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03/12/2021 | FRANCE | N°21NT02279

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 03 décembre 2021, 21NT02279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 6 juillet 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2107838 du 21 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 6 juillet 2021, a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer, dans un

délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, l'attestation de demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 6 juillet 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2107838 du 21 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 6 juillet 2021, a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant de l'examen par les autorités françaises de sa demande d'asile et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en vertu des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2021, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juillet 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. B....

Il soutient que sa décision refusant de faire application en l'espèce de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation alors même que l'Italie a pris à l'encontre de M. B... une mesure d'éloignement ; les autres moyens soulevés en première instance seront écartés s'agissant de l'arrêté de transfert (incompétence de la signataire de la décision, insuffisance de motivation, méconnaissance du droit à l'information, méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 et de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) et de l'arrêté d'assignation à résidence (incompétence de la signataire de la décision, insuffisance de motivation, illégalité de l'arrêté de transfert, méconnaissance de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, limitation de son droit au recours effectif) comme manquant en fait et en droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Chauvière, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en vertu des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de Maine-et-Loire ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- et les conclusions de Me Pasteur, substituant Me Chauvière, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tchadien né le 1er janvier 1995, indique être entré en France le 27 août 2020. Il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 5 octobre 2020. D'une consultation le même jour du fichier "Eurodac" il a été constaté que ses empreintes digitales avaient été relevées en Italie le 25 juillet 2020 pour avoir franchi irrégulièrement la frontière italienne. Sollicitées pour une prise en charge de l'intéressé, les autorités italiennes ont donné leur accord explicite le 28 décembre 2020 en application des dispositions du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et, par un arrêté du 11 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, exécuté le 16 avril 2021. Par la suite, M. B... déclare être de nouveau entré irrégulièrement sur le territoire français le 19 avril 2021. Le 27 avril 2021, il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique, où il a de nouveau été placé en procédure " Dublin ". Saisies d'une demande de prise en charge de l'intéressé le 30 avril 2021, les autorités italiennes ont implicitement donné leur accord en application des dispositions de l'article 22.7 du règlement (UE) n° 604/2013 et ont été informées le 1er juillet 2021 de l'application de l'article 10 de ce même règlement. En conséquence, le requérant s'est vu opposer, par deux arrêtés du 6 juillet 2021 du préfet de Maine-et-Loire, d'une part, une décision de transfert vers l'Italie et, d'autre part, une décision d'assignation à résidence dans le département de la Loire-Atlantique. Par un jugement du 21 juillet 2021, dont le préfet de Maine-et-Loire relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé ces deux arrêtés et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à M. B..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant de l'examen par les autorités françaises de sa demande d'asile. Il a également mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Chauvière, la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

3. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

4. Il est constant que M. B... a été admis en Italie le 16 avril 2021 en vue de l'examen par les autorités de ce pays, responsables en application du 1 de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, de sa demande d'asile. Toutefois, interpellé dès le 16 avril 2021 par la police d'Etat italienne à l'aéroport de Venise, l'intéressé s'est vu notifier le même jour par l'autorité italienne compétente, le préfet de Venise, une obligation de quitter le territoire italien et une interdiction de retour sur le territoire italien et sur la zone Schengen pour une durée de trois ans, sous peine d'un emprisonnement d'une durée d'une à quatre années. Si le préfet de Maine-et-Loire fait valoir que cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours de la part du requérant et n'a pas été exécutée, il n'en demeure pas moins qu'elle était de nature à remettre en cause le déroulement normal de la procédure de demande d'asile dont les autorités italiennes avaient la charge en application des dispositions du règlement précité du 26 juin 2013 et de porter une atteinte grave au droit de l'intéressé à voir sa demande d'asile examinée, en raison notamment du caractère automatique de la mesure d'éloignement ainsi prise et du défaut de caractère suspensif du recours contre celle-ci, en violation des dispositions des paragraphes 2 et 3 de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui exigent respectivement que soient accordés à la personne concernée, outre le droit à l'examen de sa demande de protection internationale, " un délai raisonnable pour exercer son droit à un recours effectif " et " le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ". M. B..., revenu en France le 19 avril 2021, a sollicité le 27 avril suivant que lui soit accordé l'asile selon la procédure prévue à l'article L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fait état de la mesure d'éloignement prise à son encontre par les autorités italiennes, qu'il a produite, accompagnée d'une traduction en langue française. Il a également fait part à l'administration de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé en Italie d'effectuer la moindre démarche administrative et de présenter sa demande d'asile dans ce pays, alors même que les autorités italiennes étaient responsables de cette demande d'asile, ainsi que du risque de renvoi vers le Tchad, son pays d'origine. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément ou pièce produit par le préfet de Maine-et-Loire de nature à établir que l'intéressé serait désormais assuré de l'examen effectif de sa demande d'asile en Italie, dès lors notamment qu'il ne ressort pas du dossier que la mesure d'éloignement immédiatement exécutoire décidée par le préfet de Venise aurait été abrogée, M. B... doit être regardé comme apportant la preuve qu'il existe un risque sérieux que sa demande ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il s'ensuit que M. B... est fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire sa demande d'asile en France en application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé, d'une part, son arrêté du 6 juillet 2021 décidant le transfert de M. B... aux autorités italiennes, et d'autre part, en conséquence, son arrêté du même jour assignant l'intéressé à résidence.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chauvière, avocate du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chauvière de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de Maine-et-Loire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au conseil de M. B... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à Me Chauvière.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2021.

Le rapporteur,

J.-Y. GUEGUEN

Le président,

L. LAINE

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02279


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02279
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CHAUVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-03;21nt02279 ?
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