Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 11 janvier 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de son transfert aux autorités suisses et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2100422 du 26 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2021, M. D... B..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de cinq jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'arrêté de transfert :
- le signataire de l'arrêté était incompétent pour prendre la décision contestée dès lors que, d'une part, la délégation de signature accordée par le préfet, spéciale, motivée et régulièrement publiée, ne pouvait être faite qu'à un membre du pôle régional Dublin et que, d'autre part, l'arrêté de délégation de signature doit viser expressément l'arrêté de nomination de la personne qui reçoit délégation en application de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors que le préfet doit transmettre en temps utile le compte-rendu complet de l'entretien, qu'il doit justifier que l'entretien a permis qu'il comprenne correctement les informations fournies, qu'il a été conduit dans une langue qu'il comprend et dans des conditions garantissant la confidentialité, qu'il a été mené par une personne qualifiée et qu'il doit justifier qu'il a été informé de son droit de bénéficier d'un examen médical gratuit en application des dispositions de l'article L. 746-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté a été pris sans examen particulier de sa situation personnelle ; le jugement est insuffisamment motivé sur ce point ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 au regard du risque de renvoi en Erythrée et de ses problèmes de santé.
S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence :
- il est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités suisses ;
- il a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le jugement est entaché d'un défaut de motivation sur ce point ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la disproportion de la fréquence de présentation ;
- la décision est entachée d'erreur de droit dès lors que l'obligation de se présenter à horaires fixes et de se présenter avec ses effets personnels n'est prévue par aucun texte ; le préfet, dans l'exercice de son pouvoir de police, a porté une atteinte à sa liberté individuelle qui excède ce qui est nécessaire par rapport aux buts poursuivis par la mesure d'assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- M. D... E... étant déclaré en fuite, le délai de transfert est reporté au 26 juillet 2022.
M. D... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'accord du 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux critères et mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre ou en Suisse ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... E..., dont le nom est parfois orthographié D... B..., ressortissant érythréen né le 1er juin 1995, est entré en France le 10 novembre 2020 selon ses déclarations. Il s'est présenté pour déposer une demande d'asile le 18 novembre 2020 auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait déjà sollicité l'asile auprès des autorités suisses le 14 septembre 2015. Saisies le 19 novembre 2020, ces dernières ont explicitement accepté de le reprendre en charge à fin d'examen de sa demande d'asile le 24 novembre suivant. Par des arrêtés du 11 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suisses et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours dans le département de la Loire-Atlantique. M. D... E... relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments soulevés par les parties, a suffisamment motivé aux points 12 et 15 de son jugement, sa réponse aux moyens tirés de l'absence d'examen particulier de la situation avant l'adoption de la mesure de transfert et de l'insuffisante motivation de la décision portant assignation à résidence. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier en raison d'une insuffisante motivation.
Sur l'arrêté de transfert :
3. En premier lieu, l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police (...) ". Par ailleurs, l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". L'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, en métropole, dispose que : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour : / 1° Renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1 du code précité ; / 2° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code ; / 3° Assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, prendre les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du code précité./ Cette annexe précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent ". L'article 6 de ce même arrêté dispose, quant à lui, que " Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux demandes d'asile enregistrées à compter de la publication du présent arrêté ". Enfin, l'annexe II à cet arrêté prévoit que le préfet de Maine-et-Loire est compétent " pour les demandes concernant les demandeurs domiciliés dans un département de la région Pays de la Loire ".
4. Par ailleurs, l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département ; ces chefs de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ; / (...) 7° Aux agents en fonction dans les préfectures, pour les matières relevant des attributions du ministre de l'intérieur, y compris les lettres d'observation valant recours gracieux formés auprès des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, pour les matières relevant des ministères qui ne disposent pas de services dans le département ainsi que pour la transformation en états exécutoires des ordres de recettes mentionnés aux articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (...) ".
5. L'arrêté du 11 janvier 2021 portant transfert aux autorités suisses a été signé, pour le compte du préfet de Maine-et-Loire et par délégation, par Mme A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 janvier 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 8 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme A... pour signer " j) les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) ". Contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de Maine-et-Loire d'accorder une délégation pour signer les décisions prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 uniquement aux agents du pôle régional Dublin installé au sein des services de sa préfecture. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cet arrêté vise la nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
7. Par ailleurs, l'article L. 744-6 du même code dispose que : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. / L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin (...) ".
8. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. D... E... qu'il a bénéficié le 18 novembre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue tigrina, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte-rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat et dont aucun élément ne permet de douter de la compétence. Il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation, au cours de l'entretien. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, alors que le compte-rendu est signé et revêtu d'un tampon de la préfecture de la Loire-Atlantique, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé n'a pas fait l'objet de l'évaluation prévue pour déterminer les besoins particuliers en matière d'accueil, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant transfert aux autorités suisses. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions mentionnées aux points 6 et 7 doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la demande du requérant.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ".
11. Aux termes de l'article 1er de l'accord du 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux critères et mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre ou en Suisse, lequel accord mentionne que " la coopération dans les domaines couverts par les règlements " Dublin " et " Eurodac " repose sur les principes de liberté, de démocratie, d'Etat de droit et de respect des droits de l'homme, tels que garantis en particulier par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " : " Les dispositions: / - du règlement "Dublin", / - du règlement "Eurodac",/ - du règlement "modalités d'application d'Eurodac" et/ - du règlement "modalités d'application de Dublin" / sont mises en œuvre par la Confédération suisse, ci-après dénommée "Suisse", et appliquées dans ses relations avec les Etats membres de l'Union européenne, ci-après dénommés "Etats membres". / 2. Les Etats membres appliquent les règlements visés au par. 1 à l'égard de la Suisse. / 3. Sans préjudice de l'art. 4, les actes et mesures pris par la Communauté européenne modifiant ou complétant les dispositions visées au par. 1 ainsi que les décisions prises selon les procédures prévues par ces dispositions sont également acceptés, mis en œuvre et appliqués par la Suisse. (...) 5. Aux fins des par. 1 et 2, les références aux " Etats membres " contenues dans les dispositions visées au par. 1 sont réputées englober la Suisse. ". La Suisse constitue un pays associé au règlement de Dublin ainsi que le mentionne, en son annexe X, le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers. Il s'ensuit que les règles établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers sont applicables à la Suisse et que la Suisse doit être regardée comme un Etat membre pour l'application des dispositions citées au point 10.
12. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
13. Le requérant invoque les risques qu'il encourt, par ricochet, en cas de retour en Erythrée et se prévaut d'un document de contrôle du 15 avril 2019 par lequel l'Office cantonal de la population et des migrations de Genève certifie qu'il a " fait l'objet d'une décision fédérale de renvoi, entrée en force le 29 mars 2019 " et qu'il " est ainsi tenu de quitter le territoire suisse ". Toutefois, la seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par la Suisse l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. Par ailleurs, le préfet a produit en première instance un courriel daté du 4 janvier 2019 par lequel le secrétariat d'Etat aux migrations de la confédération suisse précise que si les personnes de nationalité érythréenne dont la demande d'asile a été rejetée ne se conforment pas à l'obligation de quitter le pays qui leur est faite ne se voient pas accorder un titre de séjour en Suisse, elles reçoivent néanmoins une aide d'urgence qui couvre leur minimum vital, ce qui atteste, par voie de conséquence, qu'elles ne sont donc pas renvoyées dans leur pays d'origine. Cette position est confirmée dans la " foire aux questions sur l'Erythrée " du secrétariat d'Etat aux migrations mise à jour le 1er octobre 2019, qui précise, que : " Quand des requérants d'asile en provenance d'Erythrée sont déboutés, un examen individuel minutieux de tous les obstacles susceptibles de s'opposer à l'exécution de leur renvoi en Erythrée est systématiquement effectué. (...) Toutefois s'il ressort de l'examen d'un cas individuel qu'une menace pour l'existence de l'intéressé en cas de renvoi peut être présumée, ce dernier est provisoirement admis en Suisse en raison de l'inexigibilité de l'exécution de son expulsion en Erythrée. Les autorités érythréennes n'acceptent toujours pas le retour forcé de leurs citoyens. Toutefois un retour volontaire reste possible ". Par suite, il n'est pas établi que le requérant ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités suisses tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et de celle de l'Erythrée, ni que les autorités suisses n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels il serait exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 10 doit être écarté.
14. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".
15. En l'absence de production de toute pièce justificative d'une vulnérabilité particulière du requérant en raison de son état de santé, le moyen tiré de ce que, en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités suisses, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, doit être écarté.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
16. En premier lieu, il résulte de tout ce qui a été dit aux points 3 à 15 que le requérant n'est pas fondé à invoquer l'illégalité, par voie d'exception, de la décision prononçant son transfert aux autorités suisses.
17. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 à 5 du présent arrêt.
18. En troisième lieu, la décision portant assignation à résidence de M. D... E... comporte l'exposé des motifs de droit et considérations de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. En dernier lieu, l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 au titre du 5° de cet article ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5, l'autorité administrative peut fixer à quatre au plus le nombre de présentations quotidiennes. La même autorité administrative est compétente pour désigner à l'étranger assigné à résidence, en application de l'article L. 561-1, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code " (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ". L'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ". Il ressort de ces dispositions qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie.
20. D'autre part, si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même.
21. Il résulte des dispositions citées au point 19 que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir sa décision portant assignation à résidence de M. D... E..., d'une part, d'une interdiction de sortir sans autorisation du département de la Loire-Atlantique, et d'autre part, de l'obligation pour l'intéressé de se présenter tous les lundis, à 8 heures du matin et à l'exception des jours fériés, aux services de la police aux frontières du commissariat de police de Nantes. Par ailleurs, il n'est pas démontré que cette interdiction de sortir et cette obligation présenteraient pour l'intéressé un caractère disproportionné. Enfin, aucun principe, ni aucune disposition ne s'oppose à ce que le préfet, par application notamment des dispositions de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fixe une plage horaire de présentation de l'intéressé aux services de police. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur d'appréciation qui entacheraient à cet égard la décision d'assignation à résidence en litige doivent être écartés.
22. Les mesures contraignantes prises par le préfet sur le fondement des dispositions précitées, à l'encontre d'un étranger assigné à résidence, qui limitent l'exercice de sa liberté d'aller et venir, doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent, à savoir s'assurer du respect de l'interdiction faite à l'étranger de sortir du périmètre dans lequel il est assigné à résidence. L'obligation faite à M. D... E... de se présenter tous les lundis, à 8 heures du matin, à l'exception des jours fériés, aux services de la police aux frontières du commissariat de Nantes, " muni de ses effets personnels ", excède dans cette dernière mesure ce qui est nécessaire et adapté à la nature et à l'objet de cette présentation hebdomadaire, dont l'objectif est uniquement de s'assurer qu'il n'a pas quitté le périmètre dans lequel il est assigné. Il s'ensuit que le requérant est fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire, en lui imposant, par l'arrêté attaqué, de se munir de ses effets personnels lorsqu'il se présente une fois par semaine au services de la police aux frontières du commissariat de police de Nantes, a pris une mesure qui n'est ni nécessaire ni adaptée à l'objectif poursuivi par la mesure d'assignation à résidence, et à demander l'annulation de cette prescription, qui est divisible de la mesure d'assignation elle-même.
23. Il résulte de ce qui précède que le requérant est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire l'assignant à résidence, en tant que cet arrêté lui fait obligation de se présenter " muni de ses effets personnels " au commissariat de police de Nantes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
24. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant le transfert de M. D... E... aux autorités suisses et annule partiellement l'arrêté portant assignation à résidence en tant qu'il fixe certaines modalités de contrôle, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais du litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme dont le requérant, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocate au titre des frais non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 11 janvier 2021 d'assignation à résidence est annulé en tant qu'il fait obligation à M. D... E..., alias B..., de se munir de ses effets personnels pour se présenter hebdomadairement au commissariat de police de Nantes.
Article 2 : Le jugement n° 2100422 du 26 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... E..., alias B..., et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Malingue, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021.
La rapporteure, Le président,
F. MALINGUE O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT010505
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