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23/11/2021 | FRANCE | N°20NT00384

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 novembre 2021, 20NT00384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé à son encontre la sanction de révocation, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière à compter du 29 janvier 2019, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.<

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Par un jugement n° 1901124 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif d'O...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé à son encontre la sanction de révocation, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière à compter du 29 janvier 2019, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901124 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, M. A..., représenté par Me Bonvillain, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2019 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

3°) d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière à compter du 29 janvier 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 24 janvier 2019 prononçant sa révocation est insuffisamment motivé ; il se réfère à " l'avis motivé " (article 19 loi du 13 juillet 1983) émis par le conseil de discipline du 2 octobre 2018 sans pour autant donner le sens de cet avis ni l'annexer ; il n'a pas été destinataire de cet avis. Il ne peut donc savoir si la sanction a été proposée par le conseil consulté à la majorité des deux tiers de ses membres présents ;

- l'arrêté contesté ne mentionne pas non plus la possibilité de saisine de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ; cette mention dans la lettre d'accompagnement de l'arrêté ne permet pas une information éclairée de l'agent ;

- l'arrêté du 24 janvier 2019 prononçant sa révocation est entaché d'un vice de procédure ; l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 est méconnu en ce que le rapport de saisine de la commission administrative paritaire académique n'a pas seulement été lu mais diffusé aux membres du conseil ;

- la procédure disciplinaire est illégale dès lors que sa mise à disposition auprès de l'inspection académique est illégale ; elle est intervenue sans son accord et constitue un détournement de procédure entachant la procédure disciplinaire engagée à son encontre ;

- la sanction de révocation est disproportionnée eu égard à l'ancienneté des faits qui lui sont reprochés ; à cet égard, les faits qui fondent la sanction, dont l'administration a eu connaissance près de 17 ans après leur commission, ont été commis dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2001 alors, qu'âgé de quinze ans, il était élève de 3ème et n'était engagé dans aucun cursus professionnel ; la plupart des affaires sur lesquelles le juge administratif a eu à se prononcer concernent des fonctionnaires en exercice au moment des faits et des condamnations prononcées par le juge correctionnel et non par le tribunal pour enfant ; l'administration n'établit pas, par la seule production du courriel du service gestionnaire du FIJAISV versé aux débats, qu'elle a eu connaissance des faits incriminés dès le 24 mai 2017 ;

- la sanction de révocation méconnaît le droit à l'oubli dont il bénéficie sur le fondement des dispositions de l'article 706-53-4 du code de procédure pénale modifié par la loi du 3 juin 2016 ; le délai de 10 ans a commencé à courir dès la fin de l'année 2004 or il n'a bénéficié d'une radiation automatique du FIJASV que le 6 juin 2017 ; son nom aurait dû être effacé du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes avant que son employeur ne le consulte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et s'en remet aux écritures produites devant le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., professeur certifié d'éducation musicale, a été titularisé le 1er septembre 2010. Il a été affecté en dernier lieu dans l'académie d'Orléans-Tours à compter du 1er septembre 2018. Dans le cadre d'une opération nationale de contrôle en cours de carrière des agents en contact habituel avec des mineurs, les rectrices des académies de Créteil, où il exerçait ses fonctions jusqu'au 31 août 2018, et Orléans-Tours ont été informées que son nom apparaissait au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) en raison d'un viol en réunion sur une enseignante d'espagnol, commis avec préméditation, alors qu'il était mineur, et pour lequel il a été condamné définitivement le 28 octobre 2003 par le tribunal pour enfants D... B... à une peine de quatre ans d'emprisonnement assortie d'un sursis de deux ans et six mois. Au regard de ces faits, la rectrice de l'académie de Créteil l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois du 2 février 2018 au 1er juin 2018. Il a ensuite été informé, par deux courriers de septembre 2018 de la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours, qu'une procédure disciplinaire était diligentée à son encontre et qu'il était mis à disposition de l'inspection académique - inspection pédagogique régionale d'éducation musicale jusqu'à l'issue de cette dernière. A la suite de la réunion de la commission administrative paritaire académique siégeant en formation disciplinaire le 2 octobre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé à son encontre la sanction de révocation par un arrêté du 24 janvier 2019, notifié le 29 janvier 2019.

2. M. A... a, le 28 mars 2019, saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2019 et à ce qu'il soit fait injonction au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière à compter du 29 janvier 2019. Il relève appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 janvier 2019 :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 24 janvier 2019 portant révocation de M. A... :

3. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriales et hospitalières ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme (conseil de discipline) de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ".

4. En premier lieu, M. A... soutient que l'arrêté du 24 janvier 2019 prononçant sa révocation est insuffisamment motivé en ce que, notamment, s'il se réfère à " l'avis motivé ", qui n'est pas annexé, émis par le conseil de discipline du 2 octobre 2018, cet arrêté ne donne pas le sens de cet avis dont il n'a pas été destinataire.

5. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de préciser dans la décision portant sanction disciplinaire la teneur de l'avis émis par le conseil de discipline. Le ministre n'avait pas davantage l'obligation d'annexer cet avis à sa décision qui ne s'y réfère pas pour sa motivation. Enfin, en l'absence de disposition législative ou réglementaire prévoyant cette formalité, le défaut de communication à l'intéressé de l'avis du conseil de discipline préalablement à l'intervention de la mesure disciplinaire contestée n'est pas de nature à entacher d'irrégularité ladite mesure. D'autre part, l'arrêté ministériel contesté qui vise les dispositions législatives et réglementaires applicables à M. A... et rappelle précisément les faits qui lui sont reprochés, en citant les termes du jugement du 28 octobre 2003 du tribunal pour enfants D... B..., énonce, en tout état de cause, de façon suffisamment précise les motifs de droit et les considérations de fait qui lui servent de fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté ministériel du 24 janvier 2019 sera écarté.

6. En deuxième lieu, M. A... soutient que l'arrêté du 24 janvier 2019 contesté ne mentionne pas la possibilité de saisine de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et qu'il a ainsi été privé de cette voie de recours.

7. D'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article 10 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'administration lors de la notification au fonctionnaire poursuivi de la sanction dont il a fait l'objet doit communiquer à l'intéressé les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat se trouvent réunies. ". Ces dispositions se bornent à prévoir des modalités de notification au fonctionnaire de la sanction dont il fait l'objet. Dès lors, les circonstances que l'arrêté attaqué ne mentionne pas les informations de nature à déterminer si les conditions de saisine de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat (CSFPE) se trouvaient réunies et qu'il n'a pas été destinataire de l'avis du conseil de discipline sont sans influence sur sa légalité. D'autre part, le courrier du 24 janvier 2019, que M. A... admet avoir effectivement reçu, portant notification de l'arrêté ministériel du même jour infligeant à cet agent la sanction disciplinaire de la révocation l'informait de ce qu'il pouvait, conformément aux dispositions de l'article 10 du décret précité, saisir la commission de recours du CSFPE dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté en cause. Le moyen tiré du vice de procédure, qui manque en fait et en droit, sera écarté.

8. En troisième lieu, M. A... soutient que l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 a été méconnu en ce que le rapport de saisine de la commission administrative paritaire académique n'a pas seulement été lu mais diffusé aux membres du conseil de discipline.

9. Aux termes de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. (...) ".

10. Ces dispositions, qui en imposent la lecture en séance, ne permettent, n'imposent ou n'interdisent pas la transmission à l'ensemble des membres du conseil de discipline du rapport de saisine de ce conseil. Le moyen doit par suite être écarté. Cette circonstance qui n'a privé M. A... d'aucune garantie n'entache pas d'irrégularité la procédure suivie à son encontre. Par ailleurs, le requérant ne saurait davantage utilement, et en tout état de cause, invoquer la méconnaissance du principe de confidentialité " des informations sensibles " de chaque agent, les membres de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline étant tenus au secret et à la discrétion professionnelle en application des dispositions de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983.

11. En quatrième lieu, M. A... soutient que la procédure disciplinaire ayant conduit à la sanction contestée du 24 janvier 2019 est entachée d'irrégularités dès lors, d'une part, que sa suspension du 29 janvier 2018, qui n'a pas été suivie d'effets sur le plan disciplinaire, n'est pas motivée et que, d'autre part, sa mise à disposition auprès de l'inspection académique d'éducation musicale à compter du 1er septembre 2018 est intervenue sans son accord caractérisant un détournement de procédure.

12. Toutefois, M. A... n'est pas fondé à exciper des " illégalités procédurales " de la décision le suspendant de ses fonctions à titre conservatoire et de celle le mettant à la disposition de l'inspection académique d'Orléans-Tours dès lors que la sanction de révocation contestée du 24 janvier 2019 n'a pas été prise pour l'application de ces décisions qui n'en constituent pas davantage la base légale.

13. En cinquième lieu, M. A... soutient que la procédure disciplinaire ayant conduit à la sanction de la révocation est irrégulière dès lors que, lorsqu'il a été admis au concours au grade de professeur certifié et nommé stagiaire le 1er septembre 2009, l'administration n'a pas alors consulté le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS) créé par la loi du 9 mars 2004 et n'a procédé à aucun contrôle le concernant, ainsi qu'il lui était pourtant loisible de le faire. Toutefois, la procédure ayant conduit au recrutement du requérant est sans rapport et demeure indépendante de celle ayant débouché sur la sanction de la révocation contestée. Le moyen sera écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 24 janvier 2019 portant révocation de M. A... :

14. Pour prononcer, par l'arrêté contesté du 24 janvier 2019, la révocation de M. A..., le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse s'est fondé sur le jugement définitif rendu le 28 octobre 2003 par le tribunal pour enfants D... B... le reconnaissant coupable d'un viol en réunion sur une enseignante d'espagnol, maîtresse auxiliaire, commis avec préméditation lors d'une fête privée dans la nuit du 30 juin 2001 au 1er juillet 2001, alors qu'il était mineur. Le ministre a également rappelé que, pour ces faits, l'intéressé avait été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement assortie d'un sursis de deux ans et six mois. L'administration indique qu'elle a eu connaissance de la condamnation en cause à la suite d'un contrôle général, pour ses personnels en contact avec les mineurs, par consultation du bulletin n°2 du casier judiciaire et du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAISV).

15. M. A... soutient, en premier lieu, que l'arrêté du 24 janvier 2019 portant révocation méconnaît le droit à l'oubli tel qu'il est prévu par l'article 706-53-4 du code de procédure pénale issu de la loi du 3 juin 2016, qui énonce que les informations figurant au FIJAISV sont retirées, lorsqu'elles concernent un mineur condamné à une peine de privation de liberté, dix ans après sa libération. Il ajoute que, libéré à la fin de l'année 2004, son nom aurait dû être effacé du FIJAISV à la fin de l'année 2014.

16. D'une part, aux termes de l'article 706-53-4 du code de procédure pénale dans sa version issue de l'article 79 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, entrée en vigueur le 1er juin 2017 : " Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 706-53-9 et 706-53-10, les informations mentionnées à l'article 706-53-2 concernant une même personne sont retirées du fichier au décès de l'intéressé ou à l'expiration, à compter du prononcé de la décision prévue au même article 706-53-2, d'un délai de : 1° Trente ans s'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement ; 2° Vingt ans dans les autres cas. / Toutefois, ce délai est de dix ans s'il s'agit d'un mineur. / Lorsque la personne exécute une peine privative de liberté sans sursis en application de la condamnation entraînant l'inscription, ces délais ne commencent à courir qu'à compter de sa libération. " Selon l'article 706-53-2 du même code issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dans sa version en vigueur du 10 mars 2004 au 13 décembre 2005 : " Lorsqu'elles concernent, sous réserve des dispositions du dernier alinéa du présent article, une ou plusieurs des infractions mentionnées à l'article 706-47, sont enregistrées dans le fichier les informations relatives à l'identité ainsi que l'adresse ou les adresses successives du domicile et, le cas échéant, des résidences, des personnes ayant fait l'objet : 1° D'une condamnation, même non encore définitive, y compris d'une condamnation par défaut ou d'une déclaration de culpabilité assortie d'une dispense ou d'un ajournement de la peine ; / 2° D'une décision, même non encore définitive, prononcée en application des articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis et 28 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; / Le fichier comprend aussi les informations relatives à la décision judiciaire ayant justifié l'inscription et la nature de l'infraction. (...) / Les décisions mentionnées aux 1° et 2° sont enregistrées dès leur prononcé. ".

17. D'autre part, aux termes de l'article 706-53-7 du code de procédure pénale : " Les informations contenues dans le fichier sont directement accessibles, par l'intermédiaire d'un système de télécommunication sécurisé : (...) 3° Aux préfets et aux administrations de l'Etat dont la liste est fixée par le décret prévu à l'article 706-53-12, pour les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions ; (...) / Les personnes mentionnées au 3° du présent article ne peuvent consulter le fichier qu'à partir de l'identité de la personne concernée par la décision administrative.(...) ". Et selon l'article R. 53-8-24 du même code dans sa rédaction issue de l'article 37 du décret n° 2010-344 du 31 mars 2010 : " I. - En application des dispositions du 3° de l'article 706-53-7, peuvent directement interroger le fichier, par un système de télécommunication sécurisé, à partir de la seule identité d'une personne ayant formé une demande de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant une activité ou une profession impliquant un contact avec des mineurs ou dont l'exercice d'une telle activité ou profession doit être contrôlé : (...) 2° Les chefs de services ou agents individuellement désignés et spécialement habilités par eux à cette fin des administrations de l'Etat suivantes : a) La direction chargée de la gestion des ressources humaines du ministère chargé de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ; b) Les rectorats et les inspections académiques ; c) La direction de la protection judiciaire de la jeunesse et ses directions régionales ; e) La direction de la jeunesse et de l'éducation populaire et la direction des sports ; (...) / ".

18. Il ressort, tout d'abord, des pièces versées au dossier, en particulier des termes du courriel du 23 avril 2019 produit en première instance, émanant des services gestionnaires du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAISV) que " les services de l'éducation nationale ont, le 24 mai 2017, consulté ce fichier relativement à la situation de M. A... à cette dernière date ". Bien que n'étant pas l'acte de réquisition de consultation du fichier en question par l'administration de l'agent, ce courriel est un élément suffisamment probant permettant d'établir, contrairement à ce que soutient le requérant, que c'est bien à la date du 24 mai 2017 que son administration a eu connaissance effective des faits commis en 2001 par M. A... ayant conduit à l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre et fondé la révocation contestée. Dans ces conditions, la circonstance que, 14 jours plus tard, soit le 6 juin 2017, les informations relatives à M. A... auraient été retirées, ou auraient dû être retirées, du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles demeure sans incidence en l'espèce.

19. Il ressort ensuite de la combinaison des dispositions du code de procédure pénale rappelées au point 16 que si la décision prise par le tribunal pour enfants condamnant M. A... le 28 octobre 2003 est enregistrée dès son prononcé, soit à cette même date, sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, le retrait de ce fichier de ces informations dans un délai de dix ans lorsqu'il s'agit d'un mineur, institué par le I de l'article 79 de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, modifiant sur ce point l'article 706-53-4 du code de procédure pénale, n'a en été légalement possible qu'à compter du 1er juin 2017, date d'entrée en vigueur de ces dispositions, conformément au II de ce même article 79, soit postérieurement à la consultation de ce fichier par le ministère de l'éducation nationale. A supposer que le requérant ait entendu exciper de l'illégalité du maintien des informations le concernant au FIJAISV à la date à laquelle les services du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ont consulté ce fichier, le moyen sera dans cette branche, en tout état de cause, écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen en tant qu'il invoque le bénéfice du droit à l'oubli sera également écarté.

20. M. A... soutient, en second lieu, que la sanction de la révocation est entachée d'une erreur d'appréciation eu égard, d'une part, à l'ancienneté des faits commis alors qu'il était, au moment de la commission des faits, un élève de classe de 3ème âgé de quinze ans engagé dans aucun cursus professionnel et, d'autre part, à ses états de service depuis son recrutement en 2009.

21. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. ".

22. Les faits au titre desquels M. A... a été définitivement condamné par le tribunal pour enfants D... B... le 28 octobre 2003, rappelés ci-dessus, et dont la matérialité a ainsi été établie, ont un caractère d'extrême gravité. Il est exact que l'infraction commise par le requérant l'a été en dehors de tout cadre professionnel et avant son entrée en service dans l'éducation nationale, alors qu'il était mineur, que ses qualités professionnelles sont reconnues et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait commis d'autres infractions depuis son entrée en service en qualité d'enseignant. Toutefois, eu égard à la nature des fonctions et aux obligations qui incombent au personnel enseignant, ainsi qu'à la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du service public de l'éducation nationale et de préserver sa réputation, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a pu, sans erreur d'appréciation, retenir les faits incriminés, certes commis bien antérieurement à la nomination de M. A... en qualité de fonctionnaire pour exercer des fonctions d'enseignement dans l'enseignement secondaire, pour estimer que de tels faits étaient incompatibles avec le maintien dans de telles fonctions d'enseignement et décider, ainsi, de prononcer la sanction de révocation qui n'est pas disproportionnée.

23. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction de la révocation du 24 janvier 2019 qui lui a été infligée.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

24. Le présent arrêt qui rejette les conclusions du requérant tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2019 portant révocation n'implique aucune mesure d'exécution sur ce point. Les conclusions présentées par M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière à compter du 29 janvier 2019, ne peuvent par suite qu'être rejetées.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que M. A... réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2021.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT00384 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00384
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : BONVILLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-23;20nt00384 ?
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