Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... G... veuve E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 1er août 2019 de l'autorité consulaire française au Tchad refusant de délivrer aux enfants I... E... B..., J... K... E... B... et D... E... B..., des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n° 2001853 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 août et 20 octobre 2020, Mme C... D... G... veuve E... B..., représentée par Me Chmani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chmani, son avocate, de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation de son lien familial avec les demandeurs de visa, lequel est établi par les actes d'état civil produits dont l'absence de valeur probante n'est pas démontrée par le ministre de l'intérieur et par des éléments de possession d'état ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Mme D... G... veuve E... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 août 2021 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme E... B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 1er août 2019 de l'autorité consulaire française au Tchad refusant de délivrer aux enfants I... E... B..., J... K... E... B... et D... E... B... des visas de long séjour demandés en qualité de membres de famille de réfugié. Mme E... B... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, en réponse à une demande de communication des motifs de sa décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a informé Mme E... B..., par un courrier du 18 décembre 2019, avoir fondé sa décision sur les motifs tirés, d'une part, de ce que les déclarations de la requérante sur les dates de naissance des demandeurs conduisaient à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de membre de famille de personne protégée et, d'autre part, de ce que les actes de naissance, transcrits tardivement, comportaient des incohérences et des invraisemblances qui leur ôtaient tout caractère probant et ne permettaient pas d'établir l'identité des demandeurs et leur lien familial avec Mme E... B.... Dans ces conditions, la décision comporte avec suffisamment de précision l'énoncé des considérations de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié (...). En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil (...) peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. A l'appui des demandes de visa, ont été produits les actes de naissance des enfants. A... première instance, la requérante a également produit les jugements supplétifs sur le fondement desquels les actes de naissance ont été dressés. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. Ainsi que le relève le ministre de l'intérieur, les jugements mentionnent que M. J... E... B... a comparu devant le juge de paix les 26 et 29 octobre 2018, alors qu'il est décédé en avril 2011, selon les déclarations de la requérante et le certificat de décès dressé par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. En outre, les actes de naissance et les jugements supplétifs mentionnent comme date de naissance du père le 5 mars 1970, alors que le certificat de décès dressé par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides mentionne le 5 mai 1970. Enfin, le jugement supplétif de l'enfant Amani E... B... ne précise pas sa date de naissance, alors même qu'il s'agit d'un élément essentiel de son état civil. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les jugements supplétifs et partant les actes de naissance produits à l'appui des demandes de visas présentent un caractère frauduleux. Au titre de la possession d'état, la requérante produit un avis de sortie de l'hôpital, quelques photographies et des mandats de transfert d'argent adressés à Mme H... B... F..., la tante des enfants. A... outre, si la requérante produit une liste relative aux échanges qu'elle a par téléphone avec Amani et D..., la plupart des messages correspondant ne sont pas traduits, ce qui ne permet pas de connaître la teneur des conversations. De plus les messages traduits, à l'exception de deux, présentent un caractère stéréotypé et impersonnel. Dans ces conditions, la commission de recours et le ministre de l'intérieur ont pu légalement retenir que l'identité des demandeurs et le lien de filiation n'étaient pas établis.
6. En troisième lieu, le lien de filiation n'étant pas établi entre les demandeurs de visa et Mme E... B..., la requérante n'est fondée à soutenir ni que la décision de la commission de recours porterait une atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... G... veuve E... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02664