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23/11/2021 | FRANCE | N°20NT02043

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 novembre 2021, 20NT02043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 15 février 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1800952 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 4 juin 202

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2°) d'annuler la décision du 15 février 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 15 février 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1800952 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 4 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait ;

- la sanction prononcée présente un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 janvier 2021, le président de la 6ème chambre de la cour a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité, présentée par M. A..., tirée de la méconnaissance du principe de nécessité des peines de l'article 8 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen par l'article L. 952-7 du code de l'éducation, en ce qu'il prévoit la possibilité d'un cumul des sanctions prononcées par la section disciplinaire du conseil académique des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et de celles prononcées par les instances disciplinaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2014-133 du 17 février 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public

- et les observations de Me Launay, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. A compter du mois de janvier 2014, M. A..., professeur certifié, a été nommé directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPE), composante de l'université de Caen, pour une durée de cinq ans. Le 18 juillet 2017, il a été informé de l'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire. L'intéressé relève appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2018 du ministre de l'éducation nationale prononçant sa révocation.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 février 2018 :

2. En premier lieu, par un décret du 27 septembre 2017 publié au journal officiel de la République française le lendemain, M. B... C... a été nommé directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. En sa qualité de directeur d'administration centrale, et en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, il avait compétence pour signer " l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires du service placé sous [son] autorité. ". Contrairement à ce que soutient M. A..., l'article 3 du décret du 17 février 2014 fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche, donnait compétence à la direction générale des ressources humaines pour prononcer les sanctions disciplinaires des agents dont elle assurait la gestion des carrières. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise par une autorité incompétence ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Quatrième groupe : (...) - la révocation. ". Aux termes de l'article 67 du même texte : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général (...) ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il ressort des pièces du dossier, que le 18 octobre 2016, au cours d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) exceptionnel de l'université de Caen-Normandie, réuni à la demande des représentants du personnel, dix-neuf témoignages écrits dénonçant des faits de harcèlement moral et sexuel de la part du directeur de I'ESPE ont été produits. Le rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale diligentée à la suite de ces révélations, rédigé au mois de mars 2017, a confirmé que M. A... avait un mode de communication " rugueux ", usant de propos désobligeants, voire insultants, pouvant choquer. Le requérant reconnait avoir pu commettre des erreurs de management, en employant notamment un ton sec, mais invoque les difficultés qu'il a rencontrées lors de la restructuration de l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) en vue de sa transformation en une composante de l'université. S'il n'est pas contesté que cette réforme a entraîné une réorganisation des services et a pu être à l'origine de tensions au sein du personnel concerné, ce contexte professionnel particulier ne suffit pas à excuser un comportement anormalement autoritaire et dévalorisant de l'intéressé à l'égard des agents placés sous sa responsabilité. Les témoignages produits attestent du caractère fluctuant de l'humeur de M. A... et de la peur de représailles vécue par certains agents placés sous sa responsabilité, mis en arrêts de travail en raison d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel en lien direct avec sa manière de diriger l'ESPE. Par ailleurs, le rapport d'inspection confirme qu'il a tenu des propos ambigus, avec des sous-entendus à connotation sexuelle, envers plusieurs agents, stagiaires ou étudiantes. Le requérant met en avant le caractère privé et consenti, selon lui, des relations intimes qu'il a pu avoir avec certains personnels féminins de l'école, des stagiaires ou même des étudiantes. Il minimise son influence en décrivant des comportements de " séduction partagée ". Il est cependant constant que M. A... disposait, de par ses fonctions, d'une autorité évidente tant vis-à-vis des fonctionnaires ou stagiaires placées sous sa responsabilité, que des jeunes étudiantes dont l'avenir professionnel était en jeu. Son comportement inapproprié, établi au dossier, est en grande partie reconnu par l'intéressé, responsable d'un établissement universitaire de formation. Dans son arrêt du 29 septembre 2021, la cour d'appel de Caen a d'ailleurs déclaré M. A... coupable de harcèlement moral au préjudice de sept personnes et de harcèlement sexuel à l'encontre de deux personnes et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de 15 mois avec un sursis probatoire de deux ans et à une obligation de soins. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait.

6. En troisième lieu, M. A... fait valoir qu'il n'avait auparavant jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire et qu'il donnait satisfaction, dans une certaine mesure, dans l'exercice de ses fonctions. Les faits retenus par les motifs de la décision de révocation contestée, prise sur avis unanime de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Compte tenu des fonctions de directeur d'une des composantes de l'université, du caractère répété et de l'impact des faits reprochés, tant sur les agents de l'ESPE et les étudiantes concernées, que sur le fonctionnement de cette institution, les faits d'une particulière gravité sont de nature à justifier la révocation de l'intéressé. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette sanction présenterait un caractère disproportionné.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... E... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02043
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-23;20nt02043 ?
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