2017.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 6 500,30 euros sont mis in solidum à la charge de Nantes métropole et de la Compagnie des Eaux et de l'Ozone.

Article 4 : La Compagnie des Eaux et de l'Ozone garantira Nantes métropole à hauteur de

60 % des sommes à laquelle cette dernière est tenue en application des articles 1, 2 et 3 du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Nantes Métropole, à la Société mutuelle d'assurances des collectivités locales, à M. E... F..., à Mme B... C... épouse F..., aux Assurances du Crédit Mutuel IARD et à la société Véolia venant aux droits de la Compagnie des Eaux et de l'Ozone.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'Hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20NT03094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03094
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL MRV

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-17;20nt03094 ?
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