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30/11/2021 | FRANCE | N°20NT02983

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 novembre 2021, 20NT02983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 février 2019 des autorités consulaires françaises à Tanger (Maroc) lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n° 1911544 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 septembre 2020 et le 11 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 février 2019 des autorités consulaires françaises à Tanger (Maroc) lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n° 1911544 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 septembre 2020 et le 11 février 2021, M. A..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 février 2019 des autorités consulaires françaises à Tanger (Maroc) lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de visiteur ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus opposé à sa demande est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il ne représente pas une menace pour l'ordre public en raison de son état de santé ; il est handicapé ; son taux d'incapacité a été évalué, en 2010, à 80% ; son état de santé s'est aggravé depuis 2010 ; il a été victime d'un second accident de voiture au Maroc ;

- la substitution de motifs demandée par le ministre ne peut être accueillie ; le ministre ne peut légalement opposer l'absence de nécessité pour M. A... de s'installer durablement en France : il dispose de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins en France ; le ministre ne peut légalement opposer le motif tiré d'un risque de détournement du visa à des fins migratoires ;

- la décision contestée porte une atteinte excessive au respect de son droit à mener une vie privée et familiale normale, dès lors que la quasi-totalité de sa famille vit en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Floch, substituant Me Zouine, représentant M. A....

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 15 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, a sollicité le 28 décembre 2018 la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité de visiteur, afin de s'établir en France. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet de la part des autorités consulaires à Tanger (Maroc). La commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours préalable formé contre cette décision. M. A... relève appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de cette décision de la commission de recours.

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article R. 313-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : / (...) 5° Les étrangers mentionnés à l'article L. 313-6 séjournant en France sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et au plus égale à un an et portant la mention " visiteur ", pendant la durée de validité de ce visa (...) ". Aux termes de l'article L. 313-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention " visiteur " ".

3. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires. En revanche, un tel motif n'est pas de nature à justifier un refus de visa de long séjour en qualité de visiteur, qui permet de séjourner en France pendant une durée supérieure à trois mois et de solliciter, le cas échéant, avant l'expiration de la durée du visa, la délivrance d'un titre de séjour. Toutefois, dans l'hypothèse où le motif de la demande d'un visa de long séjour visiteur est de s'installer durablement en France, ce visa peut être refusé si l'administration établit que l'étranger n'est manifestement pas susceptible de remplir les conditions lui permettant d'obtenir le titre de séjour qui lui sera nécessaire après la période couverte par le visa.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment et notamment des termes du courrier de communication des motifs de la décision contestée du 8 novembre 2019, que pour refuser le visa sollicité, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que M. A... représentait une menace à l'ordre public.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est rendu coupable d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans entre le 15 juin et le 15 juillet 1995, faits pour lesquels il a été condamné à trois ans d'emprisonnement en 1999, ainsi que de violences avec usage ou menace d'une arme le 8 août 2007 et le 20 janvier 2009, faits pour lesquels il a été condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis en 2009. Par ailleurs, M. A... ne démontre pas que son état de santé et son handicap feraient obstacle à ce que son comportement puisse constituer actuellement une menace à l'ordre public, alors qu'il est constant que les faits commis en 2007 et 2009 sont postérieurs à l'accident qu'il a subi. Si M. A... soutient que son état de santé s'est encore dégradé, notamment à la suite d'un second accident survenu au Maroc en 2010, le certificat médical qu'il produit, qui ne fait état que de fractures à la jambe et au poignet droits, ne justifie pas de ce qu'il ne pourrait commettre de nouvelles infractions sur le territoire français. Enfin, compte tenu de ce que M. A... est retourné au Maroc en 2010, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de l'absence d'infractions dans un passé récent. Ainsi, eu égard au caractère réitéré et non dénué de gravité des infractions commises par l'intéressé, la commission de recours a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser le visa sollicité au motif que M. A... représentait une menace pour l'ordre public.

6. En second lieu, M. A... n'établit ni que les membres de sa famille qui résident en France ne pourraient pas lui rendre visite au Maroc, ni qu'il ne pourrait disposer dans ce pays, où il vivait depuis plusieurs années à la date de la décision contestée, de l'aide matérielle dont il a besoin dans sa vie quotidienne. Dans ces conditions, et eu égard à la menace pour l'ordre public que représente l'intéressé, la décision contestée ne porte pas au requérant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts de cette mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motifs présentée par le ministre de l'intérieur, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20NT02983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02983
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP COUDERC-ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-30;20nt02983 ?
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